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Croissance Et Décroissance

Fiche de lecture : Croissance Et Décroissance. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  4 Février 2015  •  Fiche de lecture  •  3 223 Mots (13 Pages)  •  720 Vues

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La décroissance, une idée qui chemine sous la récession

Avec la crise écologique s’impose peu à peu la nécessité de définir le progrès humain autrement que par le productivisme et la confiance aveugle dans l’avancée des sciences et des techniques. En France, les penseurs et militants de la décroissance, qui prônent un mode de vie plus simple et plus riche de sens, voient ainsi croître leur audience, tant auprès des partis de la gauche antilibérale que parmi le grand public. Ils représentent pourtant des sensibilités politiques et philosophiques très diverses.

par Eric Dupin, août 2009

Il fallait voir l’air interloqué de M. François Fillon. Ce 14 octobre 2008, M. Yves Cochet défendait les thèses de la décroissance du haut de la tribune de l’Assemblée nationale. Diagnostiquant une « crise anthropologique », le député Vert de Paris affirmait, sous les exclamations de la droite, que « la recherche de la croissance est désormais antiéconomique, antisociale et antiécologique ». Son appel à une « société de sobriété » n’avait guère de chances d’emporter l’adhésion de l’hémicycle. Toutefois, l’idée provocatrice de « décroissance » avait forcé les portes du débat public.

La récession est passée par là. Bien sûr, la décroissance « n’a rien à voir avec l’inverse arithmétique de la croissance », comme le souligne M. Cochet (1), le seul homme politique français d’envergure à défendre cette idée. La mise en examen de la croissance apparaît toutefois comme une conséquence logique de la double crise économique et écologique qui secoue la planète. Les penseurs de la décroissance sont subitement écoutés d’une oreille plus attentive. « Je suis beaucoup plus sollicité », se réjouit Serge Latouche, l’un de ses pionniers. « Les salles sont pleines dans nos débats », lui fait écho Paul Ariès, un autre intellectuel de référence de ce courant de pensée.

Le mot même de « décroissance » est de plus en plus repris, bien au-delà des cercles restreints de l’écologie radicale. « Au moment où les adeptes de la décroissance voient leur argumentaire conforté par la réalité, y a-t-il une alternative entre la décroissance subie ou non dite, comme l’est la récession actuelle, et la décroissance conduite (2) ? », s’interrogeait, pendant la campagne européenne, Nicolas Hulot, pourtant régulièrement qualifié d’« écotartuffe » par les objecteurs de croissance. Soutien d’Europe Ecologie, l’animateur avouait douter de la « croissance verte » et envisageait plutôt une « croissance sélective doublée d’une décroissance choisie ». « Seule la décroissance sauvera la planète », lâcha même le photographe Yann Arthus-Bertrand, dont le film Home, au demeurant largement financé par le groupe de luxe Pinault-Printemps-Redoute (PPR), semble avoir contribué au succès électoral printanier des écologistes (3).

Certains partisans de la décroissance sont convaincus que la crise actuelle constitue une formidable opportunité pour leur cause. « Que la crise s’aggrave ! », s’exclame Latouche, reprenant le titre d’un ouvrage du banquier repenti François Partant. « C’est une bonne nouvelle : la crise est enfin arrivée, et c’est l’occasion pour l’humanité de se ressaisir (4) », explique ce tenant de la « pédagogie des catastrophes » jadis développée par l’écrivain Denis de Rougemont.

Sans aller aussi loin, M. Cochet estime que c’est en butant sur les limites de la biosphère que l’humanité sera contrainte de devenir raisonnable. « Il n’y aura plus de croissance pour des raisons objectives. La décroissance est notre destin obligé », prévient le député écologiste, « géologue politique et profond matérialiste ». Ne reste alors qu’à espérer que la crise accélère les prises de conscience, et à « préparer la décroissance afin qu’elle soit démocratique et équitable ».

Mais ce point de vue optimiste est loin d’être partagé par tous. « Cette pédagogie des catastrophes, on n’est pas du tout là-dedans », se démarque Vincent Cheynet. Le rédacteur en chef du journal La Décroissance estime que, « si la crise offre une opportunité de s’interroger et de se remettre en cause, elle risque aussi d’engendrer des crispations et des phénomènes de peur ». « Une crise majeure serait la pire des situations », considère-t-il. « La crise est l’occasion de rappeler que la croissance n’est plus possible, mais les gens ont tendance dans ces périodes à se replier sur leurs intérêts particuliers », observe M. Jean-Luc Pasquinet, animateur du Mouvement des objecteurs de croissance (MOC). Ariès pointe, lui aussi, l’ambivalence de la crise : « D’un côté, elle repousse toujours plus loin le sentiment d’urgence écologique : l’heure est à la défense du pouvoir d’achat et des emplois. (...) Mais elle montre aussi que nous avons vécu sur des mensonges depuis des décennies (5). » L’inquiétude le dispute à l’espoir chez ceux qui doutent de voir la récession paver le chemin de la décroissance (lire « Yoga du rire et colliers de nouilles »).

Timide entrée en politique

L’impact nouveau du thème contraste avec la très grande faiblesse des forces politiques qui s’en réclament. Un Parti pour la décroissance (PPLD) a été créé en 2006 par Cheynet, ancien publicitaire et fondateur de l’association Casseurs de pub, pour qui « l’urgence est à la conquête des institutions ». Des querelles de personnes ne lui ont cependant jamais permis d’exister réellement. « Créer un parti politique est très difficile dans des milieux assez anarchisants », soupire Cheynet, qui n’est pas dans les meilleurs termes avec tous les « décroissants ». De nouvelles équipes ont récemment tenté de relancer le PPLD. Tout en affirmant qu’il attire « des gens plus jeunes qui viennent du monde associatif », son porte-parole Vincent Liegey reconnaît : « On tâtonne un peu. » Le PPLD se refuse à revendiquer un quelconque nombre d’adhérents. « On ne veut pas devenir un parti de masse, on ne cherche pas d’adhérents ni d’électeurs », dit curieusement M. Rémy Cardinale, autre porte-parole de ce microparti.

Le MOC, lui, a été lancé en 2007. Il rassemblerait quelque deux cents personnes et une dizaine d’élus locaux dans un réseau très décentralisé. Regroupant des militants plus expérimentés, comme M. Pasquinet, qui a été porte-parole du PPLD, ou M. Christian Sunt, ancien des Amis de la Terre et des Verts, le mouvement se félicite, selon ce dernier, de voir arriver dans ses rangs « beaucoup de femmes et de jeunes ».

Le MOC et le PPLD ont engagé un processus de rapprochement

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