Zone : En quoi le début de ce poème constitue-t-il un manifeste poétique?

PROPOSITION DE PLAN ENVISAGEABLE EN VUE D’UN COMMENTAIRE COMPOSÉ SUR LE POÈME « ZONE »

==> En quoi le début de ce poème constitue-t-il un manifeste poétique?

I. La revendication de nouveauté

1) Une nouvelle esthétique formelle

Forme du poème marquée par l’irrégularité: blancs typographiques, strophes irrégulières, « blancs » dans le texte, monostiches, vers libres et hétérométriques, des assonances plutôt que des rimes, prédominance des rimes pauvres. Absence de ponctuation qui perturbe la lecture (seuls point de repère: les majuscules et la métrique). A certains endroits, cette absence de ponctuation crée des ambiguïtés, le poète ne s'en soucie pas et au contraire en joue (Pas d'exemple significatif au début du poème ; "Neuve et propre du soleil elle était le clairon" montre toutefois le flottement de la lecture). ==> zone de liberté formelle/lecteur placé d’emblée en zone d’inconfort.

2) Un brouillage des repères énonciatifs

Emploi du pronom personnel « tu » à la place du « je » habituel: un double destinataire (poète dédoublé et récepteur) mais aussi une énonciation fragmentée qui peut être mise en lien avec la question de l’identité chez Apollinaire.

3) Un appel à quitter le « monde ancien »

 Critique véhémente du passé et expression d’une recherche d’un renouveau poétique: Rime assonancée antithétique entre « ancien » (v. 1) et « matin » (v. 2). Récurrence de cette indication de temps : le « matin » est mentionné aux vers 2, 12, 15, 18 et 19: insistance sur la volonté de renouvellement du poète et sur l’imminence de la naissance d’une nouvelle ère que symbolise le matin, début de la journée. Apostrophe à la tour Eiffel qui est personnifiée, ce qui conforte l’idée de l’adieu à un monde passé et de l’émergence d’un univers nouveau. Cela insiste sur la volonté de renouvellement du poète et sur l’imminence de la naissance d’une nouvelle ère que symbolise le matin, début de la journée.

II. Apollinaire, un poète « entre deux mondes « (Pierre Brunel)

1) Une nouveauté alliée à la tradition formelle:

De nombreux clins d’oeil ironiques faisant référence à sont dissimulés tout au long du poème, surtout dans le premier mouvement. Même si les vers sont libres le vers liminaire offre la possibilité de le lire comme un alexandrin si l’on marque la diérèse (deux lectures possibles). Attention portée aux sonorités : assonances « Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin », allitérations « des perroquets criaillent ». Rime assonancée antithétique porteuse d’un sens symbolique « ancien/matin »: dans le premier mouvement surtout le présent est constamment confronté au passé.

2) La présence discrète du lyrisme

>> Registre traditionnel de la poésie (voir le mythe d’Orphée). Emploi du « je » lyrique dans le second mouvement. Le « tu » suppose aussi une conversation de soi à soi: le poète se parle à lui-même donc cette deuxième personne su singulier peut être l’équivalent du « je » classique. L’apostrophe lyrique « ô ». L’évocation de sentiments intimes et douloureux: « las », « assez », « la honte », « confesser ».

3) L’évocation de thèmes intemporels

Mise en valeur de la « religion » avec l’épanadiplose et l’enjambement, paradoxalement considérée comme « neuve » et « moderne » avec la référence au Pape Pie X. Religion= ce qui est éternel et hors du temps, dépasse donc la confrontation passé/présent. « La sirène y gémit »: référence implicite aux sirènes mythologiques de « l’antiquité grecque et romaine » (voir l’épisode d’Ulysse et les sirènes, ou celui d’Orphée vainqueur pour Jason des sirènes grâce à son chant envoûtant). Transition ==> La modernité poétique à l’oeuvre dans « Zone » inaugure un nouveau rapport à la réalité quotidienne par la médiation d’un regard transfigurateur.

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