Automne Malade d' Apollinaire.
Commentaire de texte : Automne Malade d' Apollinaire.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sashuxx • 4 Avril 2022 • Commentaire de texte • 1 625 Mots (7 Pages) • 774 Vues
“Automne Malade”, Apollinaire,1913
Automne malade et adoré Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigé Dans les vergers Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse De neige et de fruits mûrs Au fond du ciel Des éperviers planent Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines Qui n’ont jamais aimé Aux lisières lointaines Les cerfs ont bramé Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs Les fruits tombant sans qu’on les cueille Le vent et la forêt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille Les feuilles Qu’on foule Un train Qui roule La vie S’écoule Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913 |
Introduction : Au XXè siècle, Guillaume Apollinaire parvient à s’inscrire dans le surréalisme en proposant dans son recueil Alcools, une écriture à la fois moderne et traditionnelle. Le poème automne Malade qui est écrit en vers libres et sans ponctuation reflète le style qu'Apollinaire a voulu donner à tous les poèmes d'Alcools. Il évoque le thème traditionnel de l'automne, saison liée à la nostalgie, la souffrance ou la séparation. Le poète s'adresse directement à l'automne " sa saison mentale" qu'il aime et qui correspond à ses sentiments. En effet, ce poème lyrique ressemble à une déclaration amoureuse. Cette déclaration associe l'automne a un mort prochaine et au temps qui passe.
Ce texte propose 5 mouvements:
- Le premier (l1 a 4) dans lequel on perçoit une étonnante déclaration d'amour à l'automne
- Le deuxième( 5 à 11) qui montre la menace de l'hiver qui arrive.
- Le troisième (12 à 13) qui montre le temps qui passe.
- Le quatrième (14 à 17) dans lequel on observe le retour d’un lyrisme traditionnel.
- Enfin, le cinquième et dernier (18 à 23) dans lequel on observe une fin très surprenante.
Nous nous demanderons comment Apollinaire renouvelle l’expression de la nostalgie liée à l’automne.
1er mouvement:
- “Automne malade et adoré”. Le premier vers propose dès le début du poème une personnification de l’automne grâce aux deux adjectifs qualificatifs "malade et adoré” ➜ ce début surprenant montre que l’auteur lui parle comme si c’était une personne douée de vie. De plus, l’adjectif “malade” ➜ indique une certaine compassion pour l’Automne.
- Ce poème est adressé à l’automne, élément naturel, qui évoque les grands poèmes romantiques du XIXè siècle comme par exemple “L’automne” et “Le Lac” deux poèmes de Lamartine. ➜ Apollinaire s’inscrit donc bien ici dans une tradition poétique.
- “Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies”. L’apostrophe “tu”➜ montre que l’auteur adopte une forme de familiarité avec l’automne car il l’interpelle et la tutoie. De plus, le verbe “mourir” au futur ➜ reprend l’idée de compassion de l’auteur puisque cette saison va bientôt mourir, vaincu par des éléments hivernaux. Ce vers très long (15 syllabes) comporte une allitération en R et une assonance en A ➜ qui créent une sonorité menaçante qui semble imiter le souffle de l’ouragan ➜ c’est donc un des éléments menaçants apporté par l’hiver qui va vaincre l’automne.
- “Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies /Quand il aura neigé”. Nous retrouvons dans les vers 2 et 3, plusieurs V au futur “mourras” “soufflera” “aura” ➜ qui expriment la certitude de l’amour de la mort de l’automne, sa fin est proche. Cette fin est évoquée par les éléments menaçants "ouragan" “neige” provenants de l’hiver. La neige peut aussi évoquer, par sa blancheur, le linceul qui enveloppe les morts.
- L’allitération en R et l'assonance en E ➜ associent des images positives à l’automne.
La première strophe évoque donc la splendeur de l’automne menacée par la mort et l’hiver. L’automne est malade et va mourir !
2ème mouvement:
- “Pauvre automne” Ce vers commençant par l’adjectif antéposé “pauvre” ➜ confirme l’impression de compassion donnée dans la 1ère strophe.
- “Meurs en blancheur et en richesse / De neige et de fruits mûrs” Les vers 6 et 7 proposent des antithèses entre des termes mélioratifs associées à l’automne et des termes péjoratifs qui évoquent l’hiver : “bancheur / richesse” “neige / fruits murs”. Ce qui n’est pas sans rappeler le vers 1 “malade / adoré”, les vers 3-4 “neigé / vergers” ➜ L’automne est encore associée à des éléments positifs tandis que l’hiver à des éléments inquiétants, menaçants, glaçants…
- Le poète éprouve de la compassion pour l’Automne, saison qui va vite disparaître ➜ il exprime ici la fragilité de la vie symbolisée par les images de fécondité “vergers” “fruits”.
- ‘Au fond du ciel / Des éperviers planent’. Les éperviers sont à la recherche d’une proie, ils apparaissent en même temps que l’hiver et sont donc considérés comme menaçants. Le V d’action au présent “planent” indique une action en cours de déroulement ➜ ce qui accentue la sensation de danger.
- Dans ces 9 premiers vers, Apollinaire respecte une tradition poétique. Pourtant, dans le vers 10 “Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines” , il évoque les “nixes”, nymphes des eaux présentes dans les légendes grecques.➜ Avec cette évocation, il affirme sa modernité.
- La paronomase “nixes nicettes” ➜ crée un jeu sonore inquiétant, inquiétude accentuée par leur apparence effrayante et leur difformité “ aux cheveux verts et naines”. Le poète joue avec les conventions poétiques en proposant un alexandrin dans cette strophe à vers libres.
- La proposition subordonnée relative et la négation “qui n’ont jamais aimé” ➜ montrent un amour non partagé. L’image de l’échec amoureux est à l'œuvre ici, le poète fait peut être référence à Annie Playden.
La deuxième strophe montre que l’automne s’efface peu à peu pour laisser place à l’hiver menaçant et fait allusion à l’échec de l’amour dans son dernier vers.
3ème mouvement:
- “Aux lisières lointaines / Les cerfs ont bramé”. ces deux courts vers en distique sont surprenants mais modernes. Ils mettent en valeur le brame des cerfs et l’isolent “aux lisières lointaines”car la strophe est courte. L’adjectif “lointaine” fait écho avec le vers 8 “au fond du ciel” ➜ qui renvoient à des souvenirs douloureux du passé du poète et au temps qui passe. Le brame des cerfs rappelle le poème d’Alfred de Vigny, un autre grand poète romantique qui évoque la tristesse des bruits de la forêt dans son poème “Le Cor”. L’évocation du cri du cerf est surprenante. C’est suite à ce cri qu’Apollinaire va dévoiler ses sentiments.
Cette courte strophe de deux vers est surprenante et s’isole dans le poème. Elle évoque le temps qui s’éloigne et annonce les sentiments du poète.
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