Point de référence psychanalytique dans l'ASE
Commentaire d'oeuvre : Point de référence psychanalytique dans l'ASE. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 24 Juin 2014 • Commentaire d'oeuvre • 2 753 Mots (12 Pages) • 655 Vues
Etre psychologue au référentiel psychanalytique à l’ASE, c’est être pris entre deux discours. D’un côté celui sur les « situations » « prises en charge » par les « référents » pour lesquels il s’agit de « placer », « sauvegarder », « protéger » « médiatiser » « dépister » des « usagers » qui signent un contrat, de l’autre un discours complément autre, où il s’agit de « sujet de l’inconscient », de « transfert », de « structure psychique », de « demande », le discours de la psychanalyse. Des discours au terrain, comment faire le psychologue avec de la psychanalyse ?
le social et l’individuel, quel pacte
Les profondes mutations dans la société actuelle se disent sur trois aspects importants dans le travail social :
• la déliaison sociale: un nombre impressionnant de parents qui n’arrivent pas à garder leurs enfants, tous ou partie, les 4, les 5 enfants
• la désinstitutionalisation : une inadéquation des moyens mis en œuvre parce qu’obsolètes (le manque de lieux d’accueil par exemple, assistantes familiales, familles d’accueil)
• la rationalisation : le nombre de lits en psychiatrie a baissé en moyenne de 5000 / an ces 20 dernières années[1].
Dans la cité, la désinstitutionalisation se traduit par un plus grand nombre de personnes avec des troubles psychiatriques, accueillies dans des familles d’accueil, chez des assistantes familiales. Lorsque la nécessité s’en fait sentir, parfois trouver une place en institution spécialisée apparaît comme une gageure. Cette organisation donne lieu à un éclatement du nombre d’intervenants et à des permutations de publics entre institutions.
La logique administrative aussi prend son tribut sous la forme aussi d’une tendance sociale : le contrat. Ces contrats apparaissent comme suppléance à la déliaison sociale et au vacillement symbolique dans la société, comme pour qu’un recours au droit, à la justice et à un arsenal de dispositifs et de professionnels, pallie notre manque à « être ensemble ». Mais ce recours permet parfois d’entériner des situations parfaitement toxiques et déstructurantes pour l’enfant qui se trouve être l’enjeu d’une relation particulière entre membres de sa famille, et pour qui, du coup, se brouillent les repères. Mlle P, vivant sans compagnon et avec son fils de 3 ans chez sa propre mère, est hospitalisée à Montperrin, l’enfant est confié à la grand-mère. En un an, les épisodes d’agitation de Mlle P se stabilisent, mais entre temps les décisions du tribunal ont « déchu » la mère de ses droits au profit de la grand-mère. La grand-mère est maintenant « tiers digne de confiance » dans les rencontres médiatisées entre la mère et le petit garçon. Les semaines passant, l’équipe prend conscience que le petit garçon se trouve être pris dans une relation de rivalité entre sa mère et sa grand-mère et que les choses telles que fixées par la loi, contribuent aux états d’agitation de Mlle P et, en présence de sa mère compliquent ses relations avec son enfant.
Que faire pour préserver tout de même l’enfant ? et la mère ?
Comment sans déroger à la loi – le tiers de confiance et les rencontres médiatisées sont ordonnées par le juge – permettre tout de même que quelque chose fasse tiers dans ce système familial ? Comment couper à la jouissance des deux femmes ?
L’axe de travail décidé en réunion de synthèse est de ménager autant que possible de rencontres entre l’enfant et chacune des femmes séparément.
Pour qu’existe un certain ordre du monde, le recours au droit a entériné un système de relations familiales qui fait impasse sur la succession des générations et la mort. Le contrat et le recours au droit ne résument donc pas toutes les dimensions des relations humaines
Le quotidien de la relation qui lie le travailleur social et l’usager en souffrance correspond à une dimension autre que celle du contrat. Les nombreux essais et erreurs de tâtonnements du contexte scolaire, professionnel, familial dans une recherche d’appuis, d’alliés, de quasi coalitions parfois, indiquent que par delà le contrat il y a du pacte. On cherche à s’assurer l’adhésion de tel dans la famille, le soutien de tel autre, voire à en évincer un quatrième, le tout soutenu par le désir et le discours des différentes parties en présence.
Et il y a un décalage entre la tentative de définir un cadre de travail nécessaire dans de telles circonstances, et la question fondamentale que pose tout être humain par ses actes et par ses symptômes : quelle est ma place dans mes relations familiales, sociales, dans l’ordre symbolique ?
Cette différence de niveau entre la réalité et les mirages imaginaires d’un côté et le Symbolique de l’autre, Lacan la situe du côté du nom-du-père : « Le complexe d’œdipe, veut dire que la relation imaginaire, conflictuelle, incestueuse en elle-même, est vouée au conflit et à la ruine. Pour que l’être humain puisse établir la relation la plus naturelle, celle du mâle à la femelle, il faut qu’intervienne un tiers, qui soit l’image de quelque chose de réussi, le modèle d’une harmonie. Ce n’est pas assez dire – il faut une loi, une chaîne, un ordre symbolique, l’intervention de l’ordre de la parole, c’est-à-dire du père, non pas le père naturel, mais ce qui s’appelle le père. L’ordre qui empêche la collision et l’éclatement de la situation dans l’ensemble est fondé sur l’existence de ce nom du père[2]. »
Cet écart entre l’artéfact de la demande institutionnelle et la réalité du terrain a ses effets, ceux de l’écart entre l’objet et le désir.
La psychanalyse peut-elle être d’un quelconque secours pour penser les mutations de la société ? Jean-Pierre Lebrun et Charles Melman relèvent ce défi. Dans « L’homme sans gravité[3] », c’est une actualisation de ce que Freud appelait le « malaise dans la civilisation » qu’ils visent. Leur thèse centrale est qu’un « homme libéral » serait en formation, bouleversant l’ancienne économie psychique. Nous serions en train de passer d’une culture fondée sur le refoulement, et donc sur la névrose, à une culture qui promeut la perversion, ultime défense contre la psychose.
La nouveauté réside dans le nouveau statut de l’objet introduit par l’ultralibéralisme : si, pour le névrosé, tout objet se présentait sur fond d’absence (« castration »), pour le pervers, en revanche, il s’agit d’exhiber en permanence ce qui, ordinairement, se trouve dérobé. La perversion se trouverait ainsi
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