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Etude linéaire n°3 : Lettre 161, Les lettres persanes, Montesquieu.

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Par   •  9 Mai 2021  •  Commentaire de texte  •  1 338 Mots (6 Pages)  •  1 291 Vues

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Etude linéaire n°3 : Lettre 161, Les lettres persanes, Montesquieu.

Roxane À Usbek

À Paris.

         Oui, je t’ai trompé ; j’ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j’ai su de ton affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs.

          Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines : car que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n’est plus ? Je meurs ; mais mon ombre s’envole bien accompagnée : je viens d’envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges, qui ont répandu le plus beau sang du monde.

          Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule pour m’imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices ? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d’affliger tous mes désirs ? Non : j’ai pu vivre dans la servitude ; mais j’ai toujours été libre : j’ai réformé tes lois sur celles de la nature ; et mon esprit s’est toujours tenu dans l’indépendance.

          Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t’ai fait ; de ce que je me suis abaissée jusqu’à te paraître fidèle ; de ce que j’ai lâchement gardé dans mon cœur ce que j’aurais dû faire paraître à toute la terre ; enfin de ce que j’ai profané la vertu en souffrant qu’on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies.

          Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l’amour : si tu m’avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.

      Mais tu as eu longtemps l’avantage de croire qu’un cœur comme le mien t’était soumis. Nous étions tous deux heureux ; tu me croyais trompée, et je te trompais.

          Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu’après t’avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d’admirer mon courage ? Mais c’en est fait, le poison me consume, ma force m’abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu’à ma haine ; je me meurs.

Du sérail d’Ispahan,

Le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.

La lettre 161 clôt le roman épistolaire écrit par Montesquieu au XVIIIème siècle.

Le roman accorde une place privilégiée au personnage d’Usbek, voyageur persan qui découvre la France, son système politique, religieux et social avec un œil prétendument naïf. C’est pourtant le personnage de Roxane qui conclut le roman, et l’intrigue du sérail l’emporte sur la dimension argumentative assurée jusque-là par les personnages masculins.

Roxane, favorite d’Usbek (cf. son éloge dans la lettre 26 ; absente du récit jusqu’à la lettre 156), a été surprise dans les bras de son amant qui a été tué. Elle décide de mettre fin à ses jours en s’empoisonnant. A travers sa mort, Roxane acquiert la dimension d’une héroïne tragique : en mourant, elle acquiert sa liberté.

Pb : En quoi cette lettre de Roxane remet-elle en cause le pouvoir d’Usbek ?

I. Un aveu provocateur. (l.1 à 9)

1. La révélation.

Emploi de l‘adverbe « oui » pour affirmer la tromperie.

« Je t’ai trompé ; j’ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j’ai su de ton affreux sérail, faire un lieu de délices et de plaisirs ». Rythme quaternaire + gradation. Jeu dans l’emploi des pronoms et adjectifs possessifs des 1re et 2ème personnes. Roxane est sujet des verbes, elle a su manipuler et dominer comme le souligne le champ lexical de la tromperie.

L’opposition entre « affreux sérail » et « lieu de délices et de plaisirs » montre l’habileté de Roxane qui a su transformer l’endroit où elle était enfermée.

2. Elle annonce sa mort prochaine. Jeu sur les temps « Je vais mourir – Je meurs ». L’allitération en [v] renforce sa détermination « vais – va – veines ». Utilisation d’un euphémisme pour adoucir la réalité de la mort vue comme une libération : « mon ombre s’envole bien accompagnée ». Elle va retrouver son amant, évoqué par une périphrase « le seul homme qui me retenait à la vie », par un superlatif élogieux « le plus sang du monde ».

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