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La Stratégie De Ikea Pour Accroitre Sa Croissance

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Par   •  12 Octobre 2013  •  2 548 Mots (11 Pages)  •  1 242 Vues

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La stratégie de Ikea pour accroitre sa croissance :

Créée il y a plus de cinquante ans, l’enseigne suédoise est toujours aussi jeune et souriante. Pourtant, en coulisses, tourne une machine implacable qui rabote les coûts et dope les ventes.

On dirait un village en kit. A gauche, l’hôtel Ikea : 150 chambres avec lits en bouleau plaqué et catalogue en évidence près du Nouveau Testament. A droite, le plus ancien magasin du groupe, inauguré en 1958. Un peu plus loin, une dizaine de bâtiments jaune et bleu. A part ça ? Le calme plat. Perdu dans les forêts du Småland, une région désolée du sud de la Suède, Älmhult semble en hibernation permanente. Il y a bien deux pizzerias-kebabs et un improbable «lounge bar» aux lumières tamisées pour 8 000 habitants. Mais, comme le dit le barman devant son comptoir désert : «Ici, on a plutôt envie de démonter le paysage pour mettre à la place les rues de Stockholm.»

Oubliez la cohue du samedi chez Ikea. C’est dans le silence de ce hameau tristounet que le géant du mobilier orchestre sa conquête du monde. De Moscou à Shanghai, en passant par le Koweït, ses 301 magasins se suivent et se ressemblent. Mêmes articles affublés de noms scandinaves, mêmes assiettes de saumon mariné au restaurant, mêmes prix imbattables. Et la planète en redemande. Ces dix dernières années, la multinationale a triplé son chiffre d’affaires, pour atteindre 21,2 milliards d’euros en 2008. D’après les calculs du cabinet Interbrand, la valeur financière de la marque Ikea avoisine les 7,3 milliards d’euros, plus que Zara ou Auchan. Et les profits ? Motus. Non coté en Bourse, le groupe ne les divulgue pas : il se contente d’un bref communiqué annuel sur le volume de ses ventes. «Je ne connais pas le montant des bénéfices, élude Jean-Louis Baillot, le patron de la filiale française depuis 1996. Mais la maison se porte bien, merci.» On peut le croire : d’après des sources internes, sa rentabilité atteindrait près de 10%, quand la moyenne du secteur est de 4%.

A l’origine de cette réussite en chêne massif, il y a l’audace et l’obstination d’un certain Ingvar Kamprad. En 1943, ce fils de commerçants, tout juste âgé de 17 ans, a commencé par vendre des stylos, des briquets et autres babioles aux fermiers du coin. Pressentant que le commerce du meuble offrait plus d’avenir, vu les quantités de pins et de bouleaux alentour, il s’est ensuite tourné vers la fabrication de canapés et de commodes. Du classique, au départ. Jusqu’à ce qu’il tombe en 1956 sur un livreur pressé, qui sciait les pieds d’un fauteuil pour le charger plus facilement dans son camion. La révélation ! A compter de ce jour, Kamprad a découpé tous ses articles en pièces détachées afin d’optimiser ses coûts logistiques. A charge ensuite pour les clients de les monter eux-mêmes. En échange, ils les paieraient moins cher

Cinquante ans plus tard, cette promesse constitue toujours le socle du système Ikea. «Plus le colis est plat, plus nos coûts de transport sont réduits. Et vous en bénéficiez directement», martèle le catalogue. Quant à Ingvar, comme l’appellent ses collaborateurs, on le dit retiré des affaires depuis 1986. En réalité, à 83 ans bien sonnés, ce richissime retraité n’a pas décroché. Avec ses éternelles lunettes de maître d’école et son sous-pull en acrylique, il continue de veiller au grain. En juin dernier, c’est lui qui a choisi le nouveau président, Mikael Ohlsson, un manager à poigne. «On croise souvent Ingvar dans les couloirs, glisse une cadre française installée en Suède. Des dimensions d’un canapé à la couleur d’une chaise pliante, il donne encore ses consignes sur tout.» Pas illogique : Ikea a beau compter aujourd’hui 128 000 employés, le business-plan n’a quasiment pas changé d’une vis depuis les débuts.

Dans l’esprit du fondateur, les produits doivent être à la fois «fonctionnels, agréables à regarder et surtout économiques». Mais par quel miracle ce sorcier suédois parvient-il à proposer ce sofa de bonne facture à 179 euros ? Ou cette armoire plutôt solide à 47 euros ? «Je me le demande, confie un artisan parisien du faubourg Saint-Antoine, un brin admiratif. Si je pratique les mêmes tarifs, c’est simple : je mets la clé sous la porte.»

Pour percer le mystère, il faut remonter la chaîne de production. Première surprise : derrière la mention «Ikea of Sweden», le leader mondial du prêt-à-monter ne fabrique en vérité que 10% de sa gamme. Et encore, pas chez lui : ce sont ses usines polonaises et slovaques qui débitent au kilomètre de l’étagère de cuisine. A côté de cette fabrication en propre, le groupe fait turbiner une armée invisible de 1 400 sous-traitants dispersés dans le monde. Parmi eux, une majorité de Chinois (21% de la production) pour les bougies odorantes, les porte-revues et autres accessoires ; des Indiens, pour le linge de maison ; des Roumains et des Bulgares pour les canapés… «Le choix d’un prestataire n’est pas seulement lié au coût de la main-d’œuvre, assure Kurt Kraeuter, du département marketing. Nous veillons aussi de près au respect des droits de l’homme et aux normes environnementales.»

Vu du côté des fournisseurs, les acheteurs d’Ikea sont surtout connus pour leurs redoutables techniques de négociation. D’emblée, ils font miroiter de «gros volumes» pour des contrats fermes de trois à cinq ans. Mais à des tarifs inférieurs au marché. «Ensuite, nous laissons notre interlocuteur cogiter, confie Per Stigenius, responsable de la ligne mobilier de bureau. S’il accepte nos conditions, c’est qu’il peut devenir un partenaire sérieux.» Traduire : dévoué à Ikea. Pour les produits très vendus en France, comme les caissons de cuisine ou les matelas, les sous-traitants d’Europe de l’Est sont même priés d’emballer la marchandise et de planifier les livraisons directes en magasin, sans passer par les deux entrepôts de Metz et Lyon.

Leurs obligations ne s’arrêtent pas là. Cantonnés au simple rôle d’exécutant, ils doivent aussi suivre à la lettre le cahier des charges imposé par Ikea. Car la conception, elle, est 100% suédoise. A Älmhult, les 73 designers sont un peu les vedettes du village. Diplômés des meilleures écoles européennes, ces émules de Philippe Starck et d’Andrée Putman ont leurs portraits géants dans le hall d’accueil et ne chôment pas. La direction ne se contente pas de leur commander un luminaire «pratique et tendance» pour la rentrée : elle exige qu’il soit empilable ou démontable, afin d’en entasser un maximum dans les camions. Même les bocks de bières sont renflés de l’intérieur, pour qu’ils s’encastrent les uns dans les autres. «J’ai bossé des mois sur

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