La Loreley, Apollinaire
Commentaire de texte : La Loreley, Apollinaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar diane • 26 Octobre 2020 • Commentaire de texte • 1 808 Mots (8 Pages) • 953 Vues
Loreley est le nom d’une nixe qui attire les navigateurs du Rhin à la perdition par ses chants, comme les sirènes de la mythologie grecque ancienne. Guillaume Apollinaire né à Rome en 1880 et mort à Paris en 1918 est un écrivain français et théoricien d’art. Poète de génie, conteur et créateur hors-pair, Apollinaire est connu pour avoir soutenu tous les courants artistiques d’avant-garde de son époque, entre Montmartre et Montparnasse. Jamais prisonnier du passé, indépendant, plutôt « non aligné » que chef d’école, Apollinaire parvint, au cours de sa brève existence, à se plonger dans tout ce qui lui permettrait d’inventer sa liberté. Guillaume Apollinaire apparaît rétrospectivement comme le chantre d’une modernité poétique en ce début de XXème siècle cependant le poète fait appel à de nombreuses traditions qui embrassent le romantisme allemand comme dans son poème « La Loreley » écrit en 1902 et publié en 1904, il est situé au milieu du cycle des poèmes rhénans, dans le recueil Alcools. Ce dernier est associé au cubisme et au surréalisme ouvrant le champ de la modernité de ce début de XXème siécle. Ce poème s’inspire d’une légende rhénane du XIXème siècle dans laquelle une femme séduisait des navigateurs dont les bateaux allaient se briser sur les rochers ; ce poème composé de 19 distiques aborde ainsi le thème de la puissance maléfique de l’amour qui mène à la mort. Nous pourrons ainsi nous demander de quelles façons Apollinaire exploite une légende dans son temps. Nous étudierons d’abord le récit de cette légende pour finalement analyser une figure féminine et complexe.
Le récit de cette femme maudite est une adaptation de la légende de Clemens Brentano, Apollinaire fait une réécriture de cette légende tout en adoptant une mélodie.
Le poème s’associe tout d’abord au conte. Il y a en effet des formules telles que « il y avait » au vers 1 qui renvoie à ce genre de récit. Il y a également un déroulement d’une histoire assez simple où il y a d’abord une description au premier distique avec l’utilisation de l’imparfait «avait » et « laissait » . Ensuite l’action s’ensuit au deuxième distique avec l’utilisation du passé simple « fit » et « absolvit ». En outre les personnages « une sorcière » , « trois chevaliers» ceux-là avec le chiffre trois pourraient faire echo à d’autres contes tels que « boucle d’or et les trois ours » , les lieux comme « un beau château » et les éléments magiques «magicien » « maudits » sont caractéristiques du conte.
La réécriture du poème est dans un second temps très inspiré de la légende du poète allemand Clemens Brentano écrit en 1801 ; une femme attire les bateliers par son chant et les fait se précipiter contre un rocher qui surplombe le Rhin. Dans « La Loreley », Apollinaire reprend les principales composantes de cette légende. C’est-à dire qu’il réemploie d’abord le lieu « Bacharach » qui nous plonge directement dans une ambiance germanique. De même que dans la fameuse légende de Brentano, le personnage d’Apollinaire « la sorcière blonde » subit son pouvoir comme nous pouvons le comprendre dans le vers 7 « Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits » et souffre également de la perte de son amant « Mon coeur me fait si mal depuis qu’il n’est plus là » et comme la magicienne de la légende, la « sorcière blonde » d’Apollinaire meurt en voyant son reflet dans les eaux du Rhin « elle se penche alors et tombe dans le Rhin ». En outre il y a dans les deux textes la présence d’un procès où « l’Evêque » ne peut la condamner succombant au pouvoir de la jeune femme comme nous l’indique le vers 12 « qu’un autre te condamne tu m’as ensorcelé ».
Or, malgré la reprise des composantes de la légende, Apollinaire finalement ajoute une touche musicale à son poème. Il va ainsi moderniser cette légende en dévoilant son style inédit. Il donne en effet à ce poème un rythme régulier comparable à une chanson avec de nombreuses reprises pouvant être associer à un refrain : il y a des répétitions en fin de vers telles que « que je meure », des reprises de propositions comme « faites moi donc mourir » et « mon coeur me fait si mal » ou encore des répétitions de noms « flammes » aux vers 9, 10 et 11 ; « jetez jetez » au vers 10 ; « Loreley Loreley » au vers 32. Apollinaire joue également avec les rimes, on en retrouve a chaque distique par exemple « pierreries » avec « sorcellerie » ; « vierge » avec « protège » ; « lances » avec « démence » et ainsi de suite. Il utilise notamment des allitérations comme avec la lettre f « flambe », « flamme » utilisé trois fois et des assonances «quatre » et « astres ». De même ce poème est composé de dix-neuf distiques où se mêlent des vers de longueur différente, il y des alexandrins mais aussi des vers à dix-sept syllabes brisant la régularité du poème comme le coeur de la femme est brisé. Nous pouvons finalement apercevoir une absence de ponctuation offrant une singularité musicale au poème. Ainsi, Apollinaire réécrit une légende en brisant les codes de la poésie traditionnelle par l’ajout d’une touche musicale.
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