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Le romancier a-t-il pour rôle de délivrer à son lectuer une morale

Dissertation : Le romancier a-t-il pour rôle de délivrer à son lectuer une morale. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  5 Mai 2020  •  Dissertation  •  1 790 Mots (8 Pages)  •  2 286 Vues

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Sujet posé : Pensez -vous comme Laclos que le romancier a pour rôle social de délivrer à son lecteur une leçon de morale ?

        Nous montrerons d’abord, comme le souligne Laclos, que le romancier a pour rôle de défendre un message moral, en inventant un personnage qui, par son comportement, ses réflexions et ses relations à autrui, incarne souvent des valeurs positives.

En effet le héros romanesque est l’héritier de son prédécesseur, le protagoniste de l’épopée (récit versifié) dans l’Antiquité. Ulysse par exemple lutte avec courage et beaucoup d’intelligence contre les pièges de Poséidon, si bien que, après avoir surmonté de très grandes épreuves, il peut revenir chez lui au bout de 10 ans. Et il accède au statut de héros, à savoir de demi-dieu, à cause de ses qualités extrêmement développées. C’est la même logique dans le roman (en vers lui aussi) de chevalerie médiéval : les personnages se caractérisent par des qualités morales exceptionnelles et qui correspondent à l’idéal social en vigueur : tous les chevaliers de la Table ronde s’avèrent courageux et hommes de parole. Bravoure et loyauté sont les deux vertus qu’on attend d’un noble à cette époque.

Dans cette lignée, le héros de roman en prose -qui va être décrit de façon plus précise - incarne lui aussi des valeurs reconnues par les lecteurs contemporains. Ainsi Madame de La Fayette imagine-t-elle une héroïne qui a bénéficié d’une éducation stricte et qui veut se conformer au rôle social de l’épouse, rôle défini par le mariage -sacrement religieux et union sociale- à savoir être fidèle à son mari et ne lui porter aucun préjudice. En effet, la princesse est mariée mais est tombée follement amoureuse d’un autre homme. D’abord elle ne s’épanche auprès de personne sur ses émois amoureux et préserve ainsi son secret mais surtout elle ne trompe pas son mari.

Ce comportement est en accord avec les règles explicites de la société mais la romancière montre que celles-ci sont niées par d’autres lois implicites : l’essentiel à la cour du roi Henri II n’est pas de ne pas fauter mais consiste à sauver les apparences. De ce fait, la princesse dépasse les exigences sociales en voulant rester fidèle et use de stratagèmes exceptionnels qui choquent les contemporains. Par exemple, ayant compris que Nemours, qui lui a volé son portrait en public, l’aime aussi, la jeune femme se sent en danger et préfère avouer à son époux son amour pour un autre. Ici elle ne cherche pas à conserver l’estime conjugale, elle cherche à ne plus paraître à la cour pour être sûre de ne pas céder à la passion. L’incompréhension de certains lecteurs face à cet aveu qualifié d’invraisemblable montre que personne n’attend une telle sincérité.

Mais la princesse va plus loin, son mari en proie à la jalousie et mal renseigné (il est sûr à tort que l’adultère a été consommé) meurt. Une fois le deuil effectué, la veuve peut, selon les normes sociales habituelles, épouser Nemours d’autant que, dès leur première rencontre, tous les courtisans ont perçu que ces deux êtres sont bien « assortis ». Or, mue par une culpabilité intériorisée et secrète (personne n’étant au courant de la raison qui a précipité le décès du prince de Clèves ne pourrait venir lui faire un reproche), l’héroïne renonce à vivre son amour et se retire de la cour. Dès lors, elle se concentre sur son comportement, elle ne laisse que « des exemples inimitables de vertu ». Donc ici en matière de moralité, Madame de Lafayette crée un personnage féminin (en tant que femme elle réfléchit à ce qu’on pourrait attendre d’une femme) qui a des exigences bien supérieures à ses lecteurs contemporains et qui peut ouvrir une voie exemplaire en matière de respect de la fidélité.

En contrepoint de cette héroïne, on découvre quatre comportements condamnables, racontés comme des anecdotes enchâssées dans le récit principal, ces mauvais exemples confortent la volonté de la princesse de rester pure. On voit par exemple que Madame de Tournon, en période de deuil, a en secret deux amants auxquels elle promet le mariage ; attitude hypocrite et infidèle qui est punie  car elle meurt prématurément et la découverte de son courrier la déshonore de façon posthume. Madame de Lafayette enracine aussi ses contre-exemples dans l’histoire (ainsi nul ne peut douter de la véracité des faits et chacun en peut mesurer les conséquences), elle rappelle combien l’amour de Diane de Poitiers -qui séduit d’abord François I puis son fils Henri II- est faux, seulement dicté par le goût du pouvoir et comment, à la mort du roi, elle connaît la disgrâce, infligée par la reine Catherine de Médicis. De même, c’est pour Anne de Boleyn que le roi anglais Henri VIII rompt avec le Pape, ainsi il peut dissoudre son premier mariage et épouser la jeune femme qu’il aime passionnément. Mais au fil du temps l’amour s’étiole et le roi accuse son épouse de bien des fautes et la fait décapiter montrant ainsi que l’amour masculin ne dure pas et que le destin de la femme aimée peut être tragique. Ces récits  secondaires invitent à se méfier des passions.

Laclos, au XVIIIè siècle, va plus loin dans cette logique. Il se concentre sur des contre exemples moraux. En effet, dans les Liaisons dangereuses, roman épistolaire, ses deux protagonistes : la marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont sont des libertins de mœurs et de pensée, prenant plaisir à s’affranchir des valeurs morales et à pervertir les autres. La marquise veut se venger de Gercourt  qui s’apprête à se marier ; elle demande à son complice de séduire la jeune fiancée afin que celle-ci ne soit plus vierge le jour du mariage, ce dont s’acquitte Valmont. Il séduit aussi une dame extrêmement vertueuse par défi et bonheur de la corrompre. Mais il tombe sincèrement amoureux de cette dernière, cette liaison le fait changer. Avant de se rendre à un duel, il trahit la marquise en confiant ses lettres à une tierce personne chargée de les diffuser. Lui, il meurt et elle est déshonorée, obligée de se retirer loin de la cour qui condamne ses plans machiavéliques, de plus, elle a attrapé une maladie vénérienne, la condamnant à périr par là où elle a péché. Lors du dénouement, le romancier montre que ces deux personnages brillants et supérieurs aux autres en bien des points ne sont pas des exemples à suivre, au contraire leur immoralité les conduit à la catastrophe. Leur destin dessine en négatif la voie qu’il conseille.

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