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Fiche de lecture Philippe Bourgois

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Par   •  8 Février 2021  •  Fiche de lecture  •  3 122 Mots (13 Pages)  •  1 347 Vues

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Philippe Bourgois est professeur d'anthropologie et de médecine familiale et de la communauté à l'Université de Pennsylvanie1 aux États-Unis, né en 1956. Père et résidant aux Etats-Unis, à East Harlem, dans des conditions de vie précaire, un immeuble en ruines, il nous fait dans cet acte de la recherche en sciences sociales le récit d’Une nuit dans une "shooting gallery" [Enquête sur le commerce de la drogue à East Harlem], tiré de son ouvrage En quête de respect, le crack à New York, appuyé sur 5 années d’enquête de terrain et d’observation participante auprès des dealeurs. Il va raconter en détail les événements de cette nuit, retraçant son parcours, donnant ses impressions, décrivant au mieux les acteurs, et donnera ensuite le fruit de sa réflexion et de ses observations quant à la culture et à l’économie de la rue.

L’anthropologue commence par nous expliquer le contexte de ces expériences : son quartier précaire, habité par des salariés pauvres, et composé majoritairement d’afro-américain, de migrants, mais connu pour être typiquement le quartier des portoricains. Il commence sa soirée là-bas, à East Harlem. Il s’engage avec une connaissance, Mickey, pour sortir acheter de la drogue à ce dernier. Ils se rendent ensemble, croisant des héroïnomanes et commençant déjà à dresser leur portrait, à un « copping corner » (une zone de vente pour l’achet de drogue). Ils vont tomber, à leur première destination, sur les policiers, qu’ils éviteront en essayant de se faire discret. Il explique les rafles policières étaient toujours plus régulières, due à la médiatisation croissante de la situation de ces quartiers, et décrit ces agents comme frustrés, violents, passant leur hargne quant à leurs maigres salaires sur ceux qu’ils choisiront d’attraper. Il explique la situation d’un toxicomane qui les alpages plus ou moins pour leur soutirer une pièce comme celle d’un des plus grands perdants, assez bas dans la hiérarchie pour ne même pas être embaucher dans l’économie de la rue actuellement, soulignant déjà l’accessibilité de celle-ci. On relève aussi qu’il mentionne le fait d’avoir un ticket de métro dans sa veste, signe de richesse et d’extériorité par rapport à ce milieu. Les 2 hommes vont repartir à la recherche d’un point de vente, qu’ils trouveront, aiguillés par la voix d’une femme toxicomane. Il racontera alors aussi le cas de ces femmes dépendantes, mendiant et offrant des fellations pour 2 dollars, dans l’espoir d’en réunir 10 pour s’acheter une dose. Il mentionne également le fait que la mairie effectue au moment même une campagne anti-drogue sur un ton cynique, et on ressent déjà tout le manque d’action de la part des différentes couches du gouvernement, qui feraient presque semblant. Lui et Mickey finissent par parvenir à acheter la dose du dernier. Il détaille le fonctionnement d’un tel point de vente, la relation ironiquement scolaire et disciplinaires qu’instaurent les vendeurs en grondant les junkies pour qu’ils se rangent calmement pour attendre, tous ces acteurs ayant été et ayant rejeté le système éducatif. Il explique les différents rôles, les rabatteurs, les guetteurs, les vendeurs et les coursiers. Il souligne l’esprit d’entreprise de ces derniers, qui font efficacement et intelligemment leur travail. Il raconte la réaction des toxicomanes, lorsque le vendeur annonce qu’il n’y en aura pas pour tout le monde : des soupirs d’agacement, des gémissements, il se laisse même emporter par cette foule dans les grognements quasi menaçants. Lorsqu’il ramène son héroïne à Mickey, celui-ci est un nouvel homme : de junkie fatigué, souffrant, en manque, il passe à jeune homme gambadant, sûr de lui, énergique. Mickey le guide alors jusqu’à une shooting gallery, endroit où viennent consommer les drogués, ensembles, appartenant plus ou moins à l’un deux. Aussi il se retrouve à le suivre dans un immeuble incendié, passant dans des trous dans les murs, jusqu’au refuge. Il explique que Mickey, qui est un habitué de l’endroit, lui propose immédiatement de le présenter comme son frère, car les blancs sont souvent soupçonnés d’être des flics en civil. Au final, toujours euphorique à l’idée de se shooter, Mickey entre dans le lieu en le présentant comme un ami. Philippe Bourgois est alors accueilli par Doc, le chef du refuge, 64 ans, qui directement, tente de le mettre à l’aise. On devine qu’il a le sens des affaires et, récoltant toujours un peu de sous des junkies venant se droguer « chez lui », cherche à le voir revenir au possible. L’anthropologue parle de bustling, c’est-à-dire le sens prolétaire de la débrouille. La conversation qui s’instaure est typique, elle porte sur des informations logistiques du milieu, dont Doc semble se nourrir pour les recracher à ses futurs visiteurs, sur les contrôles de flics de la soirée, les drogues vendues, leurs qualités… Maintenant installé dans ce lieu regorgeant de détails à relever, Philippe Bourgois va passer la soirée avec ces toxicomanes. D’abord, l’arrivée de 2 junkies : Slim et Flex. L’un le reconnait, l’intégrant d’autant plus, car il se trouvait derrière lui dans la file d’attente au copping corner. Il va observer les prises de drogues de chacun, relevant que bien sûr que, dans cet endroit délabré, les toxicomanes se partagent l’eau qu’ils utilisent pour faire leur mélange d’héroïne, de cocaïne, et qu’ils plongent leur seringue pleine de sang dans le même seau d’eau, propageant inévitablement des maladies catastrophiques telle que le sida. Il relève également, toujours à son poste d’observateur participant, la maitrise de ces junkies quant à se piquer, savoir comment et où le faire. Pour eux, il est logique que la prudence soit de bien se piquer pour ne pas perdre une goutte de sensation, et non pas de s’attarder sur l’hygiène.

