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Téléréalité, mise en scène et simulacre

Mémoire : Téléréalité, mise en scène et simulacre. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Octobre 2014  •  8 348 Mots (34 Pages)  •  928 Vues

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DOC 1 : Téléréalité, mise en scène et simulacre.

“Après une certaine éclipse des reality-shows à la fin des années 1990, on assiste aujourd’hui, sous l’influence des émissions de real TV américaine, au retour de ce type de spectacle. La part des anonymes dans les spectacles télévisuels ne cesse de croître.” Cette phrase de Luc Dupont pose bien les enjeux de la téléréalité : en un sens, elle consacre le triomphe de la banalité, de l’anonymat, des gens ordinaires. Elle est donc un indicateur non seulement sur les mutations de la télévision et des médias, mais elle est au centre des transformations qui affectent la société elle-même.

Vrai et Vraisemblable

Pour Luc Dupont, “Le discours de la téléréalité est d’autant plus important qu’il est omniprésent […] et qu’il suggère généralement la vraisemblance de l’histoire racontée tout en rendant très humains les personnages”. En cherchant à décrire la vie quotidienne tout en la scénarisant selon une logique mélodramatique caractérisée souvent par le pathétique, le sentimentalisme et l’insertion de situations invraisemblables dans une réalité qui se prétend authentique et vraie, la téléréalité reprend en effet le schéma des sitcoms en présentant des personnages outrés dans des situations réelles pour amuser, émouvoir ou scandaliser le grand public. On montrera par exemple le choc des générations (Vis ma vie, Koh-Lanta), les relations entre les hommes et les femmes (Maman cherche l’amour, Le Bonheur est dans le pré), le statut social et la convivialité (Un dîner presque parfait), les styles de vie (Chéri, je change de famille ; Super Nanny), les besoins primaires (C’est du Propre !), la sexualité (Next), etc.

Les émissions de téléréalité traitent donc de thèmes qui interpellent directement les gens dans leur vie quotidienne selon des mécanismes d’identification, de projection et d’appartenance sociale très stéréotypés : les situations présentées sont en effet d’autant plus acceptées par le public qu’elles sont banales et qu’elles mettent en scène selon une logique narrative (le but est de “raconter une histoire”) des individus très sociotypés aux tendances comportementales clairement identifiables et souvent manichéennes : le méchant, le gentil, le pauvre, le riche, le radin, la femme fatale, la provocante, la dépensière compulsive, etc.

Le schéma actantiel de la téléréalité

Le “rôle” des personnages dans la téléréalité est essentiel et l’on pourrait étudier ici ces émissions selon la logique du modèle actantiel proposé par Greimas à la fin des années 60. Ce modèle permet d’étudier dans une histoire (réelle ou thématisée) l’ensemble des forces (les “actants”) qui structurent l’action. Appliqué à la téléréalité, le schéma actantiel offre des perspectives très intéressantes : la Real TV fonctionne en effet selon une logique “actantielle” proprement conflictuelle : on peut étudier l’ensemble des rôles (les actants) et des relations qui ont pour fonction d’organiser le scénario : un personnage anonyme et banal à la base [le sujet] devient ainsi le héros qui doit accomplir une “mission”. Celle-ci consiste à parvenir à l’élimination d’un problème, d’une difficulté, d’un manque (se relooker pour plaire, séduire, acheter un appartement, s’enrichir, etc.). Il poursuit donc la quête d’un objet, réel ou symbolique (voir à ce sujet la pyramide des besoins de Maslow). Les besoins non réels sont à mon sens les plus importants dans la téléréalité parce qu’ils renvoient au désir d’intégration, d’appartenance sociale, d’estime de soi, d’accomplissement, si essentiels dans la société de consommation.

On doit également étudier ce qui pousse le sujet à agir ainsi (le destinateur dans le schéma de Greimas) : cela peut être une personne réelle, mais le plus souvent il s’agira d’un sentiment, d’une idée : le désir d’être reconnu, d’accéder à la célébrité par exemple. Quant au destinataire, c’est l’élément en faveur de qui la quête doit être accomplie : il est donc mis en valeur à la fin de l’émission. Ainsi dans Secret Story oul’Île de la Tentation, pour ne citer que ces deux émissions, on cherchera à retarder au maximum la révélation de l’objet recherché par le sujet afin de dramatiser les enjeux de la quête. Dans les émissions de téléréalité, on peut également observer facilement la confrontation du héros avec les personnages, événements, ou objets positifs qui l’aident dans sa quête (les adjuvants), ou au contraire qui cherchent à en empêcher la progression (les “opposants”). Le rôle des opposants et des adjuvants est essentiel dans la téléréalité parce qu’il met en jeu la dynamique des points de vue. Il n’y a pas “un” schéma actantiel mais bien entendu plusieurs selon la subjectivité et l’arbitraire de la caméra, des participants, des spectateurs, etc.

La “théâtralisation” du réel : l’opposition du profane et du sacré

C’est cette logique de mise en scène, à la fois théâtrale, dramatique et proprement conflictuelle qui fait l’intérêt de la téléréalité : le spectateur peut ainsi s’évader de son quotidien et vivre, parfois en direct, une aventure largement fictionnalisée qui s’apparente à une quête, et dont il aura l’impression de décider du déroulement. François Jost (dans La Télévision du quotidien entre réalité et fiction) a montré combien la téléréalité permettait un passage du profane au sacré. Selon lui, “cette relation du profane et du sacré est devenue un trait obligé de cette télévision de jeux de rôles”. De fait, la téléréalité est basée sur la “mise en scène” et la spectacularisation de l’événement. Prenons le cas de Secret Story : comme dans la citrouille-carosse du conte, le banal est transformé selon un archétype symbolique qui valorise l’espace sacré en isolant les candidats du reste du monde. Cette logique se retrouve également dans Koh-Lanta où les lieux sont souvent marqués par des symboles de consécration des territoires (les “Tayak” rouges et les “Mingao” jaunes) et des épreuves initiatiques selon un calendrier sacré et ritualisé (les épreuves, le conseil, etc.).

On pourrait aussi insister sur l’importante fonction totémique de certains objets ou logos. Dans Koh-Lanta par exemple, les tribus, conçues en fonction de l’âge des participants, sont à la base d’un scénario initiatique : celui qui a gagné l’épreuve d’immunité reçoit un “totem” empreint d’une forte dimension symbolique : non seulement il représente le logo,

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