Patriotisme Et Patriotisme économique, Une Vacuité ? Par Thierry Guinhut
Analyse sectorielle : Patriotisme Et Patriotisme économique, Une Vacuité ? Par Thierry Guinhut. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mikii • 30 Novembre 2014 • Analyse sectorielle • 1 725 Mots (7 Pages) • 624 Vues
Patriotisme et patriotisme économique, une vacuité ? par Thierry Guinhut
Il paraissait un concept fané, vieillot, sentant la poudre et le suint, tiré des cabanes de fond du jardin sous l’Occupation, dépassé par la Résistance. Il paraissait une gloriole nombriliste, une foucade réactionnaire de droite, un fond de poubelle d’extrême droite. Quand le patriotisme perla sous la langue de gauche du Président de tous les Français, de l’édile suprême du socialisme, sous le titre ravaudé du « patriotisme économique »… N’est-il pas alors temps d’interroger la légitimité et la vacuité du patriotisme, jusqu’à son nouvel avatar ? Il faut ici rappeler que la patrie n’est pas tout à fait la même chose que le peuple, ni a fortiori que l’état. Elle comprend « les réseaux terminologiques qui impliquent le sol et le sang par différence avec ceux qui impliquent la langue, la culture, la politique[1] » et qui relèvent du peuple. En ce sens, le patriotisme n’est pas un nationalisme. Il reste un amour de la lignée des pères (pourquoi pas « matrie » ?) et de la terre qui les a abrités. Ainsi aimer sa patrie, c’est en aimer les paysages, la gastronomie, les châteaux de la Loire et de Versailles, en un mot le patrimoine, entretenu et créé par nos ancêtres, dont nous reconnaissons les talents, de la langue de Racine à celle de Proust, dont nous recommandons les valeurs choisies, parmi lesquelles les Lumières doivent tenir une place privilégiée… Le peuple est lui plus mouvant. S’il parle une langue peu proustienne, s’il vit une culture pas toujours lumineuse, quoique ouverte, s’il affiche une tradition politique chaotique, toutes choses qui peuvent relever de son patrimoine et par conséquent permettre de fidéliser quelque sentiment patriotique, il peut se livrer à des écarts dommageables à la dignité de sa patrie. La Terreur révolutionnaire, l’enthousiaste folie qui présida au déclenchement et aux heures inaugurales de la Première Guerre mondiale, la collaboration et les épisodes sanguinaires de la colonisation ne lui font pas honneur. Car le patriotisme ne peut pas être inconditionnel et aveugle. Il est amour du territoire et de ses fleurons, mais pas au point de vénérer ni d’excuser les excès du nationalisme orgueilleux et prédateur. Ainsi, dans « L’Apothéose des héros morts pour la patrie pendant la guerre de la liberté » que Girodet peignit en 1802 pour répondre à une commande officielle de Napoléon, où l’aigle autrichien s’enfuit devant le coq français, il s’agit moins d’un patriotisme légitime, consistant à aimer son pays et le défendre contre les agressions, que de l’hubris d’un nationalisme impérialiste. Ainsi Peter Sloterdijk sait être à cet égard justement polémique : « L’Etat reste une mère métaphorique supérieure qui met les citoyens sous la coupe sociale d’une communauté de sang purement fantasmatique[2] »… C’est pourquoi le nationalisme gaulois résistant contre l’invasion romaine, de Vercingétorix à Astérix, est un patriotisme mal compris. Certes, les Romains n’étaient de tendres conquérants, mais ils ont permis le développement gallo-romain, infiniment supérieur du point de vue de la civilisation, y compris parce qu’ils savaient respecter les dieux et les cultes des pays conquis. Ce au contraire de l’invasion nazie qui vint instaurer une barbarie. L’intérêt bien compris de la patrie est d’absorber et d’être absorbée lorsque plus de libertés et de prospérités sont permises par les processus civilisationnels de pays voisins, de par la mondialisation du commerce, des techniques et des arts. Mais de refuser ce qui viendrait amputer la patrie de ses droits. Le réel patriotisme ne serait alors
plus national, mais occidental, humaniste et des Lumières. Notre véritable patrie de la démocratie libérale est transfrontalière et cosmopolite, en radicale opposition avec un multiculturalisme qui laisse enfler des sociétés parallèles fascistes ou islamiques en son sein avec le projet avéré de mutiler la civilisation. Ainsi Imre Kertész, écrivain hongrois, prix Nobel 2002 pour son œuvre romanesque et autobiographique autour de son expérience traumatique de jeune Juif à Auschwitz, rejette sa patrie : « je ne suis lié à la Hongrie que par la langue, mais ni par la solidarité ni par l’affection : c’est un pays que je dois quitter avant que son système de valeur et sa moralité inacceptable ne me plongent dans la dépression.[3] » En effet, le 12 novembre 2011 (presque anniversaire de la « Nuit de cristal » nazie) une seconde « Nuit de purification » d’extrême-droite brûlait sur des buchers hongrois les livres impurs, dont ceux du Juif Imre Kertész… Quant au patriotisme économique, soudain réclamé par nos socialistes, il ne peut, à la rigueur, se justifier que lorsque la patrie et l’économie sont sur de bonnes voies. Or pouvons-nous collaborer avec un état, des gouvernements qui, depuis plus de trente ans, ont empilé les dettes, le déficit, une croissance anémique, la suradministration, un état providence pléthorique et gaspilleur, au détriment du dynamisme économique et du plein emploi. Non, l’amour de la patrie ainsi outragée ne peut s’acoquiner avec la spoliation exponentielle de notre enfer fiscal, avec le chantage du service public qui se change en sévices publics pour le contribuable, avec l’étranglement de la liberté d’entreprendre, avec la saignée bientôt mortelle infligée à la propriété légitime des richesses… Que des rentiers, des entrepreneurs, des élites du CAC 40 fuient la France pour vivre,
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