La Chine dans l'économie mondiale

La Chine et l’Inde.  

En 1944, Nehru, le futur dirigeant de l’Inde indépendante, écrivait, depuis sa prison, en évoquant la nouvelle configuration du monde et le poids des deux géants EUA et URSS : « Seules la Chine et l’Inde sont potentiellement capables de rejoindre ce groupe. Chacune est compacte, homogène, pleine de richesses naturelles, de main-d’œuvre, de talent humain et de capacités ». Cette vision était totalement incongrue à l’époque (les deux pays réunissaient plus de la moitié de l’humanité, mais des masses confrontées à la misère et à une croissance démographique non maîtrisée, sous le joug colonial ou en proie à la guerre civile).  Cependant, cette vision s’avère aujourd’hui prémonitoire. La Chine et l’Inde sont les symboles les plus représentatifs de l’émergence de l’Asie, tant dans l’économie mondialisée que sur la scène géopolitique, et du basculement du centre de gravité du monde vers l’Asie, en un court laps de temps.

En dépit de différences (régime politique, modèle culturel, antériorité du décollage chinois), les points communs entre les deux pays sont évidents. Il s’agit de deux pays de vieille civilisation, longtemps sous domination étrangère,  deux géants par leur population (plus de 2,5 milliards à elles deux, soit environ 35 % de la pop. mondiale), de deux puissances émergentes, tant du point de vue économique que sur le plan géopolitique, aux ambitions non seulement régionales, mais aussi mondiales, et qui sont également des puissances rivales (s’étant déjà affrontées dans le passé). Enfin, ces deux pays sont confrontés à des défis de taille : sociaux et politiques, économiques, spatiaux et environnementaux.

La Chine.

La Chine est le pays le plus peuplé du monde (l’  « empire du milliard » avec 1,400 milliard) et un des plus vastes (plus de 9,5 millions de km 2), mais elle est aussi  le plus emblématique de l’émergence de l’Asie. En 30 ans, entre 1978 et 2008 (on évoque parfois les Trente Glorieuses de la Chine), elle est devenue l’une des principales puissances mondiales. En 2010, le PIB chinois a dépassé celui du Japon  et en décembre 2014, en PPA la Chine a doublé les Etats-Unis, avant de les dépasser prochainement en PIB nominal.

Qualifiée souvent d’ « usine du monde », elle est non seulement la première puissance industrielle mondiale mais elle est depuis 2012 la première puissance commerciale mondiale (place occupée avant par les EUA) et le « made in China » inonde le monde.

L’essor économique de la Chine s’est accompagné de progrès sociaux : en 30 ans, des dizaines voire des centaines de millions de Chinois sont sortis de la pauvreté, d’autres ont accédé à la classe moyenne (et la Chine compte un nombre croissant de milliardaires).

La visibilité est encore renforcée par des manifestations mondiales au cours des dernières années. Sur le plan sportif (liens étroits avec la géopolitique),  la Chine a organisé les JO à Pékin en 2008 (51 médailles d’or remportées par les Chinois). En 2010, s’est tenue l’exposition universelle de Shanghai.

Puissance économique, la Chine est également une puissance géopolitique, considérée comme la seule en mesure, à terme, de rivaliser avec les Etats-Unis. La Chine se fait désormais entendre dans tous les lieux de la gouvernance mondiale (ONU, G 20, sommets des BRICS).

Selon Thierry Sanjuan (géographe), in Questions internationales, 2008 : « L’émergence chinoise nous fait entrer de plain-pied dans un nouveau siècle et remet en question des lectures ancrées depuis longtemps dans nos esprits : empire américain, voire « hyperpuissance » des Etats-Unis, domination des pays industrialisés, suprématie de la modernité occidentale ».(…) « La Chine est au cœur de la mondialisation. Mieux, pour les médias, comme dans la perception de beaucoup, la Chine tend à devenir la mondialisation, elle est la mondialisation ».

                De ce fait, la croissance de l’économie chinoise a des répercussions sur le reste du monde (cf. titre du livre de E. Izraelewicz, Quand la Chine change le monde, 2005). La Chine est aujourd’hui le principal moteur de l’économie de l’Asie-Pacifique, et un des moteurs  de l’économie mondiale. Sa croissance a un impact sur le prix des matières premières, sur l’emploi dans les pays occidentaux, sur l’environnement. La montée en puissance de la Chine suscite souvent plus de crainte que d’espoirs : crainte d’une hégémonie asiatique, voire mondiale – cf. « l’arrogance de la Chine », titre du second ouvrage consacré à la Chine par E. Izraelewicz).                              

               Aujourd’hui cependant de nombreuses inconnues et incertitudes planent sur son évolution, et elle doit relever de nombreux défis, qui sont pour partie liés à son modèle de croissance : économiques, environnementaux ; mais aussi politiques, démographiques et sociaux.

               Comment s’explique cette rapide montée en puissance de la Chine ? Quelle est la nature de la puissance chinoise ? Cette émergence est-elle irrésistible ou peut-elle être remise en cause par les défis auxquels est confrontée la Chine ?

Plan du chapitre :

1. Les ressorts de la réussite de la Chine
2. Un géant mondial
3. Menaces et défis pour la Chine.        

I. Les ressorts de la réussite de la Chine.

        Le décollage économique de la Chine est la conséquence d’une voie de développement adoptée à la fin des années 1970. Mais il est indispensable de faire un rapide retour sur le passé pour mieux comprendre la Chine du début du XXIè s.

        A. Les héritages : de l’Empire du Milieu à la Chine de Mao

1. Grandeur et déclin de l’Empire chinois.

La Chine a été pendant plusieurs siècles un Empire dominant en Asie, avant de subir à son tour la domination étrangère, génératrice de frustrations et d’humiliations.

1. Un pays de très vieille et brillante civilisation.

        Pour les Chinois de l’époque impériale, avant 1912, la Chine était l’Empire du Milieu (vision d’un monde sino-centré, la Chine se situant au centre des 4 points cardinaux). Les fondateurs de la civilisation chinoise sont les Hans, installés au II è millénaire avant notre ère au Nord de la Chine puis dans les provinces orientales. La Chine a connu une succession de dynasties impériales, entrecoupées par révoltes, d’invasions (d’où la Grande Muraille de plus de 7 à 8 000 km, dont la construction a débuté au 3ème siècle avant JC. et a duré 10 siècles). La Chine a connu une longue tradition de centralisation et de pouvoir autoritaire (écriture, monnaie, poids et mesures ; administration nombreuse : mandarins). L’empereur, considéré comme le fils du Ciel, résidait dans la Cité Interdite à Pékin.

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