Le selfie permet-il de construire son identité à travers la conscience de soi ou bien est-il simplement un masque ?

De nombreuses méthodes ar0s0ques existent aujourd’hui pour représenter notre moi. Se représenter signifie se confronter aux regards d’autrui car qui de mieux placé que la personne me regardant à un instant précis pour représenter mon image ? De ce fait, on emploie de nos jours le selfie qui est une pra0que qui consiste à se photographier avec son téléphone, ceBe dernière pouvant renvoyer à une aEtude semblable à la contempla0on de soi-même dans un miroir. Les québécois ont d’ailleurs francisé le mot « selfie » par « égoportrait », accentuant donc ici le caractère « tourné vers soi » du selfie.

Le selfie a-t-il pour fonc0on de révéler, de recréer ou de dissimuler notre moi ? Le selfie est-il alors présenta0on ou re-présenta0on de soi ? Le selfie permet-t-il de construire son iden0té à travers la conscience de soi ou bien est-il simplement un masque ?

Premièrement nous aborderons la différence entre l’autoportrait et le selfie, deuxièmement le selfie et son rapport au narcissisme et enfin la pra0que sociale du selfie.

Se représenter soi-même est une pra0que très ancienne, par0culièrement en peinture, notamment à la Renaissance, mais aussi en photographie. Dès 1839, alors que la photographie vient tout juste de voir le jour, plusieurs photographes se sont essayés à l’autoportrait. Hippolyte Bayard et Robert Cornelius en sont des pionniers. La pra0que de l’autoportrait devient de plus en plus célèbre et au début des années 2000, alors qu’Internet s’installe pe0t à pe0t dans les foyers et que les téléphones portables possèdent alors des appareils photos, les premiers selfies font leur appari0on. Selfie et autoportrait ont ainsi beaucoup de similitudes : ce sont tous deux des auto-représenta0ons où l’on y voit une ou plusieurs personnes. Alors, pourquoi avoir créer un nouveau terme pour opérer une dis0nc0on ? Qu’est-ce qui différencie l’autoportrait du selfie ?

L’autoportrait se caractérise par son aspect travaillé et mis en scène, le selfie, lui, se démarque par son instantanéité. Il est toujours pris sur le vif, sans prépara0on (cependant il nous arrive de nous y reprendre à plusieurs fois : on regarde le résultat puis on recommence, jusqu’à être sa0sfait. C’est donc une image spontanée mais contrôlée). Le selfie a également un aspect embléma0que, l’aspect « pris à bout de bras ».

On remarquera que l’autoportrait présente un paradoxe : le sujet photographié ou peint n’a jamais pu voir de ses propres yeux la scène contrairement au selfie qui renvoie à une no0on de miroir. L’appareil est u0lisé comme un miroir, tendu à bout de bras. L’auteur du selfie est à la fois photographe et objet photographié

Si nous revenons à l’histoire, dans les années 50 la photographie est de plus en plus populaire et une inven0on voit le jour : le retardateur, né du désir du photographe de ne plus être uniquement la personne à l’origine de la prise de vue mais d’y par0ciper et d’en être également le sujet

Par ailleurs, le selfie ne peut pas seulement être lié au besoin d’être à la fois photographe et photographié, sinon le retardateur aurait été suffisant. Le selfie est donc valorisé pour son côté immédiat et surtout spontané. Il renvoi à un autre besoin, le besoin d’instantané et ceBe dernière caractéris0que qui le dis0ngue de l’autoportrait.

Le selfie est donc une photographie spontanée et instantanée de soi par soi-même, née du désir du photographe d’en faire par0e.

Le selfie permet de contrôler l'image qu'on souhaite donner de soi-même. On réalise généralement une image flaBeuse de soi-même, on s'embellit au détriment de la réalité pour avoir une meilleure es0me de soi. Le selfie est donc une image de soi par soi, prise sous une impulsion spontanée et dans l’inten0on, généralement, de se montrer aux autres. C’est pour cela que la principale cri0que à l’égard du selfie est son rapport au narcissisme. Dans le mythe de Narcisse selon Ovide, Narcisse « se désire lui-même : il est l’amant et l’objet aimé », il se rencontre pour la première

fois dans son propre reflet. Donc le narcissisme dans Ovide n’est pas d’abord le fait d’être amoureux de soi-même, mais d’être amoureux d’une image qu’on éprouve comme autre que soi-même

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