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La croissance non économique

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Par   •  20 Février 2013  •  Cours  •  3 151 Mots (13 Pages)  •  654 Vues

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La croissance non économique

Par Peter Victor* OCTOBRE 2012

(Cetarticleafaitl’objetd’unepremièrepublicationsurlesitedelarevue CanadianDimension) Introduction

L'idéequel’économienepuissepascontinueràcroitreindéfiniment– ouquelacroissancenepuisse durer plus que quelques générations – est une idée aussi vieille que la science économique. Les économistes classiques – Smith, Ricardo et bien sûr Malthus – ont chacun expliqué pourquoi ils pensaientqu'unjour lapopulationhumainefiniraitpardépasserlacapacitédelanatureàfournir bien plus que la seule subsistance. Mais l’ère de croissance économique sans précédent qui s'ouvrit au début du XIXe siècle relégua ces réserves au second plan. Si la plupart des doutes quant à la longévité de la croissance furent dissipés, ils ne disparurent pas totalement pour autant.

Ces préoccupations refirent surface au milieu du XXe siècle dans les écrits d’économistes comme Boulding, Mishan, Georgescu-Roegen et Daly. Plus précisément, l'idée qu'il pourrait y avoir des limites à la croissance a fait son entrée dans le débat public en 1972 avec le livre Halte à la croissance ? rédigé par Meadows et une équipe de chercheurs.

En2008, grâceà30ansdedonnéescollectées,lechercheurGrahamTurnerestparvenuàmontrer que parmi tous les scénarios examinés dans ce petit livre (dont l’influence fut grande), celui qui correspondait le mieux aux données était celui du « business as usual » aussi appelé « trajectoire standard ». Dans ce scénario, qui ne suppose aucun changement majeur dans les relations physiques, économiques ou sociales, la croissance économique s'interrompt brutalement au milieu du XXIe siècle.

Par ailleurs, l'idée selon laquelle une croissance économique infinie peut être tout aussi bien indésirable qu’irréalisable n’est pas nouvelle non plus. Elle s’inscrit dans une longue lignée de réflexions qui débuta, il y a au moins 160 ans, avec la contribution de John Stuart Mill sur l’état stationnaire. Mill expliquait que pour tout un ensemble de raisons sociales, économiques, environnementales et spirituelles, il espérait que « pour le bien de la postérité... [les êtres humains] se contenteront d'un état stationnaire, bien avant que la nécessité ne les y oblige ». Malgré l'influence que son livre [Principes d’économie Politiques, 1873] eut sur le développement de la science économique le chapitre, d’où fut tirée cette citation, fut largement ignoré pendant plus d'un siècle.

Herman Daly, sans doute l’un des économistes les plus prolifiques et perspicaces de ces 40 dernières années à avoir écrit sur la fin de la croissance économique, s'est appuyé en grande partie sur le travail

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* Peter Victor est économiste. Il travaille sur les questions de l’environnement depuis plus de quarante ans comme consultant, universitaire et fonctionnaire.

de Mill lorsqu'il a forgé le terme de « croissance non économique » : la croissance qui, au-delà d’un certain seuil, cause plus de mal que de bien.

Une croissance à rendements décroissants ?

Comme l’explique H.Daly, l'idée qu'une activité économique, de production ou de consommation, puisse dépasser une taille critique constitue un des principes fondamentaux de la microéconomie. Cette taille critique correspond au point d’équilibre optimal, celui où le bénéfice marginal et le coût marginal s'égalisent. On trouve ce principe dans n'importe quel texte d'introduction à l'économie puisqu’il est au fondement de la maximisation des profits du secteur privé. Mais on le retrouve aussi dans la méthodologie de l'analyse coût-bénéfice souvent utilisée pour orienter les décisions publiques.

Cependant, quand il s'agit de macroéconomie, aucun principe de limitation n'est censé s’appliquer. Apparemment il y aurait un niveau optimal pour chaque composante de l'économie, mais pas pour leur somme. S’agit-il d’une contradiction logique ? Peut-être pas. On pourrait par exemple faire valoir – en se fondant sur des arguments communément admis – que limiter la taille de l'économie réduiraient les opportunités des acteurs économiques, ou encore qu'une augmentation de la taille de la « macroéconomie » signifierait plus de ressources, plus de possibilités, plus de choix et surtout, plus de bien-être. Ceci serait tout à fait logique si l'économie était un système complètement indépendant, capable de se développer sans limite. Mais ce n'est pas le cas. L’économie n’est qu’une sphère incluse au sein de la société, elle-même enfermée dans les systèmes naturels de la biosphère. En outre, toute économie repose sur un flux de matière et d'énergie interne au processus productif (le throughput une autre notion de Daly) : toute activité économique extrait des matières et de l'énergie, les utilise pour créer de la valeur économique, et s’en débarrasse sous forme dégradée en les rejetant dans la biosphère : dans l'air, l'eau, la terre et même sous terre. Les individus, les entreprises et les gouvernements doivent apprendre à fonctionner dans les limites de la macroéconomie, et la macroéconomie à fonctionner dans les limites de la nature.

La question de savoir si ces limites sont réellement contraignantes ou non, relève de l’analyse empirique. Une économie en croissance, en particulier si elle est accompagnée – comme c'est souvent le cas – par une croissance démographique, rencontre-t-elle des limites à la disponibilité des ressources ? Se confronte-t-elle aux limites de capacité de la biosphère pour assimiler les déchets ? A- t-elle atteint un point où la croissance économique com-promet le bien-être plutôt qu'elle ne l'augmente ? En d'autres termes, la croissance est-elle devenue non économique ? Il y a évidemment ici de la place pour des arguments contradictoires « de bonne foi » tout simplement parce qu'il existe de nombreuses économies, au sein desquelles des personnes vivent et travaillent dans des conditions très différentes les unes des autres. Il n'y a donc pas de réponse unique et pertinente pour tous. La controverse est aussi possible car pour répondre à cette question la plupart des données mises à notre disposition sont recueillies par des institutions privées et publiques dont l’objectif principal demeure la croissance. Pourtant

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