Les petites vielles, Baudelaire
Analyse sectorielle : Les petites vielles, Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar William Henocq • 30 Mai 2018 • Analyse sectorielle • 2 049 Mots (9 Pages) • 3 060 Vues
Les Petites Vieilles, Baudelaire Les Fleurs du Mal, « Tableaux parisiens », CXXVI |
Alors que la posture du poète était jusque là éloignée des êtres de la rue : de la tour d’ivoire dans « Paysage » à une déambulation solitaire dans « Le Cygne », Baudelaire s’intéresse désormais à des êtres réels. Dans « Paysage », poème liminaire de la section « Tableaux parisiens », le poète était encore dans sa tour d'ivoire, proche de l'Idéal, et composait une poésie idyllique qui refusait le réel de la ville. Dans « Le Cygne », le poète descendait dans la rue, mais le spectacle des métamorphoses de la ville n'était qu'un prétexte au surgissement des souvenirs des exilés et à une allégorisation de la ville. C’est ici le premier poème où les êtres peuplant la ville deviennent véritablement des objets de poésie.
Problématique : Ce poème change-t-il notre regard sur les vieilles ?
- Le poète nous invite à porter notre attention sur « les petites vieilles »
- Une posture d’observateur qui nous invite à y prendre part
Nous entrons dans le poème et découvrons la description au fil de la narration du poète.
Ce dernier se pose lui-même en spectateur :
- Le premier pronom à survenir est celui de première personne du singulier « je » : « je guette ».
- Lexique de l’observation : « je guette », « observé », « j’entrevois »
Puis, de ses observations semble naître une rêverie : « il me semble », « méditant » (v.29), « je ne cherche » (v.30).
Or, le poète s’adresse au lecteur, avec la première personne du pluriel vers 7 puis le pronom de deuxième personne « vous » (v.21). Il nous invite à y prendre part avec l’interrogation vers 21-22 : « avez-vous observé… ? ».
Ainsi s’installe une proximité entre le poète et le lecteur ; et ce dernier s’installe alors pleinement dans l’observation de la ville.
Le poète semble déambuler dans Paris au fil de sa description, ce que suggère le participe présent « traversant » (vers 26).
- La description prend place dans un Paris fourmillant
Le poème commence par un CCLieu : « Dans les plis sinueux des vieilles capitales »
→ l’adjectif épithète de « capitales » rappelle le titre du poème. Il semblerait alors que le lieu se confonde avec ses êtres.
→ « dans les plis sinueux » : syllepse de sens entre les rues étroites de Paris et les rides de la peau des personnes âgées
On trouve alors au sein du poème des références à ce lieu.
- vers 26 : « Traversant de Paris le fourmillant tableau » → l’antéposition du CdN « de Paris » permet de mettre en valeur « le fourmillant tableau ». On retient de Paris son agitation, si bien que les « vieilles » apparaissent en contraste. « fourmillant » s’oppose en effet à l’adjectif « fragile » au vers suivant.
- Vers 10 : les « omnibus » = symbole de modernité. Les personnes âgées sont alors ballottées par cette agitation moderne.
- « Frémissant au fracas roulant des omnibus », « flagellés par les bises iniques »
→ Lexique violent : « fracas », « flagellés » : l’environnement est rude
→ Allitérations en [f] et en [r] renforcent la rudesse du lieu
Mais la ville semble se définir par une antithèse entre « horreur » et « enchantements ». Dans ce lieu en mutation et plein d’agitation qui peut être inconfortable, se trouve une certaine magie. Cette description laisse sous-entendre la description de ses habitants sur le même modèle.
- Le poète nous invite à observer des êtres en marge de cette agitation, les « vieilles »
Le titre oriente déjà notre regard : « les petites vieilles ».
Celles-ci sont annoncées par une périphrase : « des êtres singuliers, décrépits et charmants » qui confère à ces personnes un aspect mystérieux.
Ces êtres se caractérisent par :
- LEUR LAIDEUR :
- champ lexical de la laideur : « décrépits », « disloqués », « discords », « monstres » x2, « bossus », « tordus »
- Périphrases : « ces monstres disloqués », « monstres brisés, bossus ou tordus » → informes
Leurs corps semblent porter les stigmates de leur vie passée.
- Leurs vêtements accentuent cette laideur : « jupons troués »
- LEUR FRAGILITE
- « cet être fragile » (v.27)
- « fantôme débile » (v.25) → ces êtres sont quasi irréels
- LEUR SOUFFRANCE, LEUR ACCABLEMENT
- Elles souffrent dans leur chair, ballottées par l’environnement : « flagellés », « frémissant »
- Comparaison aux « animaux blessés » vers 14
- Les verbes traduisent l’écrasement au sol : « Ils rampent », « se traînent »
- Contre rejet de « tout cassés » (vers 16)
- Comparaison à des « marionnettes » (vers 13) → Elles ne se possèdent plus mais sont soumises aux aléas extérieurs.
Dès lors, on ne sait plus si ce qui est comparé à des reliques (vers 11) c’est leur sac ou bien elles-mêmes !
Alors même que ces êtres sont caractérisés par leur âge, leur laideur et leur souffrance, elles sont le sujet d’un poème ! Baudelaire nous invite alors à changer notre regard sur ces êtres singuliers.
- Le poète semble attiré par ces êtres singuliers sur lesquels il renouvelle notre regard
- Un regard attendri sur les vieilles
Le titre « Les Petites Vieilles » comporte un adjectif pouvant être pris pour une appellation affectueuse.
Et d’emblée, la description s’annonce en antithèse :
- « horreur » / « enchantements »
- « décrépits » / « charmants » (vers 4) = magiques, envoûtants
En effet, le poète nous interpelle par l’impératif : « aimons-les ! » (vers 7), alors même qu’il les appelait juste avant par la périphrase « monstres disloqués ». Le poète nous invite donc à aimer la laideur. Par exemple, leur trottinement devient une danse : « ou dansent « (vers 15).
- Portrait pathétique de ces femmes.
- comparaison aux « animaux blessés »
- adjectif « iniques » à la rime
➔ Le poète porte un regard attendri sur ces femmes.
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