Phase terminale
Étude de cas : Phase terminale. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar JeanCultamaman • 22 Novembre 2018 • Étude de cas • 815 Mots (4 Pages) • 605 Vues
Phase terminale
« MAINE-ET-LOIRE, Angers, 27 février 2017 ; Une mère de six Enfants, 35 ans, est tuée par arme à feu, Rue Yvette à Angers. Le mari et les deux fils aînés qui sont allés cacher le fusil de chasse utilisé, sont interpellés. Ils ont expliqué que le coup était parti accidentellement. Le fils de 16 ans s’est accusé d’avoir tiré en voulant montrer le fusil à son père. Le parquet a ouvert une information judiciaire pour homicide volontaire. Le père et le fils de 16 ans ont été mis en examen pour meurtre aggravé. » Ces mots sonnaient faux dans la bouche du jeune Docteur Audouin. S’il n’y avait pas eu que lui dans la salle, un inconnu aurait pu jurer que ce n’était d’ailleurs pas lui qui avait prononcé ces mots. Pourtant, ils étaient bien en raccord avec ses lèvres, que je venais de voir bouger.
« Les gens sont fous, et c’est de plus en plus vrai en ce moment, exprima-t-il.
- Les gens ont toujours été fous, mais parfois fous de bonnes intentions.
- Pardon ?
- Allons, vous n’avez jamais eu de patient en phase terminale, qui ne pouvait se faire euthanasier ? Qui ne souhaiterait que sa propre mort, afin de se libérer ? »
Voyant que mon collègue était intéressé, je me fis un devoir de lui expliquer.
« Vous n’avez jamais entendu parler de Madame Bourceaut ? Effectivement, il est vrai que vous n’êtes parmi nous que depuis deux mois ; laissez-moi vous en parler avec tous les détails dont je dispose ; parce qu’après tout, elle était l’une de mes patientes.
« Je l’avais reçue, il y a de ça deux ans, dans mon cabinet. S’il existait un portrait du mélange de l’anxiété et de la tristesse, c’était bien celui de Madame Bourceaut. Ses cheveux presque courts laissaient vite place à un front large, lui-même supporté par deux petits yeux au regard fuyant, ainsi que leurs sourcils respectifs, fins et courts. Ces deux yeux étaient séparés par un trait, une écoche qui signifiait que Madame Bourceaut punissait souvent ses enfants. Sa bouche, ronde et pointue sur les bords, se posait sur un menton qui lui aussi tenait sur une autre proéminence. Mais cette dernière se maintenait au-dessus d’un corps lourd, de fatigue comme de tristesse, de temps comme de peur, dominant un buste aux larges épaules. Sa corpulence indiquait que les plats préparés, barres de céréales et autres boites de conserve régnaient en maître dans les placards de sa cuisine.
« Ce qui explique plus ou moins pourquoi elle n’était plus en très bonne santé ; elle souffrait terriblement, je lui avais demandé de se rendre au centre hospitalier, passer des tests, pour savoir de quoi elle était atteinte ; ce que je supputais être un cancer. Elle pensait qu’il fallait avoir des moyens, ce qui était bien évidemment faux, mais qui était une bonne excuse pour se rassurer à propos de quelque chose d’imminent. Du fait qu’elle n’ait pas fait de tests, je garde l’hypothèses de suicide.
- Je vois, mais ce n’est pas clair pour autant… Où habitait cette Madame Bourceaut ?
- Eh bien, ici, sur la couronne urbaine d’Angers, d’ailleurs laissez-moi vous donnez une idée de
ce sinistre endroit où la vie n’est pas comme dans le centre. L’idée des vieux bâtiments en pierre taillée est à abandonner ; partout où l’on pose ses yeux, on voit du gris, même quand il y a du soleil. C’est le gris du gravier, certes, mais le bonheur se retrouve dans les pins de la rue d’en face : trois pins, hauts et majestueux, mais dont l’ombre s’étend jusqu’à la baie vitrée qui ne change rien au temps habituel ; sombre, morne. Angers est une ville vivante, contrairement à Bouchemaine, qui est une vie comparable à un fantôme des Limbes, sans ambitions, sans espoir, sans rêves. Ici sur la couronne urbaine d’Angers, et surtout dans la rue Pablo Neruda (jouxtant le rond-point des poètes), la vie n’est qu’une voyage sous-classé dans le monde des vivants.
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