Après sa dose, Mickey quitte le lieu, et Philippe reste seul ; il se le permet car ne se sent pas en danger immédiat. Aussi, il observe Doc nettoyer la table, le voit clairement reprendre la seringue de Mickey pour la reposer prête à l’utilisation, et observe, sûrement pas pour la première fois, différentes pratiques d’ingestion de différentes drogues, de différents mélanges. Il assiste à la scène d’un vieil homme, Pops, qui aide Slim, un jeune, à se piquer la jugulaire, et à celle de Doc, qui racle les sachets laissés par ses différents « clients » pour amasser une légère dose de coke. Doc tente par la suite de lui « donner » cette dose, pour évidemment lui soutirer de l’argent par la suite, pouvant alors moduler son prix. Philippe refuse, et un nouvel arrivant, Shorty, fais son apparition. Doc lui propose la même chose, mais cette fois, son attitude est différente, il tente moins de le brosser dans le sens du poil, et Philippe relève ici une autre trace du white privilege. L’ambiance entre les 2 se fait délicate, du au taux de coke dans le sang de chacun, qui les rend individuellement imprévisibles, puis se détend lorsque Shorty accepte de payer pour cette dose, et les deux finissent par s’arranger ensemble. L’anthropologue décrit alors un autre personnage, une femme, allongée dans un coin, presque entièrement couverte, qui geint d’extase répétitivement. Elle est sous mélange entre héroïne et coke ; un calmant et un boost qui la plonge dans un état second, presque endormie, et pourtant intervenant avec perspicacité dans les conversations avoisinantes. Shorty, lui, prend également les deux drogues, puis se relaisse tenter par l’héroïne, qui prend le contrôle et le fait s’écrouler sur la table, renversant son équilibre. Slim et Flex, eux, tirent sur une pipe à crack en parlant. Doc se pique à son tour, au genou, la coke monte en lui, l’excite, et il s’agite dans la pièce, seringue à la main, causant une légère appréhension à l’observateur. Celui-ci assiste alors à un flash commun entre les toxicomanes, qui se mettent à tous converser ensemble, galvanisés par l’énergie de Doc. Il fait alors une comparaison entre la religion, ses fidèles et leurs « amen », et ces junkies qui d’un coup, s’insurgent collectivement quant au crack, aux drogués qui gâchent leur vie avec. Une déconnexion avec la réalité est ici cinglante.  Puis, c’est l’héroïne qui reprend l’ascendant sur le groupe, qui s’assoupit, se calme. Philippe décrit alors les conditions dans lesquelles ils vont passer la nuit : le froid, la bruine, qui passe par endroit à travers le toit incendié ; ce sont des conditions de SDF, qui vivent dans leur constante « méfiance agressive ». Il raconte que Slim, habitué bien que jeune, entame la préparation de sa nuit, sortant un lit, un semblant d’oreiller et de couvertures (sacs poubelles), une vieille BD, des bougies, et s’installe pour une dernière dose en lisant, visiblement son plaisir du soir. Doc va lui réclamer une bougie, cette fois à voix basse, lui dont le ton colérique et autoritaire fait parti intégrante de sa personne. Les bougies, seule source de lumière, sont une denrée précieuse. Doc demande de l’aide à Philippe pour installer cette dernière, que celui-ci s’empresse de prendre, pour aider et gagner le plus de lien possible. Toujours avec son agressivité omniprésente, Doc lui cherche une bonne place, s’occupe de lui, le reçoit le mieux possible. Par la suite, Flex, après une remarque de Doc sur son incapacité à se mettre à détruire une plaque de contreplaqué qui pourrait faire le feu, va sortir avec un tuyau de fer et ladite plaque, et se mettre à violemment la frapper pour la mettre en morceaux. En pleine montée de coke et donc d’énergie, il va frapper longtemps et fort, faisant un bruit infernal qui va inquiéter les toxicomanes. Le bruit pourrait attirer la police, et Philippe, lui, considère la probabilité que Flex, défoncé, se mette à frapper autre chose avec ce tuyau. Tous les effets paranoïaques de la cocaïne dans le sang de chacun se mettent à affluer, et l’anthropologue ne se sent plus vraiment serein. Mais Flex finit par réussir, et les junkies se calment tous, le félicitent même. Philippe Bourgois fait la remarque de son agacement quant à son incapacité à distinguer la colère vraie et dangereuse des discours empathiques normaux. Dans un flash de coke, Doc se met en tête d’organiser des courses à la seule épicerie du quartier. Il ramasse les contributions de chacun, une habitude flagrante ressortant de son efficacité, et il propose à Philippe de lui payer une bière, toujours dans son esprit de commerce. Il fait donc « payer aux autres le prix de sa générosité ».

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