Fiche de lecture - La culture du pauvre, Hoggart
Fiche de lecture : Fiche de lecture - La culture du pauvre, Hoggart. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar msiuol • 5 Avril 2025 • Fiche de lecture • 1 665 Mots (7 Pages) • 22 Vues
La culture du pauvre, Hoggart - 1957
Richard Hoggart, La culture du pauvre, Étude sur le style de vie des classes populaires
en Angleterre, Paris, Éditions de minuit, 1970 (1957) 🡪 préfacé par JC Passeron
→ Chapitre 3 : « eux et nous »
1/ Que signifie l’expression « eux et nous » dans le contexte particulier des classes populaires
Britanniques décrites par Hoggart ? Le rapport des classes populaires aux classes dominantes est-il similaire à celui que décrivait Bourdieu dans La Distinction ?
Hoggart introduit son enquête par la distinction opérée par les classes populaires entre « eux » et « nous ». Cette expression souligne une division tant symbolique que pratique de la représentation faite du monde social. Cette vision résulte pour Hoggart du mécanisme d’opposition dans la constitution et l’évolution des groupes sociaux. Ainsi, « eux » sont ceux qui nous font éprouver un sentiment de différence, avec qui n’est pas partagé le même espace social. « Le monde des autres est un monde inconnu et souvent hostile […] (qui) se désigne d’un mot : eux ». De la sorte, on peut estimer que « le monde » représente aussi bien les valeurs morales, comme les pratiques ou les manières d’interagir partagé par un groupe dans ses institutions (ici, la famille et le voisinage) ; « les autres » prennent le sens d’étrangers. Plus généralement, cet espace social s’étend dans les faits comme espace géographique, en témoigne le localisme des classes populaires anglaises. Cette distinction se trouve aussi très vite dans La culture du pauvre recoupée par la notion de classe : « eux » sont ceux dont on ne partage pas la classe. Cette superposition parait avant tout empirique ; ce qui importe reste le fait de partager et de conserver un rapport au monde social commun, à l’instar de ceux qui ont accédé à une position sociale supérieure, de fait, mais intégrant le « nous », ils sont tolérés dans la mesure où ils ne renient pas les habitudes et leur esprit populaires, ont conservé ce qui se joue dans le « nous » (« bien qu’il soit de toute évidence de l’autre côté »). C’est en quelque sorte le degré d’horizontalité qui détermine ce qui procède de l’appartenance au groupe. La question prend dans l’enquête, au-delà de la catégorisation, le sens de domination de manière exacerbée spécifiquement dans les classes populaires ; le « eux » prend la forme de « ceux du dessus », des classes dominantes.
Cette conscience de ce statut social subalterne, se traduit par le sentiment de « méfiance » envers les institutions publiques, les fonctions et métiers relatifs au patronat ou diplômés (« savants »)…, qui semble matérialiser la rupture de confiance qu’on peut supposer à la base de l’opposition eux/nous, de l’opposition avec les classes supérieures. Hoggart trouve dans cette distinction une vertu défensive. Cette distinction semble se renforcer d’autant plus que la connaissance des « autres » par les classes populaires anglaises se font souvent dans des institutions où les rapports se trouvent initialement déséquilibrés et où l’autre est surtout une figure d’autorité (exemple du juge, ou des agents administratifs…). C’est ainsi qu’il explique le rejet, la moquerie et la déférence à l’autorité lorsque celle-ci est prégnante et appuie la distinction eux/nous (par exemple dans l’armée). La figure du bourgeois fait l’objet d’une haine comme pour sentir et faire sentir son apparence plus pleine.
Au sens de Bourdieu, la distinction prend son sens en tant que « eux » correspond à ceux dont on ne partage pas l’habitus. Les classes populaires entretiennent effectivement un rapport symbolique et physiques distanciés aux classes supérieures ; l’entre soi (familialisme et localisme) du groupe est majeur d’après Hoggart. En revanche, ses propos s’opposent au schème proposé par la distinction. Hoggart insiste sur le caractère propre et relativement autonome de la culture populaire, ses spécificités et son appropriation des objets culturels. Il met en exergue les déclinaisons qui ne sont ni simplement ce que ne sont pas les classes supérieures, ni une expression dégénérée, pauvre d’une pratique « légitime ». L’exemple de l’attachement à des objets de valeurs en dépit de la pauvreté infirme l’idée d’un pur goût de nécessité des classes populaires. Encore, l’insensibilité à la violence et la robustesse à travers un parler franc selon un exemple, qualifiant les classes populaires repose pour Hoggart sur une vision tronquée de la réalité ; cette catégorisation en opposition aux classes supérieures se fait sur la base de leur regard situé tandis qu’Hoggart y trouve des conditions pratiques (conditions de travail en particulier).
2/ Donnez quelques éléments caractéristiques du style de vie des classes populaires britanniques, qui en font une culture spécifique, à part.
Hoggart insiste longuement sur les conditions de vie des classes populaires anglaises qui historiquement imposées comme contraintes ont déterminé leur appropriation de certains objets culturels et font d’elles une classe avant tout ouvrière. D’abord, à la méfiance décrite, s’ajoute de manière complémentaire l’importance de la sociabilité familiale, de voisinage et au travail qui prend la forme d’un familialisme et d’un localisme. Les classes populaires observent leurs propres lieux de sociabilité (clubs ouvriers, bistro du coin par exemple) où priment « l’ambiance ». Plus précisément, elles s’appuient selon Hoggart sur une solidarité importante, dans la mesure où il existe une nécessité de pouvoir compter sur ses pairs. En cela, il explique qu’il existe un certain conformisme. On peut également penser à une socialisation plus collective, dans l’exemple de l’éducation sexuelle importante hors du cadre parental, davantage dans des sociabilités amicales. Ainsi, cette solidarité semble s’inscrire dans une culture de « la débrouille », celle qui permet d’avoir la certitude de pouvoir compter sur le « nous » ; le non-recours aux administrations ou le refus de dettes l’illustre. En cela, et sachant que le contrôle social est, on l’a dit, important d’après Hoggart, il y a un forme enjeu de la « respectabilité » selon ses mots. Celle-ci tient dans l’aspiration à une certaine autonomie et sur la capacité à subvenir indépendamment à ses besoins, en particulier de sa famille étant une institution centrale. Celle-ci se fait sentir lorsqu’elle prime sur d’autres considérations morales (e.g. tolérance conditionnelle de la prostitution).
...