Les abandons aux XVIe et XVIIe siècles
Commentaire de texte : Les abandons aux XVIe et XVIIe siècles. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Alexandra Daverat • 19 Janvier 2018 • Commentaire de texte • 659 Mots (3 Pages) • 571 Vues
Il y a beaucoup plus triste encore que le sort des enfants en nourrice¹, c’est celui des enfants abandonnés. Aux XVIe et XVIIe siècles, les abandons ont une double origine. Il s’agit soit de nouveaunés abandonnés par une fille-mère, soit d’enfants légitimes, âgés souvent de quelques années, que leurs parents, pressés par la misère, ne peuvent plus élever. La première page du Petit Poucet, publié par Charles Perrault en 1697, se réfère à une expérience encore courante à l’époque : « Il vint une année très fâcheuse, et la famine fut si grande que ces pauvres gens se résolurent de se défaire de leurs enfants. » Il est normal, dans ces conditions, de constater une concordance entre les grandes crises de subsistances dégénérant en famines et les maxima d’admissions dans les hôpitaux d’enfants trouvés. À partir des années 1760, le nombre des enfants abandonnés croît brusquement. Cet accroissement est parallèle à celui des enfants baptisés dans les paroisses urbaines comme illégitimes : dans beaucoup de villes, la proportion passe de 2 % de l’ensemble des baptêmes au début du XVIIIe à 25 %. Dans la décennie 1780-1789. À Paris, l’hôpital de la Couche enregistre en 1772 –année record, il est vrai – un chiffre d’admissions qui équivaut à plus d’un tiers du total des baptêmes enregistrés dans les paroisses de la capitale cette année-là. En fait, parmi ces enfants abandonnés à la naissance et baptisés comme illégitimes, beaucoup d’entre eux – le tiers peut-être - sont légitimes. L’accroissement brutal du nombre des enfants abandonnés à partir de 1760 correspond donc à une évolution des motivations de l’abandon. Celui des enfants illégitimes, dont le nombre augmente, même si l’on tient compte des légitimes baptisés comme illégitimes, traduit à la fois un accroissement des naissances hors mariage et une aggravation de la situation morale faite à la fille-mère et au bâtard par rapport aux siècles antérieurs. Surtout, à côté de la véritable misère qui explique encore bien des abandons (par exemple en 1788-1789), une nouvelle motivation, plus complexe, commence à se faire jour. Des parents de milieu modeste, voire aisé, bourgeois ou maîtres artisans, mais provisoirement gênés et craignant de ne pouvoir élever comme ils le souhaiteraient un enfant venu après plusieurs autres, l’abandonnent à l’hôpital avec l’idée de le reprendre ultérieurement. Une telle attitude s’explique par le fait que beaucoup de parents s’imaginent que les pensionnaires des hôpitaux d’enfants trouvés sont bien traités et reçoivent ainsi gratuitement des soins et une éducation qu’eux-mêmes auraient sans doute eu du mal à leur assurer. Que la réalité soit toute autre, que les chances de survie de ces petits malheureux soient tragiquement faibles, ne changent rien à l’affaire. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est qu’une telle attitude de la part d’un certain nombre de parents est contemporaine de l’intérêt nouveau à l’égard de l’enfant que nous avons déjà noté, contemporaine aussi de la diffusion, en France, de la contraception. Dans la mesure où l’on porte désormais sur les enfants un regard neuf, où la famille tend à se concentrer autour d’eux, on souhaite en limiter le nombre, soit par la contraception, soit, en cas de refus ou d’échec de celleci, par l’abandon de l’enfant non désiré. Collectif, direction André Burguière, Histoire de la famille, Armand Colin, 1986 ¹ Note de l’auteur du devoir, Mme Baillet-Convers La mise en nourrice, selon la définition de l’époque, est « l’allaitement des nouveau-nés par une femme requise à cet effet » ... Aussi appelée « allaitement mercenaire », elle consiste à placer, souvent plusieurs années, le bébé qui vient de naître chez une femme allaitante (récemment mère), la plupart du temps dans une lointaine campagne, contre rémunération. Les conditions faites aux nourrissons sont souvent effroyables. Cette habitude touche tous les milieux sociaux pour des raisons diverses : allaitement considéré comme dégradant dans l’aristocratie ou la grande bourgeoisie, enfants nés d’adultères, ouvrières qui doivent travailler, femmes d’artisans qui doivent aider leur mari, etc. D
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