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Transmission vivante de l'ecran

Étude de cas : Transmission vivante de l'ecran. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  20 Juin 2013  •  Étude de cas  •  2 447 Mots (10 Pages)  •  880 Vues

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PEINDRE DEVANT L’ÉCRAN

L’écranisation générale des activités humaines

La multiplication des écrans dans tous les domaines de la vie professionnelle, culturelle et les loisirs, semble interposer entre les choses de l’esprit et ce qu’il est convenu d’appeler la réalité tangible, un troisième monde, celui de la médiation écranique, véritable lucarne sur le visuel iconique, sur le virtuel et "conquête de l’ubiquité" infinie (télévision par satellite, informatique, Internet, jeux vidéos, etc.); notre vie se passe devant les écrans. Or cette écranité proliférante, par ses contraintes de focalisation, par sa lumière "immanente" distincte des éclairages naturels et artificiels dans lesquels nous baignons, par ses effets de leurre pathétique, etc., est devenue un lieu crucial de questionnement pour les artistes. Comment, avec quelles œuvres, la création plastique peut-elle "artialiser" ce troisième monde? Que saurons-nous élaborer pour relever ce défi? Quelles réflexions, quels nouveaux concepts peut-on produire sur le plan de la recherche qui s’y articule?

L'écran n'a envie de rien. Le subjectile de verre constitue néanmoins un monde-réceptacle, transitif quoiqu'autonome en tant qu'objet. Il compartimente la vie moderne en autant de cadres et cadrans, administre notre quotidien sans que nous soyons tout à fait conscients des conséquences que cela produit sur notre relation aux êtres et aux choses. Notre manualité se trouve dans le meilleur des cas asservie par les claviers, les télécommandes, les manettes, etc. Notre vision découpée, transposée, aplatie, s’éclaire d'une lumière électronique venue de l’intérieur des postes.

Le monde des écrans nous sert et nous le servons (serveurs), il nous encombre aussi et va vite rejoindre le cimetière des objets obsolètes pour être immédiatement remplacé par d'autres écrans plus performants. Mais plus le temps passe, plus les écrans se multiplient sous nos yeux, chez soi, dans les écoles, dans les gares, au bureau… On en réclame encore et encore, toujours plus.

Mais le "petit écran" de prédilection demeure avant tout le téléviseur.

Notons que cet écran de verre me protège de tout sauf de lui-même. dans ce monde pseudolithique (Manzini), qui vit à l'âge de la "pierre virtuelle". il demeure le dernier recours de la physicité qui caractérisait les anciennes machines.

C’est par sa lumière que l’écran capte nos regards et le flux des images, l’immanence de la lumière, font oublier la boîte, le cadre, la limite.

L’écran satisferait le désir de dormir, voilà une explication de l’attrait des écrans, des salles obscures. Endormir la vraie vie. Debord l’affirmait avec véhémence: "Le spectacle, disait-il, est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n’exprime finalement que son désir de dormir. Le spectacle est le gardien de ce sommeil". Mais Baudrillard, prolongeant cette réflexion et dépassant la notion même de spectacle, écrivait déjà il y a dix ans "Nous vivions dans l’imaginaire du miroir, celui du dédoublement et de la scène, celui de l’altérité et de l’aliénation. Nous vivons aujourd’hui dans celui de l’écran, celui de l’interface et du redoublement, celui de la contiguïté et du réseau. Toutes nos machines sont des écrans, nous-mêmes sommes devenus des écrans, et l’interactivité des hommes est devenue celle des écrans". Il mettait ainsi en évidence cette "exploration digitale où l’œil circule selon une ligne brisée incessante" et où "nous nous rapprochons infiniment de la surface de l’écran, nos yeux sont comme disséminés dans l’image" et plus loin: "si nous tombons si facilement dans cette espèce de coma imaginaire de l’écran, c’est qu’il dessine un vide perpétuel que nous sommes sollicités de combler". Pourtant explique-t-il encore: "paradoxalement, l’image est toujours à des années-lumière. C’est toujours une télé-image. Elle est située à une distance très spéciale qu’on ne peut définir que comme infranchissable par le corps."

L’image vient se loger dans la fenêtre la plus rassurante de notre rapport au monde. Sa force, c’est le parasitage. Elle n’a pas défini sa limite, elle squatte la forme la plus culturellement arbitraire, le rectangle "doré", avec son idéal panoramique. La fenêtre lui préexiste et lui permet de s’imposer avec la plus grande facilité.

La banalité même du sujet que je traite plaide en faveur de cet oubli de la puissance attractive des écrans. Du coup, on ne voit plus l’écran en tant que tel. On oublie l’importance cardinale de sa médiation. On ne le voit vraiment qu’aveugle, dans sa laideur opaque et soudain inutile. La télé en panne, l’ordinateur éteint, boîtes frappées d’inanité.

L’écranisation généralisée nous force à penser la fonction même du médiateur neutralisé qu’est l’écran qui tend lui-même à s’abstraire, non seulement par la luminescence mais aussi par sa progressive disparition matérielle. l’idéal étant son absence, l’image étant seulement réactivée par les effets de la télécommande. Le poste actuel sera peut-être vite remplacé par l’insertion de cristaux liquides sous le papier blanc du mur. L’ordinateur aussi semble condamné sous sa forme actuelle puisque nous savons maintenant que les puces électronique s’apprêtent à l’absorber. Grâce aux progrès vertigineux des techniques de gravure, on pourra faire tenir dès l’an prochain quarante millions de transistors sur un seul processeur. c’est cette extraordinaire miniaturisation, qui permettra d’introduire des ordinateurs-puces dans n’importe quel objet de la vie quotidienne. On voit mal néanmoins comment se passer d’un cadre de visibilité et pour l’heure, l’écran de verre qui nous délivre du corps et dont les images véhiculées fascinent, s'abstrait d’abord de notre conscience pour remplir sa fonction.

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