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L'Etranger, excipit, Camus

Fiche : L'Etranger, excipit, Camus. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  12 Décembre 2017  •  Fiche  •  2 399 Mots (10 Pages)  •  2 365 Vues

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L’Etranger de Camus, excipit

Introduction

  • Bonjour aujourd’hui je vais vous presenter l’incipit de L'Étranger d'Albert Camus, paru en 1942.
  • C’est l’un des romans les plus emblématiques de la philosophie de l’absurde de Albert Camus.
  • La pensée de Camus se caractérise par deux thèmes principaux: celui de l'absurde et celui de la révolte, c'est-à-dire vivre dans un monde sans sens, où il est nécessaire pour l'homme de s'opposer à cela et à ce qui voudrait en profiter.
  • Meursault est le personnage principale et narrateur du roman.
  • Après sa condamnation à mort pour le meurtre de l'Arabe, Meursault reçoit dans sa cellule la visite d'un aumônier qui espère le confesser et l'ouvrir à Dieu.
  • Dans cette dernière scène du roman, Meursault fondamentalement incroyant, s'emporte violemment contre lui.
  • Problématique : comment, à travers ce monologue, Meursault accède-t-il à la paix ?
  • Nous verrons dans cette analyse que Meursault, qui a paru détaché et distant du monde tout au long du roman, semble désormais entrer en communion avec l’univers (I), et se réconcilier avec sa mère et avec lui-même (II). Pour terminer, nous noterons que le roman se clôt sur l’acceptation totale de son destin par Meursault (III).
  1. Un passage lyrique
  1. La quiétude enfin retrouvée
  • En cette fin de roman, M semble livrer pleinement ses sentiments et sensations personnels au lecteur, comme le montrent les expressions « montaient jusqu’à moi » (l.   ), « rafraîchissaient mes tempes » (l.   ), « entrait en moi » (l.   ), « je me suis senti » (l.   ), « j’ai senti » (l.   ), dans une sorte de monologue où la première personne est associée à des verbes de perception.
  • Le premier sentiment qu’il exprime est alors un sentiment d’apaisement, dû au départ de l’aumônier, et au fait qu’il se soit retrouvé seul : « Lui parti, j’ai retrouvé le calme » (l.1).
  • Le déchainement verbal et pulsionnel auquel il s’est livré semble l’avoir vidé de toute animosité (« j’étais épuisé », l.  ; « Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir » l.   ), de sorte qu’il s’endort (« Je crois que j’ai dormi », l.   ).
  • On a l’impression que ce sommeil, en plus d’être réparateur, symbolise une sorte de renaissance du personnage, qui se réveille calme et tous les sens en éveil, dépourvu de toute crainte liée à sa mort prochaine.
  • Le cadre temporel est d’ailleurs favorable à cette quiétude : il fait nuit («étoiles », l.   ; « à la limite de la nuit », l.   ; devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles », l.   ), et M, lorsqu’il parle de sa mère, présente ce moment comme celui privilégié d’« une trêve mélancolique » (l.   ).

  1. La fusion lyrique avec le monde
  • Bien qu’enfermé dans sa cellule, Meursault semble entrer en communion avec la nature, comme le montre le fait que chaque évocation de la nature est rattachée à la personne de M, à son corps (« avec des étoiles sur le visage », l.   ; « Des bruits de campagne montaient jusqu’à moi », l.   ; « Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes », l.   ; la comparaison l.   ).
  • L’attachement du personnage aux sensations transparaît bien ici : on note la référence à des sensations visuelles (etoiles), auditives (« des bruits de campagne ») et olfactives (« des odeurs »),  le goût (« sel ») et le toucher (« rafraîchissaient »). comme si, au moment de mourir, la vie prenait une importance inédite, comme si chaque chose acquérait une certaine valeur.
  • Il semble ne faire plus qu’un avec le monde, et se livre entièrement pour la première fois, comme le souligne l’emploi du verbe pronominal « s’ouvrir » : « je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde » (l.   ).
  • L’oxymore « tendre indifférence » signale que le personnage accepte l’absence de sens, l’absurdité de l’existence et qu’il l’envisage comme salvatrice.

  1. Le lyrisme de l’écriture
  • Le lyrisme est renforcé par le style de Camus qui, aux nombreuses comparaisons (l.   ,    ,    …), allie des répétitions (« pourquoi », l.   et    ; « si pareil… si fraternel », l.   et   ) et des anaphores (« Là-bas », l.   ; « Personne », l.   ; « pour que », l.), ce qui accentue l’intensité des sentiments exprimés par M.
  • En outre, l’usage dominant de l’imparfait semble faire durer de manière indéterminée ce sentiment de plénitude ( « montaient », « rafraîchissaient », « entrait »).
  • L’instant présent s’étire pour Meursault, voire se mêle au passé (souvenirs de la fin de vie de sa mère).

