Il y a, poèmes à Lou
Commentaire d'oeuvre : Il y a, poèmes à Lou. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar anne1952 • 20 Mai 2019 • Commentaire d'oeuvre • 2 743 Mots (11 Pages) • 4 843 Vues
IL Y A Poèmes à Lou
préambule
- poème de la présence qui donne à voir + esthétique de la répétition : une poésie du constat qui s’oppose à la poésie du symbole ( pas d’humanisation de la nature) => réduit son discours à l’évocation objective de la réalité matérielle : tournure impersonnelle qui accorte à la matière un statut de sujet , retrait du sujet lyrique, pas de hiérarchie entre les scènes aperçues ou les sensations .
- modernité du vers : vers libres : on trouve quelques alexandrins mais aucun ne peut être considéré comme régulier : au v 3 et 9 , une syllabe muette en jambe à l’hémistiche ; au vers 5 et 7 , la lecture de l’alexandrin suppose qu’on élide quelques « e » muets ; le 1er vers est un décasyllabe ms il ne respecte pas la césure à la 4ème syllabe => déstructuration du vers // aux expressions lyriques .
- bien sûr un poème construit sur l’anaphore « il y a » , mais pourquoi ce phénomène si massif : => dire la présence 1) d’un ailleurs : absence de LOU 2) de la réalité : la guerre
- constitution d’ensembles qui s’entrelacent ds le poème :
- ceux qui évoquent la campagne ; - ceux qui évoquent la ville, ceux qui évoquent la relation du poète à la femme aimée ( structure du texte) ; ceux qui évoquent le poète seul.
- le principal procédé du texte est la juxtaposition => il appartient au lecteur de construire une lecture cohérente du texte : par exemple, le 1er vers présente un autre type de répétition : l’allitération en ( t ) -> son commentaire est réalisé ds le 2ème vers : « il y a mon cœur qui bat pour toi » : l’allitération exprime âr harmonie imitative le battement du cœur => c’est le battement frénétique du cœur qui justifie l’ordre de composition du poème => agité par le désir de dire son amour, le poète énonce les vers comme ils se présentent à son esprit . Au lecteur de montrer comment les diverses évocations se rejoignent pour célébrer Lou.
Analyse
Installé ds le train qui l’emporte vers le front, A écrit cette suite de cers qui alterne sans transition des images aperçues par la fenêtre du train qui l’emmène au front, ses souvenirs et ses sentiments amoureux …
Difficile ac ce travelling mental de ne pas penser au cinéma qui à la même époque est en train de mettre au point les techniques qui vont constituer la base de tout le cinéma moderne - c’est précisément en filmant d’un train que Flaherty , documentariste-explorateur , filma une des premiers travellings. Apollinaire prolonge le projet énoncé par Baudelaire de ne jamais évoquer une réalité extérieure qui ne soit passé par le filtre de la sensation et de la perception ( cf adjectifs « épatants ;triste ; beau ; charmant etc …) . Mais il fait autre chose encore : par cette mise à plat et le montage d’ordres très différents :
- des scènes qu’il entraperçoit : « beau petit cottage ; berger qui paît ; un petit bois charmant … »
- des détails matériels : « mon plume réservoir « ; mon fouet conducteur … »
- mais aussi des sentiments mesurés : un petit Lou exquis ; un poète qui rêve au petit Lou… » ET démesurés : « ma vie qui t’appartient ; toute la vie »
il conditionne l’évocation de toutes ses images . A la relecture,(« les petits ponts épatants ; la femme triste » …) n’ont plus le même sens parce qu’ils sont pris par le réseau de sens du poème tout entier ( encore un rapport ac le cinéma : Eisenstein a démontré comment grâce au montage , les mêmes images n’exprimaient pas le même sens selon l’ordre ds lequel elles apparaissent.) Ds le poème, la succession cadencée des « il y a » devient alors le rythme du cœur qui bat pour Lou ( pourquoi pas calqué sur le bruit du train ?) , induisant l’intensité et l’affolement de la passion qui fait tout mélanger ( « wagons belges ; mes yeux qui cherchent ton image ; une petite fille de Sospel »), ms qui donne aussi du sens au plus insignifiant des détails ( en effet, à la relecture on peut sentir toute la béatitude amoureuse d’A ds « il y a des petits ponts épatants) . Mais la succession désordonnée se canalise ( le train arrive-t-il en gare ?) : comme s’il remontait un ruisseau pour parvenir à la source , le poème parvient progressivement à l’essentiel : de la réalité du monde ( même en guerre et qui va vers une boucherie) , il ne reste que quelques mots : « il y a mon amour (6) / il y a toute la vie (6) / je t’adore ( 3) « .
Donc un joli poème , nouveauté du lyrisme amoureux .
IL Y A Calligrammes ( poème envoyé à Madeleine, le 30 septembre 1915)
Poème plus novateur : bien sûr toujours cette anaphore qui donne au poème un rythme très scandé, proche de la litanie = traditionnel (Rimbaud etc…), ms ce qui rend ce poème nouveau, expérimental, c’est la tentative de rendre proches et simultanés des lieux et des temps très éloignés les uns des autres, composant tous ensemble l’image complète d’un instant vécu => procédé qui rapproche le poème du cubisme qui cherche à représenter simultanément les différents aspects de la réalité ( Picasso etc…)
Donc le lecteur se sent partout à la fois, ou du moins sent que partout quelqu’un, quelque chose , vit , respire , souffre. Un leitmotiv ( motif qui revient à plusieurs reprises)d’amour et plus obscurément d’absence, de destin irrémédiable et de sang, sous-tend un poème qui sans lui ne serait que disparates.
Si quelques vers chantent, la plupart sont faits de mots humbles, familiers ( A. joue ac ts les niveaux de langue, du plus soutenu, quand il évoque la femme aimée : « je languis après une lettre qui tarde », au plus courant quand il veut peindre l’horreur de la guerre : « six saucisses »). La richesse innombrable du monde est donnée par un morcellement, un émiettement presque : le lecteur est jeté ds la diversité , ds une profusion vitale au hasard éparpillée . La simultanéité et la totalité sont obtenues par énumération ( discontinuité) : paradoxalement , le moyen même par lequel A improvise un monde discontinu reconstruit le monde simultané.
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