Cygne noir Taleb

Texte numéro 3 : le cygne noir Taleb

Entre 2007 et 2010, la perte cumulée des 100 plus grandes banques mondiales s’élève à 1740 Milliards de dollars soit le double du PIB africain en 2008. La crise des subprimes est un évènement qui s’est propagé sectoriellement et géographiquement, et n’a pourtant pas été anticipée par les plus grands experts financiers ; c’est ce qu’on pourrait appeler un « cygne noir ».

Un cygne noir désigne un évènement caractérisé par son fort degré d’imprévisibilité et par les conséquences importantes qu’il peut avoir.

Taleb, philosophe et statisticien théorise ces « cygnes noirs » et tente d’expliciter notre rapport à la connaissance. Il développe la thèse selon laquelle l’histoire n’est pas prévisible, et que l’histoire est plutôt déterminée par les évènements extraordinaires et opaque que les humains pensent être en mesure d’expliciter.
L’opacité d’un évènement est caractérisée par sa difficulté à le comprendre.

Dans cet extrait du Cygne Noir (2011), Taleb décrit les causes de cette non compréhension et de ce manque d’appréhension du phénomène. Si ce sont les cygnes noirs qui conduisent l’histoire du monde, alors nous pouvons questionner la légitimité des individus qui semblent pouvoir prédire l’évolution de nos sociétés à travers des lois, des phénomènes scientifiques…
Nous étudierons alors aujourd’hui quelles sont les causes de ce caractère imprévisible, et les enjeux que cette théorie pourrait avoir notre perception du monde, notamment celles des scientifiques, et de ceux qui semblent se revendiquer apte à appréhender ces faits.

Pour cela, nous étudierons dans un premier temps l’explication de ces cygnes noirs et enfin les conséquences de cette théorie sur notre perception de la science.  

1. Le rapport humain à l’ensemble des évènements qui surviennent au fil des années

A) L’ignorance collective face à l’histoire.

Un cygne noir intervient lorsqu’il existe un décalage entre ce que l’on pense et ce qui est. Cette apparition est caractérisée par un excès de confiance en notre connaissance qui, pour Taleb est loin d’être justifiée. En effet, pour lui, nous avons une tendance à trouver des explications très simples à des évènements qui nous dépassent. Mais nous manquons de connaissance lorsqu’il s’agit d’évènements rares. La découverte d’un cygne noir en Australie au 19ème siècle fut extraordinaire car auparavant le cygne noir désignait une observation jamais faite. Les cygnes étaient tous supposés blancs. Aujourd’hui, l’existence de cygne noir n’a plus rien de surprenant. Nous pouvons noter que cet exemple se rapproche de la théorie inductiviste de Popper. En effet, une théorie est vraie à partir du moment où elle est réfutable pour Popper. Or Taleb ajoute que la réfutation, ou en d’autres termes la falsification est ce qui est imprévisible, et que nous avons tendance à accepter trop facilement que tous les cygnes sont blancs. Par exemple, l’imprévisibilité de la crise des subprimes est un cygne noir, tandis que l’ensemble des individus ont été aveuglés par le climat prospère qu’entraînait l’accès à la propriété de milliers de ménages.

B) Le triplet de l’opacité : une facette de la psychologie humaine.

Taleb met en lumière dans son texte le concept « du triplet de l’opacité ». Ce triplet de l’opacité est un des facteurs dominants qui permet l’apparition de cygnes noirs.
• Premièrement, nous avons l’illusion de comprendre le phénomène. Dans son texte il prend l’exemple d’un phénomène historique. Ainsi, nous ne serions pas capables par exemple de comprendre les explications profondes de certains phénomènes historiques comme la crise des subprimes. Dans le texte, il utilise une métaphore de la boîte noire pour illustrer le fait que nous savons ce qui rentre et ce qui sort de cette boîte noir, mais nous ne savons en rien les mécanismes de transmission qui interviennent au sein de la boîte noire.
• Deuxiemement l’analyse rétrospective nous mène à déformer les évènements et à oublier de multiples facteurs qui pourraient en réalité mieux expliquer certains cygnes noirs. Il est toujours plus simple d’analyser une situation avec du recul que lorsqu’elle est vécue présentement. Nous pouvons par exemple citer l’exemple de la seconde guerre mondiale.
• Enfin, il questionne directement la légitimité de ce qu’on pense vrai car expliqué par des « experts » puisque l’histoire n’est pas déterminé par des lois générales et fréquentes mais par des évènements rares ayant des conséquences bouleversantes et souvent de longue durée.

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