Montaigne, Au lecteur
Commentaire de texte : Montaigne, Au lecteur. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Marcel Gisson • 20 Février 2020 • Commentaire de texte • 2 394 Mots (10 Pages) • 1 692 Vues
Montaigne : Commentaire composé « Au lecteur »
Ce texte « Au lecteur » se présente comme une préface testamentaire sous forme de message épistolaire aux Essais (livre emblématique de Montaigne), dans lequel l’auteur s'adresse à son lecteur/interpelle le lecteur, comme l'indique le titre pour lui présenter son projet
C’est un texte argumentatif et teinté d’humour dans lequel Montagne justifie son projet et tente de séduire le lecteur.
I. Les caractéristiques d’une préface autobiographique mais aussi un texte argumentatif
La situation d’énonciation possède toutes les caractéristiques d’une préface dans laquelle l’auteur livre son projet autobiographique à son lecteur.
- Le titre révèle la volonté qu’a l’auteur de s’adresser à son lecteur, la préface se termine par une formule conclusive : « Adieu donc », une date et une signature. L’expression « Dès l’entrée » fait directement référence à la préface, elle insiste sur le fait que nous sommes vraiment dans un prélude au texte (prodrome = Ce qui annonce un événement, Synonymes : préface, préambule, prolégomènes, prologue)
- L’auteur est représenté par l’omniprésence de la première personne où l’auteur et à la fois sujet et objet (auteur-narrateur- personnage de l’œuvre)
- sujet « je » placé en début de phrase « je ne m’y suis, j’ai voulu »
- et abondance des déterminants possessifs « ma gloire, mes forces, mes parents et amis »…).
- Le « je » sujet et objet d’une même phrase crée un effet de miroir typique de l’écriture autobiographique (« je veux qu’on m’y voie », « je ne m‘y suis proposé », « je m‘y fusse très volontiers peint »
- Le principe de l’autobiographie est exposé très clairement, notamment à travers l’image d’un portrait/tableau « Car c’est moi que je peins » et à travers la métaphore « je suis moi-même la matière de mon livre » qui récapitule le projet à la fin de la préface : Montaigne est bien le sujet de l’œuvre qu’il présente
- « lecteur » dès l’entrée (ligne 1), Montaigne interpelle/apostrophe/s’adresse directement au lecteur « il [ce livre] t’avertit». Un tel usage/utilisation du tutoiement instaure une proximité et une certaine intimité/familiarité/complicité entre le locuteur et le destinataire. La place du lecteur est importante dans le texte puisqu’il sera à nouveau interpellé en conclusion (diallèle, la boucle est bouclée).
On se rend compte/comprend que Montagne a pour projet d’expliquer et de justifier son entreprise autobiographique : C’est donc un texte argumentatif : Les verbes exprimant l’intention ou la volonté constituent la marque caractéristique d’un texte à visée argumentative « j’ai voulu, je veux, je ne m’y suis pas ».
II. La présentation du projet autobiographique :
- Une démarche sincère et un contrat moral passé avec le lecteur
Montaigne adopte une démarche fondée sur la sincérité. Il insiste sur l’honnêteté de son autobiographie/de son portrait. Il s’engage auprès du lecteur et passe avec lui une sorte de contrat moral.
- « bonne foi » = le livre va être honnête, Michel de Montaigne va être sincère dans sa démarche / s’engage à la sincérité.
- le champ lexical de la sincérité est d’ailleurs présent : «livre de bonne foi », « forme simple, naturelle, ordinaire», « sans effort et sans artifice », « vif », « ma manière d’être naïve », «tout entier », « tout nu » « qu’ils entretiennent la connaissance qu’ils ont eu de moi »
- Il affirme également de pas écrire pour la renommée « Je ne m’y suis pas du tout préoccupé de [ton intérêt], ni de ma propre gloire » (A noter que cette phrase très sèche contiendra une autre affirmation sur laquelle nous reviendrons). Ce ne sera pas un portrait laudateur, un panégyrique.
- La forme négative « mes forces ne sont pas capables d’un tel dessein » insiste sur un aveu d’impuissance, au-delà du simple non vouloir, il y a donc une incapacité morale puis physique (« forces »). Montaigne se dit incapable de travailler à sa propre gloire
- Montaigne fait preuve de modestie (ou de la fausse modestie) dans son texte « pas d’autres buts que personnels » « ma manière d’être naïve » « mes défauts se liront » « sujet si frivole et si vain » (aurait-il écrit un livre sur un sujet frivole ?)
Transition : Le Lecteur est averti que ce livre est hors normes et qu’il ne doit pas le juger en usant de critères ordinaires. Montaigne va alors insister sur sa volonté de ne pas embellir son image pour la postérité
- Un portrait authentique
Montaigne insiste sur l’authenticité de son portrait, l’absence d’artifices.
Montaigne utilise un système d'opposition entre ce qu'il a fait et ce qu'il n'a pas fait (sous forme d’hypothèses introduites par des « si »).
Il le met en valeur par une opposition entre les formes temporelles (subj. Imparfait et conditionnel pour ce qu'il n'a pas voulu faire et présent et conditionnel pour ce qu'il a fait).
- D’où le champ lexical de la dissimulation : « paré », « démarche étudiée », = cacher
- En contraste avec le champ lexical du naturel (ligne 9-10) visible à travers l’accumulation de 3 adjectifs de sens proches (« simple », « naturelle », « ordinaire ») qui affirment la volonté d’être le plus vrai possible.
- Notons également l’effet d’insistance avec la double négation « sans effort et sans artifice »
- Cette importance accordée à la vérité de l’autoportrait se traduit ligne 11 par l’expression : « Car c’est moi que je peins »
► car ⇒ expression de la cause
► c’est ⇒ présentatif/emphase/mise en relief
► c’est moi que je peins ⇒ définition de l’autoportrait
► métaphore filée : le livre est comme un tableau, on le note à travers le vocabulaire propre au genre du portrait : « traits », « c’est moi que je peins », « peint tout entier »
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