BILAN DE L'ENQUEТE DE ТERRAIN A BORD D'UN CHALUТIER LORIENТAIS
Analyse sectorielle : BILAN DE L'ENQUEТE DE ТERRAIN A BORD D'UN CHALUТIER LORIENТAIS. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar borischarco • 23 Avril 2019 • Analyse sectorielle • 2 541 Mots (11 Pages) • 770 Vues
BILAN DE L'ENQUEТE DE ТERRAIN A BORD D'UN CHALUТIER LORIENТAIS
A la différence d'un reportage journalistique par exemple, l'enquête de terrain ethnographique repose sur une immersion prolongée parmi le groupe étudié. La recherche d'informations susceptibles d'intéresser le chercheur ne passe pas par des questions frontales posées aux personnes enquêtées. Si le journaliste déniche l'information, l'ethnologue la laisse venir à lui en apprenant à avoir un regard avisé. L'observation ethnographique ne va pourtant pas de soi. La position prise sur son terrain d'enquête, la relation nouée avec les enquêtés ou le regard porté sur les faits observés sont autant de données maintes fois réfléchies, négociées et corrigées par le chercheur pour mener à bien un travail de recherche.
1) intégration et statut assigné au chercheur : du passager à l'ethnologue
Pouvoir embarquer un mois à bord d'un chalutier français à la pêche au large, étape indispensable pour comprendre la vie des marins pêcheurs, est le résultat d'âpres négociations. Tout d'abord, j'ai dû me faire connaître auprès d'un armement, la Scapêche, basée à Lorient et expliquer ma démarche. Une fois le directeur de l'armement convaincu, le capitaine d'un navire, maître à bord, devait à son tour donner son aval. Enfin, enregistré auprès des Affaires Maritimes, il ne me restait plus pour embarquer qu'à me rendre à Lockinver, au nord de l'Ecosse, base avancée du Mariette Le Roch II, chalutier de 46 mètres comptant quatorze marins à son bord.
Toute personne embarquant à bord d'un navire de pêche et n'appartenant pas à l'équipage est assignée au statut de passager. Les marins ne sont donc pas surpris par mon arrivée à bord en tant que tel, annoncée à l'avance par le capitaine. En revanche, deux aspects de ma présence les interpellent : la durée de mon séjour à bord (28 jours continus), identique à la leur, et mon identité d'ethnologue qui plus est provenant de Paris. Les marins côtoient en effet plusieurs types de passagers, tous identifiés (scientifiques spécialistes des ressources marines, personnels de l'armement, équipes de journalistes) et restant une base de neuf jours en mer. Ils n'ont par contre jamais rencontré d'ethnologue, venu les étudier eux et non pas les poissons pêchés. Face à leurs interrogations, je leur explique tour à tour l'objet de ma présence. Tous se prêteront finalement bien au jeu d'être « observés ». A l'issue de ce mois d'enquête, j'ai même l'impression qu'ils ont parfaitement compris mon travail, l'acceptant totalement malgré son caractère déroutant au premier abord.
Mon statut à bord, que je ne pouvais pas imposer mais qui devait m'être assigné par les marins, ô combien important pour mener à bien mon enquête, passa du passager marginal au cinéaste, du parasite au confident, du commis de cuisine à l'artiste, pour finalement gagner le statut d'ethnologue, titre qui me donna, à n'en pas douter, le plus de reconnaissance.
2) modes d'observation
Souvent méconnus, les modes d'observation des ethnologues varient en fonction du terrain d'enquête visé et du type de relations nouées au cours du temps avec les enquêtés. Mes premiers jours en mer ont consisté à faire connaissance avec les quatorze marins composant l'équipage, mais également avec le milieu particulier que constitue un navire de pêche, univers clos voguant sur la mer et soumettant le corps et l'esprit à rude épreuve. Une fois cette période d'intégration et d'adaptation passée, j'ai appris à comprendre les règles de vie à bord et les multiples opérations de pêche et de réparations du matériel. Mon mode d'interaction avec les marins passait par des discussions informelles lors des moments de vie collective et des demandes d'explications techniques liées à leur métier. Une certaine intimité se créant au cours du séjour avec les marins, je pus par la suite accéder à des espaces moins accessibles tels que la passerelle du capitaine, haut lieu de commandement, les cabines des marins, domaine privé par excellence, ou encore la salle des machines, espace bruyant réservé aux mécaniciens, et la cale, zone exigüe réglée à - 3°C. Ce rapport de proximité grandissant, la plupart des marins me racontèrent leur expérience, leur parcours de vie, leur ressenti et leur conception du métier, autant d'aspects centraux de ma recherche. La prise de notes quotidiennes dans mes carnets de terrain me permettait de garder en mémoire le maximum d'informations constituant une base de données brutes en vue du travail d'analyse post-terrain. La réalisation d'images vidéo et photographiques, principalement lors des actes de travail, me permettait complémentairement de mieux saisir le métier de marin pêcheur et d'en garder des traces afin de pouvoir poursuivre mes observations et mon analyse à terre.
3) Utilisation des données
Ce premier mois d'enquête de terrain à bord d'un chalutier m'a permis de comprendre de nombreuses facettes du métier, enrichissant les axes de réflexion que je souhaite développer dans ma thèse et en amenant de nouveaux.
a) le navire de pêche au large : une institution totalisante
Le navire de pêche est beaucoup plus qu'un simple espace de travail. Univers clos et isolé du reste du monde, c'est un espace de vie à part entière au sein duquel les marins passent plus de temps qu'à leur domicile à terre. Régie par l'activité de pêche et sous l'autorité du patron, la vie à bord s'apprend et répond à des impératifs qui lui sont propres. Il s'agira donc de rendre compte de la spécificité des pratiques, des codes et des normes qui ont cours sur les navires de pêche au large.
b) l'équipage : unité constituante du groupe
La relative stabilité des marins engagés sur les navires de pêche industrielle et la coexistence de ces derniers sur de longues périodes en un espace restreint créent une unité de groupe très forte.
La notion d'équipage me semble primordiale pour rendre compte du métier de marin pêcheur. En effet, le collectif prime sur l'individualisme. De plus, le caractère éprouvant de l'activité de travail et la coordination des hommes pour mener
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