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L’égalité des conjoints

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Par   •  26 Janvier 2015  •  9 859 Mots (40 Pages)  •  849 Vues

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INTRODUCTION

1- Le principe d’égalité des conjoints est, à l’image du droit camerounais de la famille tout entier, une œuvre inachevée . Toute recherche sur le sujet impose que l’on s’entende au préalable sur la notion d’égalité.

2- Historiquement, l’égalité s’est d’abord exprimée par l’idée universaliste et abstraite d’une nature commune à tous les individus, entrainant une égalité des droits de chacun. C’est cette notion universaliste et abstraite qui figure dans l’article 1e de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 . La mise en œuvre de cette vision formelle de l’égalité a toutefois progressivement, mis au jour une faille importante de la théorie sur laquelle elle se fonde, à savoir la présomption voulant que l’on puisse appliquer un modèle d’égalité de traitement et des individus à une société marquée par des inégalités profondes . L’égalité peut alors revêtir deux sens : l’égalité devant la loi, laquelle doit être la même pour tous, et celui éminemment aristotélicien de juste répartition .

Le professeur Luchaire rend bien compte de cette richesse sémantique, dans ce qu’il appelle les « deux faces constitutionnelles du principe d’égalité ». Selon cet auteur, « si la différenciation des conditions humaines légitime des règles distinctes, elle justifie aussi (…), des dispositions qui corrigent autant que faire se peut ce qu’il ya de plus choquant dans les disparités sociales, porter atteinte à l’égalité formelle pour se rapprocher de l’égalité réelle, c’est aussi servir l’égalité » . Il se peut en effet qu’une mesure conforme à l’égalité, aboutisse, dans les faits, à une profonde inégalité, notamment lorsque les individus auxquels elle a vocation à s’appliquer, se trouvent dans des situations différentes. En matière contractuelle par exemple, cette réalité a abouti à nier l’existence d’une égalité naturelle abstraite et automatique entre les parties contractantes , et à rechercher une égalité concrète, relative au contrat conclu .

Une définition concrète du principe d’égalité n’est donc pas chose aisée. Néanmoins, et relativement au mariage, nous l’entendrons essentiellement comme le « principe de répartition identique des prérogatives et des charges entre deux ou plusieurs personnes » . Il se caractérise, dans le contexte camerounais, par une évolution permanente : évolution du code civil français applicable au Cameroun ; évolution de la législation interne camerounaise.

3- Selon le code napoléonien de 1804, si la femme était l’égale de l’homme, elle ne l’était plus du tout dès lors qu’elle convolait. Mariée, elle était placée sous la puissance maritale et se trouvait attachée d’une incapacité juridique générale comparable à celle d’un mineur. Mais cette subordination conçue comme l’instrument de l’unité du ménage, s’est révélée pratiquement intenable, avant même d’apparaitre injustifiable aux yeux de tous sur le plan des principes, dès lors que les maris furent en masses et durablement tenus éloignés des foyers pour cause de guerre. C’est pourquoi, à l’aube de la seconde guerre mondiale, la loi du 18 février 1938, amplifiée ensuite par celle du 22 septembre 1942, pour faire face à l’absence d’un nombre considérable de maris prisonniers de guerre, réduisit la puissance maritale et abolit corrélativement l’incapacité de la femme. En particulier, la qualité de chef de famille était transférée à la femme en cas d’empêchement du mari .

Cependant, malgré ces indiscutables progrès vers l’égalité, la pleine capacité juridique de la femme mariée demeurait encore entravée par la loi, autant que par le contrat de mariage . C’est de cette évolution qu’a hérité le Cameroun à son indépendance . Cependant la législation camerounaise en matière de droit de la famille n’est pas demeurée figée. Le législateur camerounais a vite fait de se doter de plusieurs instruments juridiques qui marquent son attachement à l’égalité dans les relations conjugales.

4- Le premier texte à caractère législatif est la loi no 66-2 COR, du 7 juillet 1966, portant diverses dispositions relatives au mariage . Elle consacre légalement les principes que la jurisprudence appliquait de facto aux questions matrimoniales. Si cette loi pas une très grande avancée en matière d’égalité entre le mari et la femme , il n’en est pas de même de la loi de 1968.

Relative à l’état civil, la loi de 1968 est véritablement celle qui a apporté des innovations majeures dans notre droit de la famille . C’est ainsi que dans son article 43 qui prévoit que l’acte de mariage comporte éventuellement la mention de l’existence d’un contrat de mariage, communauté ou séparation de biens, elle consacre expressément au Cameroun, la notion de régime matrimonial . Mais, cette loi reste discriminatoire pour la femme, en ce qu’elle fait de la polygamie le système matrimonial de droit commun .

L’ordonnance de 1981 parait alors beaucoup plus favorable à l’émancipation de la femme, dans la mesure où elle place la polygamie et la monogamie sur un pied d’égalité. Par ailleurs elle permet à la femme d’exercer une profession séparée de celle de son mari et d’avoir la libre disposition de ses revenus .

5- Mais, l’évolution du principe d’égalité au Cameroun n’est pas seulement d’ordre législatif. Les constitutions successives camerounaises ont également attaché une importance à ce principe. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 6 de la constitution du 2 juin 1972, telle que révisée par la loi no 6 du 18 janvier 1996, « Tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs ». Le préambule de la même constitution, quant à lui, prohibe expressément toute discrimination fondée sur la race, la religion, les croyances et le sexe .

Cette évolution est également marquée par l’attachement du Cameroun aux conventions et textes internationaux qui ont pour objet de garantir l’égalité ente les hommes et les femmes . Il en est ainsi du Pacte sur les droits civils et politiques de 1966 ; de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 ; de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination ratifiée par le Cameroun en 1994. Le préambule de la constitution renvoie également à d’autres textes internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

6- La promotion de l’égalité au sein de la structure familiale est enfin l’œuvre de la jurisprudence. Elle joue un très grand rôle au Cameroun, en matière de droit de la famille . Et, comme l’écrit M. Nkouendjin Yotnda, « le juge ou

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