Lecture analytique de la scène 2 de Juste la fin du monde
Commentaire d'oeuvre : Lecture analytique de la scène 2 de Juste la fin du monde. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar altenaissa • 22 Mai 2018 • Commentaire d'oeuvre • 2 938 Mots (12 Pages) • 6 047 Vues
Séance 4 Lecture analytique de la scène 2 de Juste la fin du monde
Du début de la scène 2 à « Louis. - Cela me fait plaisir, je suis touché, j'ai été touché. »
> Question à l'oral sur un texte
> Entretien à l'oral / dissertation
La scène 1 est une scène de retrouvailles avec son rituel de présentations. La choralité de tous les personnages en scène, dont les échanges s'entrecroisent, constitue une polyphonie oscillant entre les effets appuyés d'unisson (« Ne lui serre pas la main, embrasse-la. […] Je vous embrasse, elle a raison, pardon, je suis très heureux », « Je vais bien [...] Toi, comment est-ce que tu vas ?) et les dissonances (« Ne me dis pas ça […] ne me dites pas ça [...] Tu ne dis pas ça », « Suzanne, fous-nous la paix ! »). Dès la scène 1, la choralité est donc une théâtralisation de la parole dévoilant, sous l'effort idéaliste et social d'une parole neutralisée dans le rituel des convenances, les ruptures qui entravent la parole d'échange annonçant ce qui passera au premier plan dans les duos : le dysfonctionnement du dialogue comme échange interpersonnel.
Suzanne sort à la fin de la scène 1 à la suite de l'apostrophe blessante d'Antoine , « Suzanne, fous-nous la paix ! ». L'axe de la scène 2 est un récit de Catherine, l'épouse d'Antoine, frère cadet de Louis : « -je raconte- ». Elle parle de ses enfants. Sujet banal d'une conversation familiale. Dans notre passage, Catherine rappelle notamment la naissance de sa fille. Dans cette scène, Antoine, témoin agacé, tantôt interrompt, tantôt ironise, Louis fait l'effort d'une attention aimable et la mère veille à la poursuite du récit (« Laisse-le, tu sais comment il est.»). Ainsi, avons-nous la répétition du schéma initial de la scène 1 mais la scène 2 est celle du permier incident entre Louis et son frère comme l'indiquera Louis plus tard dans la scène 6. Incident provoqué par Antoine qui paraît toujours impatienté par les propos des autres.
L'intervention agacée d'Antoine, « Laisse ça, tu l'ennuies », ponctue nettement le passage que nous analyserons et le divise en deux moments : la tirade de Catherine parlant de sa fille à Louis, avec amabilité, puis la réaction de Louis, suite à l'interruption de son frère, pour rassurer sa belle-soeur navrée.
On s'interrogera particulièrement sur le sens du surgissement de l'altercation dans une scène caractéristique de l'affabilité sociale et familiale.
La prise de la parole par Catherine
- Une scène caractéristique de l'affabilité sociale et familiale : Catherine rappelle l' « attention très gentille » de Louis à l'occasion de la naissance de la première petite fille. Elle a conscience du caractère conventionnel de son propos : « tout le monde dit ça », « On dit toujours des choses comme ça », ou encore l'apposition légèrement péjorative, « ces idioties ! », à sa description du bébé.
- Une affinité entre Catherine et Louis :
On remarquera essentiellement dans ces propos qui ressortissent aux convenances de politesse et à la fonction phatique du langage, l'analogie de l'énonciation de Catherine avec celle de Louis : polyptotes verbaux (« vous nous aviez [...] vous m'avez envoyé » « C'était, ce fut », « Ce n'est pas [...] ce ne sera pas », « Nous vous avions, avons ») ; répétitions (« un mot, un petit mot», « C'est n'est pas aujourd'hui [...] ce ne sera pas aujourd'hui »). Ce langage précautionneux jusquà l'embarras peut manifester le souci de Catherine d'éviter toute parole un peu nette, ou forte, susceptible de surprendre son interlocuteur, d'étonner ou de choquer dans ce milieu qu'elle semble mal ou peu connaître (« je ne suis pas la mieux placée […] je ne vais pas les contredire» + cf. fin de la scène 6); mais surtout, ce curieux écho des parlures de Catherine et de Louis peut suggérer une sorte d'affinité des deux personnages, tous deux à part dans le cercle familial et soucieux du mot juste, ou bien encore la volonté de Catherine d'apprivoiser Louis, de le réintégrer au cercle familial et d'apaiser les tensions qu'elle y sent régner (« Ils auraient été heureux de vous voir, cela, on n'en doute pas une seconde /-non ?-/ et moi aussi, Antoine également » ; « C'était, ce fut, c'était une attention très gentille et j'en ai été touchée » ; « Ce n'est pas aujourd'hui, tant pis […] Je lui raconterai »). Cette interprétation est confirmée par la scène 6 où Catherine demande à Louis de faire un effort pour renouer avec son frère.
Parlant de sa fille, elle exprime d'ailleurs son regret que Louis n'ait pas vu le bébé de la photographie ni encore la petite fille d'aujourd'hui comme s'il y avait là un vrai manque affectif (« C'est dommage »).
Le fait que Louis s'oppose vivement (« pourquoi est-ce que tu dis ça, ne me dis pas ça ») à la remarque de son frère (« Laisse ça, tu l'ennuies ») suggère une affinité ou un discret accord entre Louis et Catherine alors que celle-ci s'excuse (« Je vous ennuie »), consciente de la banalité de son propos - ce qu'elle avait déjà suggéré par l'apposition légèrement péjorative, « ces idioties ! », qu'elle avait mise à sa description du bébé -.
- Une conversation banale dont les enjeux sont dans les non-dits :
Tout en se rapprochant de Louis, Catherine exprime implicitement, à différentes reprises, ce qui pourrait être compris comme un reproche : le manque provoqué par le départ de Louis, dont il ne paraît pas avoir conscience. «nous ne pouvions pas savoir que vous viendriez […] Ils auraient été heureux […] nous aurions été heureux, évidemment, qu'ils vous connaissent enfin. / Ils ne vous imaginent pas» : le conditionnel passé exprime un souhait dont la réalisation se fait attendre depuis longtemps « enfin » et qui n'est pas réalisable à l'instant présent (irréel du passé) à cause de Louis qui n'a pas songé à les prévenir de sa venue. La longue absence de Louis est soulignée par le fait que même l'imagination ne parvienne pas à la compenser. « C'était, ce fut, c'était une attention très gentille et j'en ai été touchée », l'expression de la gratitude s'inscrit ici dans un mouvement concessif qui nuance la portée conciliante du propos : « mais en effet/ vous ne l'avez pas vue. -la disposition en « verset » permet de détacher le constat qui est sans appel/ Ce n'est pas aujourd'hui […] que cela changera. » L'emploi du futur suggère que la rencontre ne se fera pas dans un futur proche et en éloigne ainsi la possibilité.
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