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Que Faire Face à La Drogue ?

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Par   •  24 Octobre 2012  •  1 912 Mots (8 Pages)  •  1 405 Vues

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Le problème de la lutte contre la toxicomanie occupe régulièrement le devant de la scène.

Faut-il légaliser les drogues dites «douces» comme le propose l'avocat pénaliste, Francis Caballero, dans son ouvrage intitulé Le droit de la drogue, dont Bernard Poulet rend compte dans L'événement du jeudi (7-13 septembre 1989) ? Faut-il, au contraire, s'en garder à tout prix, comme l'affirme le docteur Francis Curtet, psychiatre, dont Cl. M. Trémois rapporte les propos dans Télérama (n° 2092, 1990) ? Le point de vue du thérapeute n'est bien sûr pas celui du magistrat, essentiellement préoccupé de la bonne marche de l'État.

Le combat est difficile, d'autant plus qu'il est bien difficile de déterminer une ligne d'action claire. C'est d'ailleurs ce que souligne J.F. Collinot dans Les clés de l'actualité (n°60, juin 1993) où il met en évidence la difficulté qu'éprouvent les Douze dans l'élaboration d'une politique commune dans ce domaine. C'est pourtant un drame, dont le dessin de Hin, paru dans Télérama au début des années 80 souligne le caractère aigu, en particulier dans la jeunesse. Mais le problème n'est pas récent : Baudelaire, en 1851 déjà, publiait dans Le messager de l'Assemblée un article dont on peut penser qu'il est quelque peu ironique, où il chantait les vertus de notre «drogue nationale», le vin, associé aux valeurs du Travail et de la vaillance guerrière, en fustigeant le hachisch, où se réfugie le poète.

Les documents qui nous sont soumis permettent de dégager les raisons pour lesquelles il est si difficile de lutter contre la toxicomanie. Elles tiennent à un constat : nous ne sommes d'accord sur rien, ni sur la définition de la toxicomanie, ni sur ce qu'il convient d'appeler «drogue», ni, a fortiori, sur les mesures à mettre en œuvre pour en venir à bout. Ce sont ces zones successives de désaccord qui seront le fil conducteur de notre synthèse.

Il est ainsi frappant de considérer qu'un éminent magistrat, Francis Caballero, peut s'interroger sur la législation en matière de drogues sans jamais s'interroger sur les raisons qui poussent certains à s'y adonner. Son raisonnement prend sa source dans son expérience de magistrat de très haut niveau, qui s'intéresse essentiellement au pourrissement économique, politique et social provoqué par la prohibition, fond de la politique française dans ce domaine. A l'opposé, le professeur Curtet, psychiatre, est avant tout un thérapeute, quelqu'un qui se préoccupe de soigner des êtres souffrants. Pour lui, le toxicomane souffre psychologiquement ; il refuse le monde tel que nous le lui proposons, il cherche à le fuir, à lui lancer un défi. A ce titre, il se recrute essentiellement parmi les jeunes, au-delà des 9/10 qui «fument un joint par curiosité» puis abandonnent cette voie et s'intègrent tant bien que mal au monde tel qu'il est. C'est tout naturellement un jeune que le dessinateur Hin représente. Le cadre dans lequel il l'installe va dans le sens du diagnostic du Dr Curtet : son horizon, ce à quoi il s'adosse, c'est un mur sinistre, sans fin, devant lequel il est désespérément seul. Tout est fait comme si son seul soutien, dans un monde qui n'a ni sol ni ciel, était la cigarette (de marijuana ?) qui, une fois consumée, le laissera «accroché» à une seringue.

La même confusion règne au niveau européen. J.F. Collinot nous apprend ainsi que si les Espagnols, les Hollandais et les Italiens, par exemple, considèrent les toxicomanes comme des «malades» qui ont droit à des soins, les Français, les Belges et les Irlandais les considèrent comme des délinquants, voire comme des criminels, qu'il convient de réprimer.

Mais Baudelaire jette sur ce phénomène un regard qui ne peut que troubler le jeu. En affirmant qu'il existe un «goût frénétique de l'homme pour toutes les substances, saines ou dangereuses, qui exaltent sa personnalité, témoignent de sa grandeur», il semble nous dire que tous les hommes sont toxicomanes. Nous retrouvons là le poète de Spleen et Idéal : l'homme chercherait sans cesse à s'arracher à son humaine condition, faite de déchéance, en tentant de retrouver par tous les moyens (et il les a personnellement tous essayés, de l'opium à la poésie…) la part de divinité dont il a été arraché par le péché originel.

Mais s'il est bien difficile (et pourtant essentiel) de définir ce qu'est exactement un toxicomane, il est tout aussi problématique de qualifier exactement ce qu'est une drogue.

Là encore, Baudelaire nous contraint à un effort inhabituel. Écrivant en 1851, il se fait (par antiphrase ?) le chantre du vin, récompense du travailleur et du guerrier, en même temps qu'il semble accabler le hachisch, «isolant» là où le vin est convivial, émoliant lorsque le vin donne vigueur et courage. En admettant qu'il faille prendre au pied de la lettre la distinction qu'il opère entre ces deux substances, l'une saine, l'autre dangereuse, mais toutes deux propres à élever l'homme, à exalter sa grandeur, on ne peut qu'être troublé par le fait que les récentes découvertes médicales ont inversé les signes accolés à ces deux drogues : on souligne aujourd'hui les dangers de l'alcoolisme (même patriotique !) et l'on est bien près de conclure à l'innocuité du hachisch… C'est dire que la notion de drogue est en tout cas sensible au temps qui passe.

Cependant, tandis que l'avocat pénaliste Caballero ne se propose de distinguer les drogues entre elles que d'un point de vue d'opportunité répressive, le professeur Curtet, lui, en tant que thérapeute, s'oppose vigoureusement à ce que la moindre distinction soit faite entre drogues dites «douces» et drogues dites «dures». Il souligne d'un point de vue strictement logique qu'il ne peut y avoir prohibition d'une seule catégorie de drogues, car c'est alors sur cette catégorie que se concentreraient tous les effets pervers de l'interdiction ; mais il en vient bien vite à mettre le doigt sur l'argument majeur : autoriser une drogue, c'est refuser d'entendre le cri, l'appel au secours des toxicomanes. L'État,

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