Ainsi, ce monologue lyrique témoigne de l’apaisement de Meursault, ce qui va transparaître dans l’évocation de sa mort et de celle de sa mère.

  1. Meursault réconcilié

A – Réconciliation avec sa mère

  • Cette lucidité nouvelle l’amène à repenser à sa mère « pour la première fois depuis bien longtemps » et à la comprendre.
  • L’évocation de sa mère marque aussi une boucle narrative, puisque le roman commençait par l’annonce de sa mort (voir l’analyse de l’incipit).
  • Dans cet excipit, Meursault est frappé par la similarité de leur situation, : il attend sa mort dans la cellule, tout comme sa mère attendait la fin de sa vie dans l’asile de Marengo, ainsi que le soulignent l’adverbe « aussi » (« Là-bas, là-bas aussi », « Et moi aussi ») et la reprise de la même structure (« prêt(e) à tout revivre »).
  • Il se rapproche d’elle en cet instant, car il ressent la même impression de libération (« Si près de la mort, maman devait s’y sentir libérée » ).
  • Il parvient à se détacher du regard de la société – qui voyait comme un « jeu » le fait qu’une vieille femme se trouve un « fiancé » à la fin de sa vie – pour voir la vérité essentielle qu’avait perçue sa mère : c’est la vie terrestre qui compte.
  • Il est certain désormais qu’il a eu raison de ne pas pleurer sur elle (comme le montre l’emphase « Personne, personne n’avait le droit de pleurer sur elle ») – ce qui lui avait été reproché lors du procès – car elle a embrassé la vie jusqu’au bout, acceptant l’idée de la mort tout comme il l’accepte lui-même à ce moment.

B – Réconciliation avec lui-même

  • En comprenant sa mère, Meursault appréhende mieux sa propre situation.
  • La perspective de sa mort prochaine lui fait reconsidérer sa vie en lui donnant sa vraie valeur, celle du bonheur terrestre : « j’ai senti que j’avais été heureux, et que je l’étais encore ». Fort de cette certitude, il peut attendre la mort avec sérénité.
  • Cette prise de conscience paradoxale (c’est la mort qui donne la vraie valeur à la vie) amène Meursault à s’ouvrir (« je m’ouvrais pour la première fois ») au monde et à atteindre ainsi un moment de plénitude et de cohésion totale avec lui-même.
  • Le vocabulaire très mélioratif de cet explicit (« libérée », « revivre », « purgé du mal », « tendre », « si fraternel », « heureux ») contraste avec la situation de Meursault (condamné à mort) et renforce le tournant psychologique qui s’opère en lui.

C – Le bilan d’une vie

  • Les derniers instants de sa vie sont pour Meursault l’occasion de faire le bilan de son existence.
  • En revenant vers sa mère, en employant le terme enfantin « maman », il revient à ses origines, au commencement de son existence.
  • Il revoit passer sa vie, comme l’indique le plus-que-parfait (« avais été »). On l’a dit, la linéarité du temps s’efface pour Meursault. Alors que le moment du meurtre de l’Arabe représentait une véritable rupture avec le passé; passé et présent se mêlent dans cet épilogue pour ne former qu’une continuité cohérente, placée sous le signe de la prise de conscience que représente l’affirmation de la valeur de la vie.
  • Cette cohérence est poussée jusqu’au bout : « pour que tout soit consommé » , il ne lui « rest[e] plus qu’à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de [son] exécution ». Il n’a aucun regret et a vécu son existence pleinement, il est donc désormais prêt à vivre le dénouement de sa vie.

Transition :

