L'élection est-elle démocratique
Dissertation : L'élection est-elle démocratique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mélin François • 11 Mai 2020 • Dissertation • 1 704 Mots (7 Pages) • 582 Vues
Sujet 1 : « L’élection est-elle démocratique ? »
« La France n’est point et ne peut pas être une démocratie. » L’abbé Sieyès prononce cette phrase lors d’un discours à l’Assemblée nationale constituante, le 7 septembre 1789. Il est surprenant que l’un des pères fondateurs de la Révolution française, penseur de la souveraineté nationale et farouche opposant de la monarchie, rejette si violemment la démocratie. Pourtant, les républiques issues des révolutions du XVIIIème siècle se sont construites en opposition avec le modèle athénien, qu’elles considéraient impossible à appliquer dans les sociétés modernes. Le peuple, trop occupé à ses affaires privées, ne pourrait consacrer le temps nécessaire à la chose publique. La démocratie entraînerait nécessairement le morcellement de la société en communautés suffisamment petites pour s’autogérer, et précipiterait ainsi la chute de l’État. Face à cette promesse d’anarchie, les révolutionnaires proposèrent que la Nation souveraine déléguât son pouvoir de faire la loi à des représentants. Ils seraient désignés par la communauté des citoyens, la Nation, au cours d’élections librement disputées. La mise en concurrence des candidats garantirait alors que seuls les plus compétents et les plus déterminés puissent incarner la souveraineté nationale. Ainsi naquit le système représentatif. Depuis l’œuvre fondatrice des révolutions du XVIIIème siècle, le terme « démocratie » paraît avoir été vidé de sa substance. Dans le monde contemporain, ce mot ne désigne plus seulement un système politique « du peuple, par le peuple et pour le peuple », repoussoir pour les anciens républicains, mais agrège également un ensemble d’idéaux. La démocratie est aujourd’hui triomphante sur le plan idéologique. Elle s’étend aux pays en développement, non sans faire l’objet de syncrétisme, comme le mettent en avant les travaux de Bertrand Badie. La démocratie est valorisée comme le meilleur système politique qui soit et prescrite par les organisations internationales, notamment l’Organisation des Nations Unies. Certains régimes peuvent donc choisir d’adopter le vocabulaire et les apparences de la démocratie pour mieux légitimer leur pouvoir. La recherche de sa définition réelle n’en est que plus complexe. Le mot « démocratie » est polysémique et sa définition est en soi un acte politique. En témoignent les nombreux qualificatifs qui l’accompagnent : « représentative », « directe », « semi-directe », « populaire », etc. Ainsi, qualifier de « démocratie directe » un système politique où le peuple voterait ses lois plutôt que d’élire des représentants consiste à considérer le système représentatif comme la norme démocratique. En effet, c’est sous sa forme représentative que la démocratie a connu son expansion à travers le monde. L’élection de représentants semble être une caractéristique commune à toutes les démocraties contemporaines, plus encore que le libéralisme politique, la liberté d’expression ou le principe d’égalité. Presque toutes les démocraties ont donc adopté le système représentatif comme moyen d’exercer le pouvoir et d’assurer la souveraineté nationale. Le fait que le peuple choisisse ses gouvernants par l’élection est aujourd’hui considéré comme un élément central de la démocratie, finissant de l’assimiler au système représentatif. S’interroger sur le caractère démocratique de l’élection revient à se poser la question du rapport entre la démocratie et le pouvoir du peuple délégué à des représentants élus.
Or, si l’élection de représentants est la forme actuelle de l’exercice démocratique, elle paraît incarner une « démocratie différée » (E.Balibar), nécessairement partielle. Tout d’abord, l’élection de représentants semble nécessaire à l’existence des démocraties contemporaines. Toutefois, elle n’est pas, à elle seule, une condition suffisante de la démocratie, qu’elle peut trahir, et dont elle n’épuise pas toutes les formes.
- L’élection semble nécessaire à l’existence des démocraties contemporaines.
L’élection de représentants semble être une condition nécessaire à l’existence des démocraties contemporaines. Tout d’abord parce que les représentants permettent l’émergence d’un consensus, en incarnant la volonté générale. Dans les démocraties pluralistes, où ont lieu des élections disputées entre des candidats aux programmes différents, l’élection parvient à désigner un vainqueur, malgré les contradictions. Comme l’avançait déjà Jean-Jacques Rousseau dans le Contrat social, la volonté générale ne consiste pas en une addition des volontés particulières mais en leur dépassement, qui tend vers le bien commun. Ainsi, lorsque la décision de la majorité l’emporte sur celle de la minorité à l’occasion d’un vote, ne serait-ce que d’une unique voix, le principe majoritaire veut que la vérité se trouve dans la décision du plus grand nombre. Le candidat, même s’il n’a pas été élu à l’unanimité, ni même par un nombre important d’électeurs, est l’unique dépositaire de la volonté générale. Pierre Bourdieu y voyait le « coup de force symbolique » de la représentation, dans la capacité des élus à se présenter comme les dépositaires de la volonté de tous, après avoir été élus seulement par quelques-uns. Il s’agit d’une fiction nécessaire, que les gouvernants élus défendent, afin de mettre en avant leur fonction de représentation. Jacques Chirac déclarait ainsi lors de son discours d’investiture en 1995, « Je serai le président de tous les Français ». Les élus occupent donc une fonction de « tenant-lieu », de représentant de la volonté générale, octroyée par l’élection. L’élection permet le passage du conflit des idées, réglé par le processus électif, à une forme de consensus, grâce à la désignation d’un élu. Elle semble en cela éminemment démocratique.
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