Précision Et Interprétation De La Loi pénale

Dans son discours préliminaire au premier projet de Code civil, Portalis affirmait «qu’en matière criminelle où il n’y a qu’un texte formel et préexistant qui puisse fonder l’action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence».

Cette confiance en la loi pénale, doublée d’une certaine défiance envers le juge répressif, porte l’empreinte de l’esprit du début du 19ème siècle. L’interprétation de la loi, c’est à dire l’opération qui consiste à discerner le véritable sens d’un texte obscur, s’avère parfois indispensable car elle permet au juge, tenu de statuer, de rechercher le sens d’un texte rédigé en termes généraux afin de l’appliquer à des situations particulières. Lors de la réforme générale du code pénal de 1994, fut introduite l’article 111-4, donc à la suite immédiate de l’article 111-3 posant le principe de légalité des délits et des peines, une règle qui traduit la jurisprudence antérieure et selon laquelle «la loi pénale est d’interprétation stricte». L’interprétation stricte de la loi pénale découle d’un principe directeur du droit pénal, le principe de la légalité criminelle. On voit qu’à travers l’interprétation stricte, le principe de légalité criminelle dirige l’application de la loi dans un souci de garantir l’ordre mais surtout les libertés individuelles.

Mais l’interprétation stricte de la loi ne pourrait pas être possible si le texte n’était pas précis. La précision est un des caractères de la loi pénale. Le texte répressif doit être précis c’est à dire définir clairement l’infraction et les sanctions qui s’y attachent. Cette exigence vient là aussi du principe de légalité criminelle car elle impose corrélativement que la loi pénale présente certaines qualités propres à protéger la liberté individuelle. Pour éviter l’injustice d’une répression arbitraire, l’incrimination ne doit pas être ambiguë, elle doit permettre de distinguer clairement le comportement punissable du comportement licite. Elle doit, autrement dit, établir précisément la règle du jeu pour qu’aucune autre interprétation de la règle soit possible. Le principe de légalité criminelle dirige donc également l’élaboration de la loi pénale.

Il y a donc un lien très particulier entre la précision de la loi pénale et son interprétation stricte. En effet, la loi pénale doit être précise, c’est un principe, et en même temps on nous dit qu’elle doit être interprétée strictement. Mais la loi n’est jamais assez précise, elle ne peut pas tout prévoir et donc il faut trouver un équilibre entre la précision possible de la loi qui a forcement ses limites et d’un autre coté les règles d’interprétation par la loi. L'intérêt du sujet est de voir comment le droit articule ces deux exigences destinées à garantir les libertés individuelles.

Il parait donc justifier de se demander de quelle façon la précision de la loi pénale influe-t-elle sur son interprétation? En d’autres termes, y’aurait-il un lien entre le caractère précis de la loi pénale et son interprétation stricte à travers le principe de légalité criminelle?

En ce sens, il est nécessaire de démontrer le corollaire entre ces deux notions et de démontrer qu’en réalité, la loi est suffisamment précise lorsqu’elle peut être interprétée strictement.

Le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale est le corollaire du principe de la légalité criminelle (I) et cela amène a un lien direct, le caractère précis de la loi exigée par le principe de légalité est le corollaire nécessaire à l’interprétation stricte de la loi (II).

Le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale: corollaire au principe de légalité

On peut affirmer que le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale est le corollaire au principe de la loi d’une part en analysant l’origine du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale (A) et d’autre part car le principe de légalité passe par la précision de la loi (B).

L’origine de l’interprétation stricte de la loi pénale

Pour commencer, l’interprétation stricte de la loi est le corollaire de la légalité criminelle. En effet, ce principe dirige entièrement le droit pénal et donc la loi pénale. L’essence de ce principe est simple, elle consiste à protéger la liberté individuelle en limitant la répression pénale. Cette répression repose sur des interdits dont l’étendue est la mesure de l’atteinte qu’ils causent à la liberté. Pour garantir cette dernière, le principe de légalité encadre la loi pénale et son application à bien des égards et c’est au niveau de son application que l’interprétation stricte de la loi pénale est essentielle. Il est vrai que l’interprétation stricte tire son origine de l’Ancien Régime. En effet, suite aux excès des juges, une grande défiance envers eux est née et il est apparu nécessaire, aux yeux du principe de légalité, de guider la mise en oeuvre de la loi pénale par le juge, qui ne doit pas trahir l’oeuvre normative. La loi pénale est l’émanation du peuple à travers le Parlement et donc le pouvoir créateur du juge doit être limité afin de lutter contre l’arbitraire répressif et garantir la liberté. La légalité suppose que la liberté est le principe alors que la répression est l'exception. C’est cette mission du principe de légalité qui impose que l’interprétation des textes soit stricte, la loi pénale pouvant amener à une privation de liberté ou à réduire les libertés fondamentales. Le juge pénal ne possède pas la légitimité du Parlement, il n’appartient pas au juge ni de déterminer, ni de définir les infractions. Il est le serviteur de la loi et il est donc logique que l’interprétation de la loi pénale soit stricte. Comme Montesquieu l’affirme, le juge doit être «la bouche qui prononce les paroles de la loi». L’interprétation stricte commande aux juges d’accorder aux textes répressifs leur portée exacte, sans rien ajouter ni retrancher mais pour cela, il faut une condition complémentaire ultérieure que nous verrons plus tard.

Parvenir à un équilibre entre l’ordre et la liberté ainsi que protéger les citoyens contre l’arbitraire des sentences pénales, les abus répressifs des juges sont les missions du principe de légalité criminelle et cela explique l’origine de l’interprétation stricte de la loi pénale. Cela été matérialisé dans le code pénal à l’article 111-4 «la loi pénale est d’interprétation stricte». Elle permet donc le respect de la

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