Loreley, Apollinaire
Commentaire de texte : Loreley, Apollinaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sososo973 • 26 Mars 2017 • Commentaire de texte • 2 534 Mots (11 Pages) • 3 201 Vues
Lecture analytique : Loreley Apolinaire
Introduction :
Accroche : Il y a sur la rive droite du Rhin un grand rocher qui surplombe le fleuve et menace les marins. Très tôt la légende s’empara de ce lieu funeste et le donna en résidence à une nixe (sorte de sirène germanique) qui chante et par son chant attire les bateaux et les conduit au naufrage. Apollinaire découvre cette histoire dans une chanson écrite par Clemens Brentano (1778-1842) « Die Lorelei » (du moyen allemand lüren : épier et lei : rocher) ou dans un texte d'Heinrich Heine (1797-1856) : il a vingt-et-un ans, il écrit alors un poème en dix-neuf distiques consacré à La Loreley. Présentation du texte : Ce texte de jeunesse rejoindra le recueil Alcools publié en 1913, et plus précisément les neuf poèmes regroupés sous le titre « Rhénanes » . Il vit, à cette époque une aventure malheureuse avec Annie Playden et c'est pourquoi il trouve dans l'histoire de la Loreley des résonances personnelles. Problématique : Mais s’agit-il seulement d’un récit personnel relaté à travers une héroïne ambiguë, la Loreley ? Plan :
Nous étudierons dans une première partie le récit mythologique puis nous expliquerons comment la Loreley devient un personnage idéalisé au service d’un aveu.
I. Un récit mythologique
1.Un texte narratif et symbolique :
L’incipit est narratif, c’est un complément circonstanciel de lieu qui ancre la dramaturgie dans un espace qui se décomposera en trois plateaux, pour un drame en trois actes : le tribunal, la route qui mène au couvent et le sommet du Lurelei. L’issue fatale demeure dans l’implicite. Suit un embrayage sans contexte emprunté au conte, « il y avait » (v.1), autre forme de « il était une fois » . L’imparfait du verbe avoir dit à la fois le jadis et le naguère de l’existence de la « sorcière-blonde », mais aussi l’a-temporalité de cette existence. Les autres temps du récit sont également présents : le présent d’énonciation « tiens-tu » et le passé simple « fit ».
Les personnages sont typiques : chevaliers « trois chevaliers », sorcière « sorcellerie ». L’histoire se situe dans un décor propice : naturel « ce rocher », château « mon beau château », Rhin « tombe dans le Rhin ». Il s’agit d’une contrée vue en plan large « à la ronde » v.2, un espace présenté horizontalement et verticalement avec cette image de falaise dominant le Rhin : les personnages sont isolés, comme seuls au monde.
Le Moyen-Âge, époque typique des histoires préférées d ‘Apollinaire, est également présent par les chevaliers, le château, et la présence du clergé « Évêque » qui a pour rôle de condamner la sorcellerie pour l’Inquisition.
Le village de Bacharach sollicite également l’imaginaire par sa sonorité surprenante, qui lui donne un certain exotisme ; c’est un mot musical, inattendu, et qui reste inscrit dans l’esprit du lecteur. Il rappelle un mot magique, une formule, et sa position en tête du poème est stratégique : il instaure un climat fantastique.
L’alternance entre discours direct et narration rappelle une comptine : il n’y a pas de ponctuation, mais tout est clair pour la compréhension . Les dialogues rendent le texte limpide. C’est un narrateur qui parle, à la troisième personne. Il laisse puis reprend la parole au vers 21 pour la recéder immédiatement : cette voix est celle de la tradition, c’est celle de l’aède ou du garçon d’auberge ou du poète comme on voudra lire le poème. Ce narrateur n’a pas de point de vue propre. Il est au service de l’histoire. Au début, il adopte le point de vue de l’évêque comme pour lui permettre d’entrer en scène. Au moment de l’exécution de la sentence et dans les distiques qui suivent, le narrateur est au service du registre pathétique (« implorait, brillaient comme des astres, tordait, criaient »). À la clôture le ton est neutre, en apparence au moins, avec l’évidence de l’issue fatale. Entre les deux, un dialogue. Les paroles sont rapportées dans leur plus simple appareil, sans ponctuation. S’entrecroisent la voix de l’évêque et de Loreley. L’ambiguïté des répliques est évitée par un jeu d’adresses explicites qui attribue précisément la parole, « Ö belle Lorelei » v.5, « évêque » v.8, cet effet de spontanéité rappelle les mystères jouer sur le parvis des cathédrales. L’énonciation va donc dans le sens d’une théâtralisation.
Cette structure qui associe un récit assez court à des parties de dialogue, la conjugaison des verbes, est caractéristique d’un genre ancien : la chanson de toile qui inscrit le poème dans une tradition lyrique venue de loin.
2. Un poème à la manière d’un Lied
Apollinaire a apporté un soin minutieux à la musicalité de son poème, à la fluidité de ses vers dont la composition se plie à la structure grammaticale des phrases narratives « puis ils s’en allèrent » v.25 et suivants. Ces procédés vont se marier au sens de la narration (rejet au vers 15 de ce qui peut apparaître comme un élément perturbateur « mon amant est parti », toutes les sonorités, toutes les rimes (suivies deux à deux), sont soigneusement choisies et réfléchies. Par exemple, le mot « absolvit » est employé pour des raisons de musicalité, car il y a débat concernant le verbe absoudre, certaines sources ne lui prêtent pas de passé simple, et d’autres, comme Mallarmé, lui prêtent le suivant « j’absolus ». (Apollinaire choisit cette forme en « -v » alors que Nerval, par exemple, utilisera« absolva ».) Ce choix permet une assonance en « i » avec « fit » et « ci ».
On retrouve également des rimes plates qui, de distique en distique, alternent entre rimes masculines et féminines « blondes/rondes ; citer/ beauté ». Ces rimes sont d’ailleurs d’une grande modestie, parfois simple assonance « vierge/protège » (v.13/14) et prenant des libertés avec la régularité « Loreley » au besoin rime avec « ensorcelé » (v.11/12) ou « soleil » (v37/38).
Au dossier de la simplicité caractéristique du genre, il faut verser l’usage d’un vocabulaire assez pauvre, restreint encore par le jeu des répétitions nombreuses (« pierreries, sorcellerie, flammes, mourir »). Or ces répétitions, et particulièrement celle de Loreley ou Lore, jouent leur rôle dans la musicalité du poème par l’effet d’entraînement qu’elles produisent. Certains éléments, d’ailleurs, dans le texte fonctionnent comme des refrains. On note ainsi : une reprise de la phrase v.14/16, des reprises
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