Analyse Hernani Victor Hugo
Analyse sectorielle : Analyse Hernani Victor Hugo. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Elisapbt • 6 Mai 2020 • Analyse sectorielle • 2 328 Mots (10 Pages) • 550 Vues
TEXTE 1 : Hugo, Hernani, 1830.
[Le manuel propose un extrait qui va jusqu'au v. 198. Nous nous arrêterons au 186, l'examinateur ne vous interrogera que sur une vingtaine de vers.]
Intro.
* Contexte. La pièce est créée le 25 février 1830, la veille de l'anniversaire des vingt-huit ans d'Hugo (il est né le 26 févr. 1802 à Besançon - † 1885). C'est une bataille : les tenants de l'esthétique classique vieillissante, essentiellement des ultras (ultraroyalistes) sont venus faire la claque et espèrent par leur chahut troubler assez cette représentation d'un drame composé selon l'esthétique nouvelle, celle de la jeunesse libérale, celle qu'on appelle romantique. Cette journée mémorable est l'apogée du romantisme ; la pièce est chahutée mais c'est un triomphe pour les romantiques : Hernani est un emblème.
* En substance... Au tout début, acte I, sc. 2 : Hernani s'apprête à rejoindre la belle doña Sol, qu'il aime et qui l'aime, dans sa chambre ; mais don Carlos, rien moins que le roi d'Espagne, futur empereur Charlequint, amoureux lui aussi, est venu plus tôt, introduit par la duègne, la gouvernante, qui l'a caché dans une armoire quand les deux amants se sont annoncés.
* Problématique. Une scène de rivaux, avec tous les enjeux ordinaires du genre : les rodomontades, le verbe acéré, la main à l'épée, la belle éperdue... mais aussi révélatrice du tempérament des deux garçons.
* Plan
- v. 1 à 11: interruption de Carlos
- v. 12 à 21 : provocation mutuelle, atmosphère de duel
1. Interruption de don Carlos.
DOÑA SOL
Monseigneur, qu’importe ? Je vous suis. 1
HERNANI
Non, puisque vous voulez me suivre, faible femme,
Il faut que vous sachiez quel nom, quel rang, quelle âme,
Quel destin est caché dans le pâtre Hernani.
Vous vouliez d’un brigand, voulez-vous d’un banni ? 5
* Dans l'esthétique romantique, les héroïnes, les jeunes filles amoureuses ne sont quelquefois, non pas toujours, que des personnalités évanescentes, c'est-à-dire, sans consistance ; elles disent toutes la même chose : « Monseigneur (c'est comme ça qu'elle appelle leur galant !) qu'importe ? Je vous suis ». Le verbe suivre prend des accents de verbe être : « Je vous suis », comme elles diraient : Je suis à vous. Même si elles sont l'enjeu de la rivalité, on ne peut pas dire que celles dont on parle brillent par une aura personnelle qui les distingue du mâle aristocratique et chevaleresque ; le romantisme n'est pas un féminisme. Faisons donc sortir doña Sol dont le nom est une antiphrase, tant elle est éteinte, une « faible femme ».
=> Le romantisme n'est pas politiquement révolutionnaire, il est même souvent royaliste, nostalgique des temps chevaleresques : on peut être politiquement libéral (c'est-à-dire en faveur de la république ou d'une monarchie constitutionnelle à l'anglaise) et esthétiquement - si l'on peut dire - attaché aux manières d'Ancien Régime. Le sentiment de cette génération de n'être pas née à la bonne époque n'arrange rien.
* « Non » : Hernani, c'est le refus...
... de l'autorité : il ignorera dans une minute qu'il a devant lui le roi,
... du rang s'il n'est pas octroyé légitimement : il se préfère « banni » plutôt que noble reconnu (car il est noble, il est Jean d'Aragon, on l'apprend à l'acte IV).
=> Ce « non », c'est tout Hernani !
* Gradation : « quel nom, quel rang, quelle âme, / Quel destin... »
- du « nom » au « rang » (le titre de noblesse), à « l'âme », on glisse vers la spiritualité, vers une élévation qui distingue, qui élève au plus haut, plus intime et moins reconnu aussi (on connaît un nom, un rang, mais non pas une âme)
- le mot « destin », en rejet, donc isolé et mis en exergue, c'est presque s'en remettre à Dieu
=> Hernani est un pur, un héros fondamentalement positif ; tout ce qui lui sera opposé sera vil et méprisable. Ainsi, avant même d'apparaître, Carlos est disqualifié.
* Jeu antithétique : cette gradation méliorative dont on vient de parler, s'oppose au statut de « pâtre » (synonyme de berger, paysan fruste, ressortissant des bois).
=> En vérité un jeu de contraste : plus le statut social est dégradé (« brigand », « banni », juste après), plus la pureté de l'âme et l'innocence morale sont garanties !
=> D'ailleurs noter une petite gradation entre « brigand » & « banni » : on s'enfonce dans l'illégitimité pour mieux briller aux yeux des belles dames et des spectateurs ; cette antithèse est tout bonnement le jeu de l'inversion des valeurs : plus on a l'air « brigand », moins on l'est en vérité ! Cette antithèse est une litote.
=> Cette fausse antithèse (comme on parlerait de fausse modestie) anticipe et sert la confrontation à venir entre Hernani et Carlos (qui n'est rien moins que le roi d'Espagne).
=> Le « non » du refus fondamental, la gradation empreinte d'un certain lyrisme, et l'antithèse litotique qui disant le moindre montre le meilleur, tout cela prépare la confrontation Hernani-Carlos, favorable au premier, défavorable au second.
DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l’armoire.
Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?
Croyez-vous donc qu’on soit à l'aise en cette armoire ?
Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos des yeux effarés.
* Tonalité populaire : « avoir fini de... » (dans le sens de c'est-pas-bientôt-fini-c‘te-pagaille), « conter votre histoire » (au sens de votre bla-bla).
=> Le roi d'Espagne aussi fait l'objet d'un jeu de contraste, en sens inverse : ce roi n'est qu'un ressortissant du peuple, après tout, il parle comme le peuple.
* Considérations matérielles : « (être) à l'aise en (une) armoire »
(mesurer la distance de ton entre (Hernani) « quel nom, quel rang, quelle âme, / Quel destin » & (Carl.) « qu’on soit à l'aise en cette armoire ».)
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