La Sécuritée Alimentaire

En ces dernières années du XXe siècle, il est difficile de faire son choix dans les supermarchés du Nord (et même dans les villes du Sud) tant on y trouve une surabondance de produits alimentaires variés; l'obésité est un problème de santé répandu et l'amaigrissement, la raison d'être d'une industrie en pleine croissance. Et pourtant, bien des gens sur terre ne mangent pas à leur faim - plus de 800 millions, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) - parce qu'ils ne peuvent produire ni acheter la nourriture dont ils ont besoin, eux et leur famille.

Comment se peut-il que tant de gens aient faim alors que le monde produit assez de denrées alimentaires pour nourrir tous les habitants de la planète?

Environ 20 % de la population des pays en voie de développement se réveille - et dans la grande majorité des cas, se couche - sans avoir assouvi sa faim, jour après jour, et souffre de dénutrition chronique. À cela s'ajoutent tous ceux - et ils sont des millions - qui ne mangent pas à leur faim pendant toute une partie de l'année... ou qui souffrent de malformations congénitales, d'un ralentissement de la croissance, de déficience mentale, de léthargie, de cécité, ou même qui meurent parce qu'ils n'ont pas l'alimentation variée qui répondrait à tous leurs besoins (et cela comprend quelque 200 millions d'enfants de moins de cinq ans qui souffrent d'une carence de protéines ou d'énergie alimentaire).

Près des trois quarts des gens qui ne mangent pas à leur faim vivent à la campagne, là même où les denrées alimentaires sont produites - ils n'ont pas de terre à cultiver, ou ils vivent dans des régions où la terre est stérile ou dans des milieux précaires. L'autre quart habite en ville et doit survivre avec moins d'un dollar par jour. Au début du prochain siècle, on s'attend à ce que leur nombre dépasse celui des pauvres qui vivent à la campagne, car l'espoir de trouver du travail pousse les gens vers les villes, mais à l'heure actuelle, c'est principalement dans les campagnes que se pose le problème de la pauvreté.

Les pauvres et ceux qui ont faim ne sont pas répartis également entre tous les pays et les régions du monde. Les deux tiers de la population qui souffre de dénutrition habitent en Asie, alors que le sous-continent indien, à lui seul, compte la moitié de tous ceux qui ont faim à travers le monde. Mais c'est en Afrique subsaharienne - où l'on trouve 42 des 88 pays à faible revenu et en déficit vivrier - que l'on compte le plus de gens souffrant de dénutrition chronique, environ 40 % (et leur nombre va sans doute augmenter). Dans les sociétés plus affluentes (y compris au Canada, où il existe des centaines de banques alimentaires), il y a également des millions de gens qui n'ont pas assez de nourriture pour répondre à leurs besoins fondamentaux.

La faim et la pauvreté ne frappent pas également tous les groupes sociaux - les femmes et les enfants en sont les premières victimes, même lorsqu'il est possible de se procurer de la nourriture. Dans la plupart des sociétés, les femmes donnent d'abord à manger aux hommes, ensuite à leurs enfants, et ne se nourrissent elles-mêmes qu'avec ce qui reste. Et pourtant, les femmes jouent un rôle clé sur le plan de la sécurité alimentaire : elles produisent déjà, en Asie, jusqu'à 65 % de la nourriture consommée par les familles et 80 % en Afrique subsaharienne. S'il leur était possible, en toute égalité, d'emprunter de l'argent, d'acquérir des terres, l'éducation et l' information nécessaires et de se procurer des semences et des engrais, elles pourraient stimuler la productivité agricole et les revenus que l'on peut en tirer.

Quelques définitions

On entend par faim ou " dénutrition " un apport calorique se situant au-dessous de 80 % de la ration quotidienne recommandée (2 200 à 2 300 calories - FAO).

On entend par malnutrition, un état pathologique résultant d'une déficience absolue ou relative de nutriments essentiels.

Dans les pays à faible revenu et en déficit vivrier, le PNB par habitant (1993) se situe à 1 345 $US ou moins, et au cours des cinq dernières années commerciales, on a pu constater un déficit net du volet céréalier.

Sécurité alimentaire : Se leurre-t-on?

Si l'on s'en tient à la définition donnée l'an dernier au Sommet mondial de l'alimentation (Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et Plan d'action), la sécurité alimentaire n'existe que si toute la population a, tout le temps, les moyens matériels et économiques de se procurer une quantité suffisante d'aliments nutritifs qui peuvent être consommés sans risque et qui répondent à ses besoins et à ses goûts alimentaires, afin de pouvoir mener une vie active et saine. À plusieurs niveaux - individuel, familial, national, régional, mondial - les deux questions fondamentales qui se posent sont donc celles de la production de denrées alimentaires et de l'accès à ces ressources.

La sécurité alimentaire a trois importantes dimensions :

disponibilité : une quantité suffisante de denrées alimentaires de qualité appropriée est en permanence à la disposition de toute la population;

accessibilité : toute la population a les ressources nécessaires pour se procurer les denrées qui font partie d'un régime nutritif;

utilisation : la nourriture a une valeur biologique car la population a un régime alimentaire adéquat, de l'eau, ainsi que l'hygiène et les soins de santé requis.

La pauvreté est le principal obstacle à la sécurité alimentaire. Les quelque 1,3 milliard de gens (presque le quart de la population de la planète) qui survivent avec moins d'un dollar par jour, ont un revenu trop bas pour avoir accès aux ressources requises pour produire des aliments (la terre, les approvisionnements, les crédits) ou pour acheter à manger. Ils sont particulièrement touchés lorsque le prix des denrées alimentaires s'envole. Les autres facteurs qui affectent la sécurité alimentaire comprennent notamment les conditions climatiques, les conflits, le chômage, la faiblesse des profits réalisés par les

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