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Sécurité Juridique

Commentaire d'oeuvre : Sécurité Juridique. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  27 Mars 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 552 Mots (11 Pages)  •  575 Vues

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Si l'on admet que l'État de droit est la discipline que s'imposent les sociétés qui l'ont choisi d'assurer la stabilité, la publicité et l'invocabilité des règles qu'elles reconnaissent comme s'appliquant aux relations entre les personnes, entre les institutions et entre les personnes et les institutions, on ne pourra manquer d'en déduire que l'objet même de toute entreprise juridique, qu'elle soit législative, administrative ou juridictionnelle, est d'introduire dans la vie sociale une dose aussi forte que possible de sécurité, dispensant les sujets du droit d'appuyer leurs revendications sur le seul usage de la force et les garantissant du sort incertain de leurs armes.

Le droit étant par conséquent d'essence sécuritaire, il paraît légitime de s'interroger, comme le faisait déjà le Professeur Boulouis dans un très pertinent article paru en 1987 1, sur le caractère quelque peu tautologique que pourrait revêtir l'usage, pourtant fréquent, que fait la Cour de justice des Communautés européennes du " principe de sécurité juridique ". Chargée de veiller au respect du droit dans l'application des traités communautaires, la Cour est, de ce fait même, investie d'une mission de sécurisation des relations juridiques fondées sur ces traités. Que peut-elle donc faire qui ne soit issu d'une recherche de la sécurité et quelle est par conséquent la fonction opérante du recours à ce principe aussi fondamental que difficile à cerner? Telles sont les questions auxquelles nous voudrions ici, à notre tour, apporter quelques éléments de réponse.

Il suffit de consulter les bases de données jurisprudentielles pour constater que le nombre de références dans les arrêts de la Cour à la sécurité juridique, dont le Professeur Boulouis avait relevé 64 exemples de 1967 à 1982, s'est considérablement accru depuis lors, surtout si l'on y ajoute les décisions du Tribunal de première instance, et que la progression ne fait que s'accentuer jusqu'à aujourd'hui, sans que la portée du principe soit pour autant beaucoup mieux définie.

L'approche statistique n'a toutefois pas grand intérêt, puisque les auteurs des recours articulent leurs moyens en tenant compte de la jurisprudence passée et préfèrent souvent ne rien omettre, ne serait-ce que pour faire bonne mesure. Il y a donc un phénomène que l'on pourrait qualifier d'" auto-inflationniste "; le fait que des arrêts mentionnent l'existence de moyens tirés de violations de la sécurité juridique ne révèle en lui-même aucun intérêt ni aucun dédain particulier de la part du juge envers un élément qui fait simplement partie du contenu de sa saisine et qui se retrouve dans sa décision à ce titre. Le rejet répété, même sur le fond, de moyens de routine relatifs aux exigences de sécurité juridique ne suffit pas à faire de celles-ci une composante clé de l'ordre juridique communautaire. Elles le sont pourtant; mais c'est d'une autre manière qu'il convient de le constater.

Nous commencerons par préciser les raisons pour lesquelles la spécificité de la construction communautaire et le rôle particulier que joue la Cour dans ce système rendent nécessaire une attention précise aux exigences de la sécurité de la règle. Nous décrirons ensuite certaines des modalités selon lesquelles s'exprime le principe - dont la plus connue est la confiance légitime. Nous évoquerons enfin les limites de cette approche et les perspectives qu'il paraît raisonnable de lui prêter.

I. La sécurité juridique comme nécessité impérative de l'ordre communautaire

La sécurité juridique existe comme principe autonome du droit constitutionnel de certains États membres, en particulier de l'Allemagne dont la Cour constitutionnelle déduit de ce principe des exigences de stabilité de l'ordre juridique et de prévisibilité de l'action de l'État. Elle existe évidemment aussi, sous forme plus diffuse ou plus répartie entre ses composantes, dans la jurisprudence des cours des autres États membres. Mais sa fonction est différente dans un ordre juridique national ayant vocation à la permanence et reposant sur une tradition établie et dans l'ordre juridique communautaire, qui est un ordre d'intégration entre des systèmes disparates, qui est d'essence évolutive, donc à contenu variable en termes de substance comme de procédures, et dans lequel la Cour de justice doit tant bien que mal faire office de vigie, de garde-fou, de stabilisateur et de dispositif " anti-retour ".

S'il est un besoin général de stabilité propre à tout système de droit, ce besoin est donc renforcé, dans l'ordre communautaire, par les trois facteurs que constituent l'objectif d'harmonisation des logiques juridiques des États membres, la méthode d'intégration progressive retenue dès l'origine, enfin les modalités d'organisation du contrôle juridictionnel.

Il découle en premier lieu du rapprochement entre les législations nationales à laquelle tend, dans son ensemble, le processus communautaire, que la norme communautaire doit être, pour employer les termes les plus couramment employés par la jurisprudence, " claire et précise ", " non ambiguë ", " certaine et d'application prévisible ". La clarté s'impose en effet particulièrement dans la rédaction de dispositions qui ont vocation à s'incorporer directement, et à créer des droits pour les particuliers, dans des systèmes juridiques nationaux qui conservent toute leur autonomie procédurale et qui reposent sur des notions et des principes qui, pour appartenir à la même famille culturelle, ne sont pas nécessairement identiques ni même toujours voisins; il suffit que l'on songe en particulier à la coexistence dans l'ensemble européen d'une tradition " civiliste " continentale et d'une tradition de " common law ", d'entrée plus récente dans la Communauté mais qui bénéficie de l'influence hégémonique des doctrines nord-américaines dans la sphère économique où réside l'essentiel des compétences communautaires.

Cette applicabilité directe d'une norme malgré tout exogène du point de vue de l'État membre peut donner lieu à un risque d'hétérogénéité dans l'application de la règle que la Cour a toujours considéré comme un danger majeur pour l'édification de l'Europe, sur lequel devait porter toute sa vigilance. Or il s'avère parfois

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