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La Princesse de Clèves, tragédie classique

Dissertation : La Princesse de Clèves, tragédie classique. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  19 Mai 2018  •  Dissertation  •  3 129 Mots (13 Pages)  •  26 145 Vues

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Dissertation française –

La Princesse de Clèves, tragédie classique -

Sujet : On a souvent comparé La Princesse de Clèves à une tragédie classique. Après avoir montré la justesse de ce rapprochement, vous direz en quoi se manifeste particulièrement dans ce roman la double influence de Corneille et de Racine.

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Introduction.

(La meilleure introduction est de montrer l’originalité de La Princesse de Clèves par rapport aux romans du temps).

Il suffit de comparer La Princesse de Clèves aux romans précieux de l’époque ou aux romans d’aventure qui étaient alors à la mode pour voir que dans ce roman, la finesse de l’analyse était poussée au point que l’on a pu justement comparer ce roman à une tragédie classique. Non que L’Astrée ou Le Grand Cyrus fussent dépourvus de subtilité psychologique ; mais l’analyse du cœur y était faite sous l’angle de l’aventure et du romanesque. Du premier coup, en 1678, Mme de Lafayette rivalisait avec  le théâtre classique dans la peinture des sentiments éternels de l’âme humaine, en réussissant à conjuguer dans une synthèse harmonieuse les influences de Corneille et de Racine.

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1ère partie : en quoi La Princesse de Clèves peut-elle être comparée à une tragédie classique ?

A – la loi de l’éloignement.

Comme les auteurs de tragédies, Mme de Lafayette choisit un cadre historique strictement localisé. Elle ne va pas le chercher dans l’histoire grecque ou romaine, mais dans l’Histoire de France une centaine d’années avant l’époque où elle vit ; ce qui lui permet de sauvegarder ce que Racine appelait « la loi du recul », qu’il remplaça parfois par celle de la distance dans l’espace, quand il s’agissait de la Byzance de Bajazet.

B – des personnages illustres.

Ce n’est pas la seule ressemblance. Les tragédies de Corneille et de Racine mettent en scène de grands personnages. Marcel Achard rapporte que la meilleure définition de la tragédie lui a été donnée par une personne inculte, qui lui assura naïvement : « la tragédie, c’est pour les rois ! ». Non pas nécessairement pour les rois, mais en tout cas pour des personnages illustres, qui donneront plus de poids aux évènements qui leur arrivent.

C – les procédés techniques.

Comme dans la tragédie classique, on peut trouver dans le roman de Mme de Lafayette une alternance de monologues, de dialogues et de récits.

Le dialogue est partout. Certaines scènes auraient à peine à être modifiées pour être portées au théâtre ; et les monologues de délibération que prononcent les principaux personnages, notamment Clèves et Nemours, dans les circonstances les plus angoissantes de leur vie, rappellent les stances de Corneille ou les monologues de Racine.

L’auteur note également attitudes, jeux de scène, expressions des visages et gestes, toutes indications qui seraient précieuses pour un metteur en scène.

Quant au style, par la rigueur de la composition ou le respect des bienséances, il rappelle tout à fait celui de la tragédie ; les arguments sont classés rigoureusement dans les dialogues ou les monologues, et l’absence voulue de pittoresque extérieur, le refus du mélange des genres, l’usage de l’abstraction et de la litote évoquent tout à fait le style classique de la tragédie.

D – l’observance des unités.

À quoi bon insister sur les différences ? Les genres ne sont pas les mêmes : le roman ne connaît pas les limites de temps et d’espace qui sont celles de la tragédie, il se déroule dans plusieurs lieux, se développe sur plusieurs mois. Toutefois, comparant aux romans de l’époque La Princesse de Clèves, on est frappé du resserrement des lieux : un seul domine tous les autres : la Cour, cercle fermé, milieu d’intrigues où les personnages sont contraints de faire figure et de rester ; la cour est un champ clos, une arène où s’affrontent les passions, qui rappelle le palais de Néron dans Britannicus ou le sérail de Roxane dans Bajazet.

Quant à l’unité d’action, on pourrait sans doute montrer la multiplicité des épisodes secondaires dans le roman ; mais si on compare La Princesse de Clèves aux romans de Mlle de Scudéry, par exemple, on voit qu’elle cède bien moins qu’elle à la mode des intrigues secondaires, et elle sait en tout cas les rattacher toujours à l’intrigue principale.

En réalité, il n’y a dans le roman que trois personnages, autour desquels l’action est resserrée, et si l’on peut dire que, comme la tragédie classique, le roman se borne à exposer une crise, c’est bien le moment de la crise qui est l’essentiel. L’auteur nous raconte une histoire d’amour de sa naissance à sa fin à travers toutes étapes de son évolution ; il est sans doute bien plus libre qu’un poète tragique ; mais c’est bien le moment crucial, le paroxysme, qui est le plus important.

On pourrait même diviser le roman en actes, qui monteraient la progression inéluctable vers le dénouement à travers un certain nombre de « scènes à faire » (l’expression est de Jules Lemaître ; il s’agit des scènes devant lesquelles l’auteur ne peut se dérober, que le spectateur ou le lecteur attend : ainsi Racine ne peut pas ne pas mettre aux prises, à un moment, Néron et sa mère, - moment qu’il recule volontairement ; de même Molière pour Alceste et Célimène, etc.).  Ces « scènes à faire » seraient les mêmes au théâtre et dans le roman ; elles illustreraient les actes différents, selon le schéma suivant :

  1.  Le mariage ;
  2.  La passion (avec pour scène capitale la Princesse au chevet de Mme de Chartres sa mère) ;
  3.  L’aveu ;
  4.  Chagrin et mort de M. de Clèves ;
  5.  Entrevue finale avec le duc de Nemours et renoncement de Mme de Clèves.

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2ème partie.

Mais c’est dans le détail que nous pourrions noter l’influence indéniable et parfois contradictoire de Corneille et de Racine, Corneille qui écrivait ses tragédies alors que Mme de Lafayette était dans l’enfance, et Racine qui était son contemporain.

A – L’influence de Corneille.

« Et comme il voit en nous des âmes peu communes,

Hors de l’ordre commun il nous fait des fortunes. »

Ces deux vers d’Horace (II, 3) pourraient servir à expliquer le but de Corneille et l’influence qu’il a pu exercer sur Mme de Lafayette. Ils insistent doublement sur le caractère exceptionnel et des personnages et des évènements qui vont leur arriver. – La même conception, exceptionnelle et exemplaire, se relève dans la tragédie cornélienne et dans le roman de Mme de Lafayette. L’auteur de La Princesse de Clèves insiste à tout instant sur les valeurs d’exception de ses personnages : valeur physique, valeur sociale, intelligence, et, bien entendu, valeur morale : ils sont les plus nobles, les plus riches, les plus beaux ou les plus malheureux ; et leurs actes sont leur mesure : ils sont dans une situation « jamais vue », Mme de Clèves prononce un aveu « jamais fait », le dénouement est « hors de l’ordinaire », M. de Clèves est malheureux par « la plus grande marque de fidélité jamais donnée » ; voir encore l’histoire du « portrait dérobé » : Nemours, voyant que Mme de Clèves regarde son portrait, est dans la situation « la plus extraordinaire … ».

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