Synthèse "Le bon gouvernement" de ROSANVALLON
Fiche de lecture : Synthèse "Le bon gouvernement" de ROSANVALLON. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Clemdroit • 26 Février 2018 • Fiche de lecture • 2 135 Mots (9 Pages) • 641 Vues
SYNTHESE « LE BON GOUVERNEMENT » de PIERRE ROSANVALLON
L’histoire du pouvoir exécutif peut être qualifiée de mouvementée et problématique.
Le XVIII° siècle est la période du sacre de la loi. Beccaria souhaite établir une justice qui prévienne l’arbitraire par l’impersonnalité. Le pouvoir exécutif est fortement disqualifié au profit du législatif, et contraint et canalisé par le règne du peuple-législateur. Condorcet parle d’ailleurs d’une nécessaire “nullité du gouvernement“.
Au XIX° siècle, le culte de l’impersonnalité fait son apparition. C’est un nouvel âge réalisé par la suprématie du pouvoir législatif et la sacralisation de la loi. Condorcet, de manière marginale, propose la mise en place d’un Conseil élu par les citoyens, destiné à prendre collectivement la place du roi. Le scrutin de liste est introduit de 1885 à 1889 et vise une politique dépersonnalisée, mais le règne des notables prend le dessus.
Au XX°, le nouvel impératif de gestion des foules, la rupture crée par la 1ère GM et le keynésianisme conduisent à une affirmation du pouvoir exécutif qui délaisse la « vieille peur du nombre ». Les idées convergent vers une revalorisation du pouvoir exécutif pour contrer la montée des dictatures. La notion de régulation, réclamée par Keynes notamment, exige l’existence d’un agent central, qui ne peut être que le pouvoir exécutif. Par le recours aux décrets-loi il fait reculer le législatif. Ainsi, le pouvoir exécutif cesse d’être assimilé à la notion de particularité.
Le pouvoir gouvernemental n’est cependant pas entré en démocratie. Le pouvoir administratif était célébré. La défense de l’intérêt général nécessitait de reconnaître la centralité du pouvoir exécutif. La tentation de l’idéal technocratique a conduit à une radicalisation puis une autonomisation du pouvoir exécutif. Faute de penser démocratiquement le gouvernement, c’est sous forme de pouvoir technocratique que l’exécutif a trouvé sa place en France et aux Etats-Unis.
Les circonstances exceptionnelles de la notion d’état d’exception (Schmitt) révèlent la nature du pouvoir exécutif comme exercice de la souveraineté. La vision décisionniste-identitaire postulait que la démocratie s’accomplissait par la puissance de l’exécutif. Aujourd’hui, là où l’impuissance d’un exécutif partisan a nourri le désenchantement démocratique, la tentation technocratique n’a pas cessé d’exercer sa force d’attraction (on pense à l’Amérique latine, la Russie, avec la notion de “démocratie souveraine“).
Pour se prémunir contre les deux dérives technocratique et décisionniste, la reconnaissance d’un exécutif “régulier“, ne rentrera finalement en démocratie que sous la forme d’une présidentialisation.
Le mouvement de présidentialisation-personnalisation accentué durant les dernières décennies du XX° siècle s’est révélé très progressif. En témoignent le rejet suscité par trois expériences fondatrices : élection présidentielle de 1848, régime de Weimar, premiers pas du régime gaulliste .
Ainsi la première élection du président au suffrage universel en France (1848) a constitué un “faux départ“ dans l’avènement d’une conception présidentielle des démocraties, vite interrompu par le Second Empire. De même, la Constitution de Weimar en Allemagne (1918) établissait un pouvoir exécutif renforcé par l’élection du président au suffrage universel direct. Cette démocratie plébiscitaire, selon la formulation positive de Weber, offrait un modèle désirable pour stabiliser le gouvernement des sociétés démocratiques de masse. Las, le basculement de Weimar vers la dictature nazie conduit à une concentration de tous les pouvoirs par l’exécutif, et à sa personnalisation exacerbée. Enfin, le traumatisme totalitaire post-1945 débouche sur un rejet compréhensible de toute forme de personnalisation du pouvoir. L’affirmation du pouvoir exécutif, au coeur du projet gaullien, prépare la V° République à banaliser le basculement vers la présidentialisation des démocraties malgré des oppositions notables (certains parleront de « régression »). Pour de Gaulle, l’exécutif avait pour fonction naturelle de représenter la volonté générale et l’unité du pays. La présidentialisation répond à une demande sociale de mécanismes d’imputation des représentants. Reconnus responsables, les gouvernants sont en quelque sorte assujettis au jugement des gouvernés. Cette évolution répond à une demande de plus grande lisibilité des institutions et des mécanismes de décision. L’élection ne suffit pourtant pas à régler le rapport gouvernés-gouvernants : même sans la médiation organisée des partis, l’élu est doté d’une “super-légitimité“ qui tend à alimenter un certain « illibéralisme ». La légitimation du pouvoir par les urnes renvoyant l’idée que la volonté générale s’est exprimée, on en vient à faire comme si le plus grand nombre voire l’écrasante majorité, exprimait cette volonté. Pour conjurer un glissement vers l’autoritarisme des pouvoirs gouvernants, deux gardes-fous sont imposés : un parlementarisme rationalisé et la création de Cours Constitutionnelles.
L’encadrement des potentialités « illibérales » du présidentialisme ne répond pas à la question des conditions de l’exercice d’un pouvoir démocratique au quotidien.
Des formes souhaitables du rapport gouvernants-gouvernés doivent s’envisager. Un divorce s’instaure entre le temps du discours électoral, marqué par un impératif de séduction et de proximité vis-à-vis du peuple, et celui de l’action gouvernementale. Au-delà de l’exécution des lois, les gouvernements doivent jouer le rôle d’une interface active, gestionnaire de l’écart entre les représentants et les représentés. Reconnaitre l’écart entre gouvernés et gouvernants ne signifie pas soumission résignée à un pouvoir extérieur.
Le caractère fonctionnel de l’écart entre gouvernés et gouvernants peut aussi être appréhendé négativement : Proudhon dit que “Ce que l’on appelle Autorité est l’analogue de ce qu’on appelle, en économie politique, Propriété“. BOURDIEU, parle d’une domination faite de distanciation, de dépossession, d’exclusion. Mais peut-on parler de rapport structurel, alors que le rapport gouvernés-gouvernants ne produit en démocratie de véritables effets de domination que dans son dysfonctionnement ? Il n’y a pas de consentement des gouvernés aux écarts de comportement des gouvernants .
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