La dent d'or
TD : La dent d'or. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Helene Kapay • 15 Janvier 2023 • TD • 1 882 Mots (8 Pages) • 290 Vues
La Dent d’or
En quoi Fontenelle, par sa dénonciation satirique de l’obscurantisme, apparaît-il comme un précurseur des Lumières ?
I. Le texte se présente à travers un apologue comique et parodique comme une argumentation indirecte.
1. Le récit débouche sur une morale. La structure en deux parties évoque un apologue. Le premier paragraphe correspond à un récit avec des verbes au passé et des précisions temporelles et géographiques rappelant l’univers du conte, dans une parodie qui donne son ton général à la narration : « En 1593 » détourne le fameux « il était une fois » et la Silésie semble faire office de pays merveilleux. D’ailleurs la « dent d’or » qui est le point de départ de l’histoire apparaît elle-même comme un objet merveilleux en raison de sa matière, incompatible avec celle des dents naturelles. Les formules impersonnelles comme « il lui en était venu une d’or » renforcent le caractère apparemment magique de la situation en suggérant l’origine inconnue de la dent. Le deuxième paragraphe à l’inverse se donne à lire comme une morale, avec ses verbes au présent de vérité générale et ses phrases aux allures de maximes. Plus sérieux, comme le prouve le champ lexical de la quête intellectuelle, avec des mots comme « raison » ou des expressions comme « mènent au vrai », il livre la réflexion de Fontenelle sur l’anecdote présentée plus haut.
2. Le récit accroche l’attention du lecteur par son côté farcesque, immédiatement perceptible. Dans la première partie du texte, la narration reprend la forme d’un conte, non pas pour faire rêver le lecteur, mais plutôt pour le faire rire aux dépens d’hommes qui se présentent comme des scientifiques mais qui ont l’air de charlatans. - Les noms des faux savants, parfois difficiles à prononcer comme « Ingolsteterus », riment, dans la mesure où ils ont été latinisés en -us, comme cela se faisait souvent dans le courant du XVIe s. Cette uniformisation concernant leurs noms annonce celle de leur pensée et de leurs méthodes semblablement erronées. De plus, le nom « Libavius » dont la syllabe centrale est « bav » connote quelque chose de dégoûtant et ne dispose pas favorablement au discours qui sort de cette bouche qu’on ne peut s’empêcher d’imaginer baveuse. - L’amplification délirante de la situation a un côté farcesque : on part d’une dent, d’un enfant, pour aboutir à des pluriels complètement disproportionnés (« les chrétiens », « les Turcs »). L’évènement a lieu en Silésie et a des répercussions en Allemagne (à Helmstad et sans doute Ingolstadt, d’où Ingolsteterus, étant donné son nom, est vraisemblablement originaire). La minuscule dent de lait d’un enfant de sept ans devient une affaire d’Etat et même, selon certains, une affaire divine ! - L’expression « le bruit courut » qui présente, sous la forme d’un cliché, une personnification du bruit, place l’action sur un rythme rapide qui suggère le manque de réflexion, car pour réfléchir, il faut du temps. Entre la première et la deuxième phrase, deux ans se sont écoulés, mais le sommaire rend la durée imperceptible. La réponse de Rullandus à Horstius se fait « la même année », puis sa réplique à Ingolsteterus « aussitôt » dans une précipitation qui n’augure rien de bon. Cette expression indique aussi qu’on ignore l’origine de la rumeur. - Le verbe « ramasser », qui apparaît ici assez trivial et peu soutenu, s’oppose au faux éloge : son utilisation crée une tonalité héroï-comique, parodie de l’épopée (« Rullandus » pourrait-il être une variation sur « Roland » ?). Les savants comme des chevaliers se battent entre eux
mais leur quête n’a rien d’épique : nul graal, nulle toison d’or, seulement une petite dent.
II. L’humour et l’ironie sont le support d’une critique des faux-savants et dénoncent la nocivité de la rumeur non fondée.
1. L’opinion du narrateur apparaît dans son récit à travers la distance ironique qu’il adopte. Le récit n’est pas neutre, loin de là. Bien sûr, c’est essentiellement dans la morale qu’apparaît l’opinion de Fontenelle, mais il la fait clairement connaître au lecteur dès le début de la narration. Il insère dans le récit des remarques partisanes comme « Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens, et aux Turcs ». En prenant le lecteur à témoin grâce à l’impératif et à l’utilisation de la deuxième personne, Fontenelle l’invite énergiquement à s’engager dans le débat. La répétition de « chrétiens » et « Turcs » introduit une mise à distance ironique qui éclate par la suite dans la manière dont l’auteur parle des faux savants. L’avant-dernière phrase du dernier paragraphe « Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or » s’inscrit dans la même stratégie argumentative dans la mesure où l’apparent éloge des ouvrages savants, qualifiés de « beaux », bien que la beauté ne soit pas ce qu’on attend d’eux, est réduit à néant par la disparition même de leur raison d’être : il n’y a pas de dent naturelle, ni miraculeuse, en or.
2. Fontenelle se moque de l’absence de logique et de discernement, de la prétention et de la vanité, du manque de scrupules, du mépris total de la vérité dont font preuve les faux savants. - Les disciplines des scientifiques qui se penchent sur cette dent semblent assez floues. On pourrait supposer que, dans la mesure où il s’agit de matière, ce sont les sciences physiques qui sont logiquement convoquées, mais assez curieusement, ce n’est pas le cas puisque les variations (le polyptote) sur « histoire » / « historiens » mettent les sciences humaines à l’honneur et on ne saisit pas très
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