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Le Mariage de Figaro, Acte V, scène 3, Beaumarchais

Commentaire de texte : Le Mariage de Figaro, Acte V, scène 3, Beaumarchais. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  17 Mars 2017  •  Commentaire de texte  •  2 899 Mots (12 Pages)  •  1 719 Vues

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        Dans « Le Mariage de Figaro », Beaumarchais (célèbre dramaturge français) reprend un personnage du « Barbier de Séville » : Figaro. Cette pièce du siècle des Lumières a été jouée pour la première fois en 1784 (mais écrite en 1778). L’auteur nous livre ici le plus long monologue de toute l’histoire du théâtre français. Dans ce monologue, certainement l’une des scènes les plus célèbres du « Mariage de Figaro », le héros éponyme se croit trompé par sa fiancé, Suzanne. Ses pensées et ses sentiments se bousculent dans sa tête ; Beaumarchais, pour expliciter ces aspects, a alors recours au monologue, une convention théâtrale qui lui permet d’exposer à haute voix les sentiments du personnage. Figaro y fait son propre parcours chaotique, en détaillant ses étapes, ses échecs, ses répétitions et désillusions. Son personnage se situe alors entre amertume et autodérision. Puis le monologue prend l’aspect d’une discours critique, contre un ordre social injuste, contre la censure, pour les libertés. En étudiant la composition de ce monologue, on mettra en valeur le réquisitoire ainsi que le rôle de la scène dans l’évolution du personnage de Figaro. Quelles sont les fonctions du monologue dans cette scène et en quoi celui-ci, est-il original ? Le valet revient avec colère sur cette trahison puis sur sa destinée semée d’obstacles et d’injustices. Ce monologue original (I) qui met en relief le personnage de Figaro (II) présente ainsi une portée critique (III).

        La scène 3 de l’acte V, est constituée d’un long monologue de Figaro. Cette forme théâtrale est introduite dès la première didascalie à travers l’adjectif : « seul ». Néanmoins, ce monologue présente toutes les caractéristiques d’un discours narratif. En effet, Figaro raconte son parcours et revient sur des éléments passés de l’intrigue : « Après m’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse » (référence à la scène 2 de l’acte II), « à l’instant qu’elle me donne sa parole ; au milieu même de la cérémonie… Il riait en lisant, le perfide ! » (scène 9 de l’acte IV). La dimension romanesque de ce monologue se situe à la fois dans le fond et dans la forme. Dans le fond tout d’abord car la destinée de Figaro constitue un véritable roman picaresque (« fils de je ne sais pas qui ; volé par des bandits ! Élevé dans leurs mœurs »). Le valet énumère les différents métiers qu’il a exercés jusqu’à sa rencontre avec le Comte Almaviva (« Le Barbier de Séville ») : « J’apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie ; […] Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre […] j’écris sur la valeur de l’argent […], je taille encore ma plume […] ; je me fais banquier de pharaon […]. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais ; […] je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville ; il me reconnaît, je le marie ». Dans la forme ensuite car l’ampleur du récit met en relief les événements narrés. L’emploi des temps du récit souligne la dimension romanesque du discours : présent de narration : « à l’instant, un envoyé… de je ne sais où se plaint que j’offense, dans mes vers, la Sublime Porte », « on me met un jour dans la rue », « je me fais banquier de pharaon » ; imparfait et passé simple : « Mes joues creusaient ; mon terme était échu ; je voyais de loin arriver l’affreux recors », « il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint. Il ne me restait plus qu’à voler », « il fallut bien périr encore ». Cependant, le présent domine. Le discours, animé et plus vivant, renoue alors avec le théâtre. On retrouve d’ailleurs dans ce discours narratif de nombreux procédés du théâtre : tout d’abord, la mise en scène et le contenu du récit s’accordent, comme l’indique la didascalie initiale : « Figaro, seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre ». Puis plus loin dans le discours : « perdu dans la foule obscure », « la nuit est noire en diable », « Las de nourrir un obscur pensionnaire ». La mise en scène concorde avec l’humeur et la sombre destinée de Figaro. Ensuite, le récit est animé de différentes manières par Figaro, à travers : sa gestuelle : on remarque que Figaro se lève dès qu’il évoque les événements liés à l’intrigue de la pièce et qu’il s’assied lorsqu’il commente sa destinée : « (Il s’assied sur un banc) Est-il rien de plus bizarre que la destinée ! », « (Il se lève) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours », « (Il se rassied) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue », « Au moment d’épouser ma mère, mes parents m’arrivent à la file. (Il se lève en s’échauffant) On se débat » (cf. acte III, scène 16), « (Il retombe assis) Ô bizarre suite d’événements ! ». Cette mise en scène souligne l’alternance entre l’intrigue théâtrale et le récit de la vie de Figaro. Les apostrophes et faux dialogues : « Femme ! Femme ! Femme ! », « Suzon, Suzon, Suzon ! », « Non, Monsieur le Comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… », « On se débat ; c’est vous, c’est lui, c’est moi, c’est toi ; non, ce n’est pas nous ; eh ! Mais qui donc ? ». Les questions oratoires, qui suggèrent la présence d’un interlocuteur (ou d’un public) fictif : « Est-il rien de plus bizarre que la destinée ! », « Ô bizarre suite d’événements ! Comment cela m’est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? ». À la fin du monologue, on retourne au présent de l’action théâtrale : « J’entends marcher...On vient. Voici l’instant de la crise ». Figaro, valet de comédie se transforme dans ce monologue en héros tragique.

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