  • Si Meursault fait ainsi le bilan de sa vie, c’est qu’il comprend qu’elle touche à sa fin.
  • Meursault ne regrette rien et accepte pleinement ce qui l’attend, assumant sans faillir ses actes et le destin qui est le sien.
  1. L’acceptation de la mort et la revendication de son étrangeté
  1. Le détachement par rapport à la mort
  • Un bruit rappelle l’imminence de la mort (« des sirènes ont hurlé », l.   ). Mais M ne perd pas son calme (qui m’était indifférent », l.   ). D’ailleurs, la mort est évoquée à l’aide de périphrases (« Elles annonçaient des départs pour un monde », l.   ) et d’euphémismes (« où des vies s’éteignaient », l.   ), qui peuvent signifier qu’elle a perdu son caractère effrayant pour M et qu’il l’accepte, voire qu’il lui trouve une dimension bénéfique.
  • Cette mort, tout d’abord, réveille en lui le souvenir de sa mère : ce fait exceptionnel est souligné par l’expression « pour la première fois » (l.   ).En effet, c’est la première fois que M l’évoque longuement, après l’annonce froide de sa mort dans l’incipit et le refus d’en parler au procès. L’épilogue du roman fait donc écho à l’incipit.
  • L’expérience imminente de la mort en prison  rapproche enfin M de sa mère, qui a connu l’attente de la mort à l’asile (« là-bas aussi », l.   ; « moi aussi », l.   ). L’incompréhension cède la place à la compréhension (« je comprenais pourquoi à la fin d’une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer », l.   ; « Si près de la mort, maman devait s’y sentir libérée et prête à tout revivre », l.   ). Ainsi, M laisse entendre que c’est la vie terrestre seule qui importe, que la proximité de la mort l’avait fait comprendre à sa mère et que c’est pour cette raison qu’elle avait décidé de profiter de tous ces instants de bonheur qui s’offraient à elle (fiancé). C’est donc la mort qui donne, rétrospectivement, toute sa valeur à la vie.
  • Cette pensée du bonheur de sa mère le déculpabilise, de sorte qu’il délivre son propre sentiment sur la question de sa culpabilité concernant la mort de sa mère et son insensibilité : elle avait été heureuse avant de mourir, de sorte que « personne n’avait le droit de pleurer sur elle » (l.   ). Ce mot « personne » englobe les autres, mais aussi M lui-même, qui se révèle alors comme un bon fils, puisqu’il n’a pas pleuré.

  1. Un homme étranger mais heureux
  • La colère et la révolte de M face à l’aumônier ont eu une dimension thérapeutique pour le personnage (« m’avait purgé du mal, vidé de tout espoir », l.   ) car elles ont débouché sur une certaine sérénité, sur la prise de conscience de son amour de la vie, de son appartenance intégrale au monde et de son bonheur passé mais aussi actuel (« j’ai senti que j’avais été heureux et que je l’étais encore », l.    ).
  • Sa dernière pensée, très paradoxale, témoigne alors du fait qu’il assume sa vie et qu’il revendique sa différence avec les autres, sa fameuse « étrangeté » qui donne son titre au roman : les « cris de haine » qu’il souhaite renvoient au rejet, à l’exclusion dont il a été victime tout au long de son procès de la part du reste de la société. Or, ici, loin de se considérer comme une victime, il décide d’y faire face courageusement lors de ses derniers instants. Dès lors, l’anti-héros que M était, semble se muer, par la confrontation avec la mort, en véritable héros qui assume ses actes mais aussi ce qu’il est : il assume enfin un destin qu’il a d’abord vécu sans le vouloir.

  1. Une illustration de la philosophie de Camus
  • Il ne s’agit pas ici de savoir pourquoi Meursault a tué l’Arabe ; c’est un geste qui fait partie de l’absurdité de la vie et Camus ne cherche pas à l’expliquer.
  • Ce que Camus nous montre ici, c’est la valeur de la vie, quelle qu’elle soit, et l’importance d’assumer ses actes.
  • Tout comme Meursault est indifférent au monde, le monde est indifférent à lui (« je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde », « De l’éprouver si pareil à moi »), car l’homme ne représente qu’une poussière dans l’univers. Ce n’est pas une chose tragique en soi, et l’oxymore « tendre indifférence » le montre : il ne suffit que d’accepter cette situation pour être en paix et se libérer.
  • Une fois « purgé du mal, vidé d’espoir », Meursault est débarrassé des illusions qui bercent la vie des hommes. Il voit la vérité nue et comprend que sa vie valait la peine d’être vécue.
  • Le roman se clôt sur la fin de la vie de Meursault, et malgré la violence des derniers mots, c’est un message positif que délivre Camus, en faisant l’apologie de la vie.

Explicit de L’Etranger, conclusion

  • On a vu dans le chapitre 6, au moment du meurtre de l’Arabe, un Meursault presque victime des événements, un personnage passif et sans contrôle sur ses propres actes.
  • Mais tout comme les trois coups de feu suivants témoignaient d’un début de lucidité, d’un début de prise de conscience de soi-même, cet explicit met en scène un personnage en paix avec lui-même et avec son passé, qui a compris et assumé son rôle dans le monde.
  • S’il reste étranger aux yeux des hommes, il n’est plus étranger à lui-même ou au lecteur, capable de sympathiser avec cet homme que l’approche de la mort libère.

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