Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’éducation, Livre V, 1762
Synthèse : Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’éducation, Livre V, 1762. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar asperge8roti • 14 Juin 2023 • Synthèse • 988 Mots (4 Pages) • 363 Vues
Corpus : Voyager autrement.
Document 1 : Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’éducation, Livre V, 1762.
Dans Emile ou de l’éducation, Jean-Jacques Rousseau décrit l’éducation idéale que doit recevoir un jeune garçon, Emile, aux différents âges de sa vie. Si l’adolescence constitue bien le moment privilégié pour effectuer un voyage formateur, le philosophe des Lumières considère cependant que cette pratique n’a pas toujours un rôle didactique.
C’est trop d’avoir à percer[1] à la fois les préjugés des auteurs et les nôtres pour arriver à la vérité. J’ai passé ma vie à lire des relations[2] de voyage, et je n’en ai jamais trouvé deux qui m’ait donné la même idée du même peuple. En comparant le peu que je pouvais observer avec ce que j’avais lu, j’ai fini par laisser là les voyageurs, et regretté le temps que j’avais donné pour m’instruire à leur lecture, bien convaincu qu’en fait d’observation de toute espèce, il ne faut pas lire, il faut voir. Cela serait vrai dans cette occasion, quand tous les voyageurs seraient sincères, qu’ils ne diraient que ce qu’ils ont vu ou que ce qu’ils croient, et qu’ils ne déguiseraient la vérité que par les fausses couleurs qu’elle prend à leurs yeux. Que doit s’être quand il la faut démêler encore leur mensonge et leur mauvaise foi !
Laissons donc la ressource des livres qu’on vous vante à ceux qui sont faits pour se contenter. Elle est bonne, ainsi que l’art de Raymond Lulle[3], pour apprendre à babiller de ce qu’on ne sait point. Elle est bonne, pour dresser des Platons[4] de 15 ans à philosopher dans des cercles et à instruire une compagnie des usages[5] de l’Egypte et des Indes sur la foi de Paul Lucas ou de Tavernier[6]. (…)
Mais, pour étudier les hommes, faut-il parcourir la terre entière ? Faut-il aller au Japon observer les européens ? Pour connaître l’espèce, faut-il connaître tous les individus ? Non ; il y a des hommes qui se ressemblent si fort, que ce n’est pas la peine de les étudier séparément. Qui a vu dix français, les a vus tous. Quoiqu’on en puisse pas dire autant des anglais et de quelques autres peuples, il est pourtant certain que chaque nation a son caractère propre et spécifique, qui se tire par induction[7], non de l’observation d’un seul de ses membres, mais de plusieurs. Celui qui a comparé dix peuples, connait les hommes comme celui qui a vu dix français, connait les français.
Il ne suffit pas pour s’instruire de courir les pays, il faut savoir voyager pour observer, il faut avoir des yeux, et les tourner vers l’objet qu’on veut connaître. Il y a beaucoup de gens que les voyages instruisent encore moins que les livres, parce qu’ils ignorent l’art de penser, que, dans la lecture, leur esprit est au moins guidé par l’auteur et que, dans leur voyage, ils ne savent rien voir d’eux-mêmes. D’autres ne s’instruisent point, parce qu’ils ne veulent pas s’instruire. Leur objet est si différent que celui-là ne les frappe guère ; c’est grand hasard si l’on voit exactement ce que l’on ne se soucie point de regarder.
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