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Lecture linéaire Juste La Fin Du Monde

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Par   •  19 Juin 2022  •  Cours  •  1 854 Mots (8 Pages)  •  417 Vues

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Séquence n°7 : OI : Jean -Luc Lagarce, Juste la fin du monde, 1990

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Introduction :

Éléments de contexte

Qui est Jean-Luc Lagarce ? Né en 1957 en Franche-Comté de parents ouvriers, Jean-Luc Lagarce fonde la compagnie de théâtre amateur La Roulotte après des études de philosophie et d’art dramatique au conservatoire de Besançon. En 1981, la troupe devient professionnelle. A la fois comédien, chef de troupe, metteur en scène et dramaturge, il remporte un succès grandissant avec la mise en scène de textes classiques, contemporains ou de ses propres pièces. Son succès d’auteur est cependant surtout posthume.

Qu’est-ce que Juste la fin du monde ? Ainsi son avant-dernière pièce, Juste la fin du monde, écrite en 1990 lors d’un séjour à Berlin, est refusée par tous les comités de lecture à laquelle il l’envoie, mais est aujourd’hui considérée comme un classique, et Lagarce est l’auteur contemporain le plus joué. Empreinte d’une dimension autobiographique – la conscience de sa mort prochaine des suites du sida -, cette pièce tragique - mais mêlant plusieurs registres- aborde des thèmes universels : la peur de la mort, le retour du fils prodigue, les conflits familiaux.    

De fait, Louis, 34 ans, vient annoncer sa mort à sa famille, c’est-à-dire à sa mère, sa sœur Suzanne, son frère Antoine et sa belle-sœur  Catherine.

Suzanne a été la première à prendre la parole dans la scène 1, cherchant à faire le lien entre Louis et Catherine, qui ne se connaissent pas. Dans la scène 2, elle ne parle pas.

Unité du passage

A la scène 3, en revanche, elle s’adresse à Louis dans une très longue tirade, qui, en l’absence de réponse de ce dernier, peut être qualifiée de « quasi-monologue ». Elle fait des reproches à ce frère qu’elle ne connaît pas puisqu’il est parti alors qu’elle était encore « petite ».

Mouvements du texte

Ses reproches se poursuivent dans le passage étudié, en commençant par la brièveté des lettres envoyées par Louis (l.1-6), puis par l’évocation de son don pour l’écriture (l. 7-22), pour finir par souligner qu’il est réservé aux autres (l. 23-30).

Enjeux possibles

En quoi l’évocation des « lettres elliptiques » permet-elle à Suzanne de dresser le portrait de son frère ?

1/ De « Parfois tu nous envoyais des lettres » à « des lettres elliptiques » (lignes 1 à 6) : l’évocation des « petits mots » envoyés par Louis

Suzanne semble chercher à comprendre ce frère énigmatique.

Elle évoque alors les lettres reçues tout au long de ces années d’abandon, seules traces consenties par son frère. En quête d’une vérité, Suzanne cherche ses mots et reformule constamment ce qu’elle cherche à exprimer, multipliant polyptotes, épanorthoses et périphrases.

l. 1 et 2 « tu nous envoyais » / « tu nous envoies » : polyptote qui cherche à replacer ce frère dans un présent d’actualité / l’imparfait peut aussi évoquer la façon dont on parle d’un mort (ou à un mort)

L’anaphore de « parfois » insiste sur la rareté de ces lettres.

Le terme de « lettres » est lui aussi remis en question : « ce ne sont pas des lettres, qu’est-ce que c’est ? » (l. 3)

Puis reformulation par une gradation descendante qui confère aux courriers de Louis une valeur de plus en plus péjorative : « de petits mots, juste des petits mots, une ou deux phrases, rien » (l. 4)

Seconde interrogation qui traduit une quête du mot juste : « comment est-ce qu’on dit ? » (l. 4)

L’adjectif approprié - « elliptiques »- est mis en valeur par sa place, seul, à la ligne (l. 5)

Elle se cite elle-même (l.6), comme le suggère les guillemets, sans doute car elle est  satisfaite de sa trouvaille .

=> Elle associe donc à Louis, représenté en métonymie par ses lettres, un vocabulaire de la disparition, de l’anéantissement, comme avec une prescience de ce que signifient ces ellipses dans la communication : un itinéraire vers la disparition.

Louis est également défini par son écriture « elliptique » : Lagarce amorce ici, par une mise en abyme, une réflexion sur sa propre écriture qui semble n’être « rien », ne parler de « rien », mais dont l’essentiel est l’implicite, le sous-texte, la question du non-dit. La réflexion méta-littéraire sur l’écriture (méta-littéraire : dépassant le texte fictif lui-même) est donc au centre de cet extrait.

2/ De « Je pensais » à « plus encore » (lignes 7 à 22) : Louis et l’écriture

Dans la suite de sa tirade, Suzanne fait à plusieurs reprises des  sortes d’apartés, qui figurent entre parenthèses, et lui permettent de reformuler sa pensée qui se construit au fil du discours : « je pensais [ …] (ce que j’ai pensé […]) » (l. 7-8) puis « (là que ça commence )». « (là que ça commence )» = phrase elliptique (il manque le « c’est ») + emploi énigmatique du pronom « ça » => les apartés nous permettent d’accéder à l’intériorité du personnage faite de doutes, d’interrogations, d’hypothèses, et aussi du désir de bien s’exprimer devant son frère.

« là que ça commence » (l. 9-10) : qu’est-ce qui commence ? l’abandon ? la crise familiale ? la crise personnelle ? => Elle tente de reconstruire le passé, de lui donner une cohérence, de faire le point avec trois subordonnées conjonctives circonstancielles de temps : « lorsque tu es parti » (l. 8), « lorsque j’étais enfant et lorsque tu nous as faussé compagnie » (l. 9)

Chaque nouvelle subordonnée apporte une précision, par le biais de la reformulation. On va à nouveau vers une formulation de plus en plus péjorative : « faussé compagnie » (l.9)

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