Charles Dullin écrit: "La scène est un monde hors du monde". Vous commenterez et discuterez ce point de vue en vous appuyant sur des exemples précis.
Dissertation : Charles Dullin écrit: "La scène est un monde hors du monde". Vous commenterez et discuterez ce point de vue en vous appuyant sur des exemples précis.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dupontel • 6 Juin 2017 • Dissertation • 4 164 Mots (17 Pages) • 1 317 Vues
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Charles Dullin écrit: "La scène est un monde hors du monde". Vous commenterez et discuterez ce point de vue en vous appuyant sur des exemples précis.
Le théâtre est une œuvre littéraire particulière, elle est écrite dans l'optique d'être représentée sur scène, rarement autrement, "Le théâtre n'est fait que pour être vue" comme l'affirme sans nuance Molière. Il insiste ainsi sur son caractère étymologique puisque le mot théâtre vient du grec theatron, le lieu de représentation et theomai qui signifie regarder, contempler. Étymologiquement, le mot théâtre est ainsi identifié au lieu où se joue la pièce écrite: La scène. Cet élément du théâtre n'est pas perçu de la même manière selon les cultures et dans la culture occidentale, ses conditions d'être vont évoluer pour prendre une grande importance dès le début du XXème siècle, au point de faire émerger un nouvel artisan, le metteur en scène, qui quittera ainsi son simple statut de régisseur. Charles Dullin, metteur en scène, acteur et directeur de théâtre, fait partie de ces avant gardistes du début du XXème qui vont donner une nouvelle dimension à la création théâtrale, évolution que souligne Catherine Naugrette dans l'Esthétique théâtrale: "Le théâtre n'est plus seulement textuel, il est également scénique".
La scène devient un élément de la création théâtrale avec son artiste, créateur du spectacle. Charles Dullin écrira: "La scène est un monde hors du monde".
Il la conçoit comme une représentation du monde en dehors de celui-ci, comme par mimèsis, c'est ce que nous étudierons dans un premier temps. Puis dans un second, nous verrons que ce monde représenté sur la scène s'inscrit aussi dans le monde. Cela nous conduira dans un troisième temps à remettre en question cette notion de monde représenté dans le théâtre et de constater qu'il y des seuils et mouvements qui s'opèrent du monde de la scène à celui des spectateurs et que le théâtre présente des espaces temps multiples.
Pour arriver à donner l'illusion d'un monde, le lieu et les êtres qui vont incarner le texte théâtral vont être préparés. Les costumes et maquillages habillent les acteurs et le décor habille la pièce, comme le dit Louis Jouvet, acteur, directeur de théâtre et professeur à la Comédie Française. Dans le théâtre romantique où prévaut l'unité de lieu, les décors étaient même parfois de véritables oeuvres d'art, réalisés par des artistes comme Chaperon, célèbre décorateur du XIXème siècle dont il reste de nombreuses gouaches, esquisses et maquettes à la bibliothèque de l'Opéra, théâtre de Paris pour lequel il a travaillé de 1864 à la fin du siècle.
Son travail est remarquable et nous plonge dans les mondes des pièces au programme de l'Opéra de cette période: Un palais oriental avec cour, palmiers et jet d'eau, l'intérieur d'une église avec portail et orgue... Les scénographes peuvent aller très loin dans cet art de représenter le monde afin de mieux nous plonger dans l'espace et l'époque de la fiction théâtrale, surtout en y associant la technologie moderne: Projection, bande sons pour bruitages et sonorités diverses en rapport avec le décors, les jardins, la rue...
La fiction se déroule et dès lors le temps apparaît sur la scène où est représenté un monde d'êtres agissants, selon des motifs plus ou moins perçus par le public. Le public est le récepteur de ce temps qui passe. Anne Ubersfeld écrit dans son article Le théâtre et le temps destiné au colloque, Temps scientifique, temps théâtral (2000): "Le théâtre est un lieu du temps; pour mieux dire, sa matière est le temps, parce qu'il est le lieu de l'irréversible." Le temps s'y manifeste d'abord par la vie qui s'y déroule, la présence physique des acteurs, leurs jeux, gestes et mimiques, et aussi par les changements de décors, les mouvements aller et venue des acteurs et autres artifices comme le grimage. La scène donne à voir la destinée irréversible de personnages comme celle du Cid de Corneille, qui est confronté à un choix entre l'amour et l'honneur de son père. Ses choix créent les situations qui font évoluer l'intrigue. Le temps de l'action forme une unité et évolue dans un lieu unique en un jour, selon les règles du théâtre classique. Le spectateur saisit du temps précédent, l'instant présent du temps qui va devenir. Ce temps peut être linéaire ou elliptique, souvent découpé, le spectateur en est le témoin et construit le temps qui se déroule sur scène.
Concernant les personnages qui s'incarnent dans ce temps hors du monde, il n'ont de vie que sur scène, on ne sait rien d'eux en dehors, ce qui les a conduit à leur destinée, comment ils ont connu tel ou tel personnage, quelle a été l'éducation du Cid par exemple, sa relation à son père... Tout cela se trouve dans le "hors monde de la scène".
À ces deux aspects espace et temps, se mêle un troisième élément de l'espace scénique: L'expérience humaine. La scène est le lieu où se produit l'illusion d'un monde, illusion renforcée par la vie de personnages dont les caractères sont psychiquement caractéristiques, stéréotypés comme ceux de la commedia dell'arte, ou emplis de contradictions comme dans la vie. Montherlant préféraient ce type de personnages ambigus, et il leur donnait une vie d'âme intense. Dans ses Notes de Théâtre, il exprime cette volonté: « Une pièce de théâtre ne m'intéresse que si l'action extérieure, réduite à la plus grande simplicité, n'y est qu'un prétexte à l'exploration de l'homme ; (...) si l'auteur s'y est donné pour tâche (...) d'exprimer avec le maximum de vérité, d'intensité et de profondeur un certain nombre de mouvements de l'âme humaine. ». Ces mouvements d'âme vont être représentés dans les paroles et gestuelles des acteurs.
Dans sa pièce La reine morte, son héros Don Ferrante est intransigeant et pleutre, il fait tuer la femme de son fils pour préserver l'honneur de la famille royale, bien qu'ayant jugé lui même de l'inutilité de son acte.
Enfin n'oublions pas la parole, cet autre élément majeur de la scène, elle s'exprime selon les conventions imposées par le genre théâtral et la société de son époque. Elle a divers usages: Elle est parole action et fait progresser l'intrigue, elle est descriptive ou narrative, elle prend à partie et crée de la distance ou de la complicité, elle est lyrique ou prosaïque, elle est le média principal entre les spectateurs et les acteurs, mais plus belle, rigoureuse ou efficace que dans la vie courante.
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