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Le Service Public à La Française -Droit

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Par   •  29 Janvier 2013  •  3 690 Mots (15 Pages)  •  1 913 Vues

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Le service public à la française

En 1900, la Maître de Toulouse, Maurice Hauriou, s’était écrié à propos du service public : « on nous change notre Etat ! ». Il était alors inquiet des transformations de l’Etat gendarme et il en appelé à des services publics réduits aux activités régaliennes. On sait que Maurice Hauriou n’a pas été entendu. En 1921 seront reconnus des services publics à caractère industriels et commerciaux implicitement (T.C., 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain), puis explicitement (C.E., 23 décembre 1921, Société général d’armement).

Aujourd’hui, à l’aulne des exigences européennes, on a envie de s’écrier on nous change nos services publics ! Faut-il s’en inquiéter ou s’en réjouir ? Le service public est devenu la pierre angulaire du droit public, le fondement et la limite du pouvoir des gouvernants selon les termes respectifs du Conseil d’Etat et de Jacques Chevallier. Il résume la conception que nous nous faisons de l’Etat. Mais encore, il s’impose comme une nécessité dans l’ordre économique et social, au nom de l’intérêt général et de la cohésion sociale.

Le service public est un concept de création récente, même s’il n’est pas absent, dans l’idée, des réflexions philosophiques de l’Antiquité. Il est alors question d’utilité publique, d’intérêt collectif. Au Moyen Age, Saint Thomas d’Aquin définira le bien commun. Avec la Révolution, il sera question de nécessité publique. La notion de service public va permettre la formation du droit administratif contemporain. Elle est utilisée dans le jugement Blanco du Tribunal des conflits (T.C., 8 février 1873). L’idée de service public va pouvoir devenir centrale en droit public et l’idée va se mettre en place que le service public en appel à un régime juridique exorbitant du droit commun, au vu de sa mission de protection de l’intérêt général. Cette notion clé du droit administratif (critère de compétence du droit administratif et du juge administratif) va trouver particulièrement à s’épanouir dans sa conception moderne avec le XXème siècle. Le service public va même devenir « un agent de redistribution qui doit contribuer à réduire l’ampleur des inégalités sociales » (J. Chevallier) et un lien va se créer entre propriété publique, monopole et service public au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Il n’est qu’à penser au Préambule de 1946 quand il dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». C’est ce lien qui est à l’origine de l’expression de service public à la française.

Plus particulièrement, c’est dans un contexte de libéralisation et d’un point de vue défensif qu’au cours de la décennie 80 se met en place l’expression de service public à la française. Il faut faire front aux logiques libérales qui démantèleraient ce qui fait le service public. Selon A. Juppé, Bruxelles casserait les services publics pour introduire le système privé et la concurrence dans tous les domaines. Plus précisément, l’expression va être développée par une circulaire du 26 juillet 1995 et dans un rapport de R. Denoix de Saint Marc publié en 1996. Très présente au cours de la décennie 90, elle n’a plus fait l’objet d’une réflexion de fond depuis 2000. Cependant, elle conserve toujours une actualité et elle continue à être mobilisée dans une certaine mesure, notamment pour critiquer la construction européenne et ses choix libéraux. La critique principale contenue dans cette expression est essentiellement économique.

Mais existe-t-il seulement un service public à la française ? Si oui, assiste t-on à sa dégénérescence ou au contraire à son renouvellement, à l’heure de la libéralisation des marchés ? La substance même de ce qui fait le service public en France n’est-elle pas purement et simplement remise en question, notamment par la construction européenne ? Cependant, y a-t-il seulement une substance française du service public ? Comment ne pas constater que la réalité même d’un service public à la française est en débat, même si une réalité juridique a fini par trouver un contenu ou plutôt des contenus. Si cette réalité a semblé être attaquée de plein fouet par l’Europe en construction, elle a fini par trouver moins les éléments de sa destruction que de son renouvellement.

I. Le service public à la française : une notion contestée à plusieurs visages.

Existe, n’existe pas, le service public à la française interroge. Mais ce qui fait débat, c’est peut-être moins le service public à la française que la réalité d’une crise du service public et d’une notion évolutive et plurielle.

A. De la réalité discutée d’un service public à la française.

Le service public fait débat chez les juristes. Il faudrait compter avec une incertitude quant à la notion en droit administratif français. Pour autant, force est de constater qu’un régime juridique s’est constitué et que les éléments d’une définition ont su être dégagé.

Si la notion de service public, qui a vu s’opposer Duguit et Hauriou, est centrale, en ce qu’elle est au cœur du droit administratif, elle est controversée, notamment du fait de son excessif déploiement et de son efficacité relative. Plus précisément, ce qui est critiqué, comme le rappelle E. Chaperon, c’est moins la notion que le modèle « qui consiste à confier les services publics à des monopoles publics, dont les salariés bénéficient d’un statut particulier ». Ce modèle très diffusé dans les années 50 a dû trouver les voies d’une rénovation, notamment au vu des exigences concurrentielles de l’Europe. Il est question de crise en ce que l’Europe ébranle la conception traditionnelle du service public. Toutefois, ce modèle n’est qu’un modèle qui n’est ni unique en France ni propre à la France. De plus, le service public est une notion évolutive par définition, une notion qui n’a de cesse de s’adapter à son environnement. Aussi, s’en tenir à un modèle serait se crisper sur un moment historique qui ne résume pas la réalité du service public en France. On ne saurait accepter de réduire la théorie française du service public à une solution d’organisation circonstancielle, dictée d’ailleurs par les nécessités de la reconstruction, dans un contexte d’économie dirigée et planifiée (Voir les Cahiers français, Juillet-août 2007).

La crise est aussi ailleurs, dans une sorte d’impossible définition. Si la notion

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