Deviens ce que tu es

Louis Blanié                                                                                 821

« Deviens ce que tu es »

        La notion du devenir renvoie au passage d’une situation, d’un état à un autre liée à une évolution temporelle qui quand elle touchera un être modifiera donc fortement celui-ci. Ce devenir s’oppose alors dans la citation profondément contradictoire que nous allons étudier à la notion d’identité présente de l’Homme : « ce que tu es » renvoyant alors à l’état actuel de l’Homme. On note alors l’apparition de la notion d’identité relative au fait d’être un, la relation de tout individu à lui-même. En outre, comment l’Homme peut-il devenir ce qu’il est déjà ? L’objet de notre questionnement ne serait-il pas plutôt de savoir comment l’Homme pourrait devenir ce qu’il est réellement, ce qu’il veut et doit être réellement pour s’accomplir dans et par sa nature humaine ? Mais alors comment l’Homme peut-il échapper à son déterminisme humain et s’échapper en quête de la transformation de son être ? Par ailleurs, on se posera également la question de l’évolution de l’identité personnelle de l’Homme tant celle-ci risque d’être boulversé par les tentatives de celui-ci pour devenir son idéal.

        Malgré l’apparence première d’un déterminisme humain  relié à une évolution de la temporalité semblant nier toute transcendance humaine ; nous remarquerons dans un deuxième temps que la conscience humaine saurait permettre toutefois à l’Homme de se libérer de son déterminisme humain ce qui lui permettrait alors de s’épanouir et de s’accomplir à travers son devenir. Dès alors, la notion d’identité personnelle serait alors profondément remise en cause avec une évolution temporelle de celle-ci qui doit alors être vue dans sa globalité entre passé et devenir, entre présent et futur pour véritablement refléter la caractérisation de l’identité d’une personne pour révéler sa véritable personnalité.

        Tout d’abord, nous allons considérer  l’apparence première d’un déterminisme humain relié à une évolution de la temporalité semblant nier toute transcendance humaine.

        Dans un premier temps, on note ainsi l’apparition de l’idée d’une forme de déterminisme humain où l’homme serait déterminé comme il est et ne saurait changer de manière centrale la forme de sa vie. Ainsi, d’une part toutes les actions humaines ne seraient déterminées que par des événements antérieurs, en vertu du principe de causalité. D’autre part, ce déterminisme humain mettrait fin à toute forme de présence d’un quelconque libre-arbitre. On peut également prendre également en compte l’influence du destin qui désigne, au moment présent, l'histoire future d'un être humain ou d'une société telle qu'elle est prédéfinie par une instance qui est  considérée comme supérieure aux hommes, donc éventuellement divine avec ainsi une conception finaliste du monde qui met alors généralement à mal la notion de libre-arbitre. On obtient donc ici une vision très pessimiste de la condition humaine avec une néantisation de toute forme de choix humain qui ne pourrait avoir aucune influence sur sa propre vie et serait soumise alors à celle-ci. On retrouve la présence et l’idée de ce déterminisme humain et plus précisément social alors dans Le rouge et le noir, de Stendhal. Ce livre dépeint en effet une société profondément hypocrite quant à la liberté de se construire indépendamment et de devenir quelqu’un

avec l’idée d’une oppression sociale. Julien Sorel est en effet condamné pour sa classe sociale d’origine, qui limite voire empêche la construction de soi malgré sa volonté et ses efforts d’ascension sociale : aussi bien par le Rouge avec la volonté de faire une carrière militaire, que le Noir avec une carrière ecclésiastique. On retrouve donc bien ainsi l’idée très pessimiste selon laquelle l’Homme ne serait pas maître de sa propre vie. On peut toutefois alors également s’interroger sur l’influence directe de l’évolution temporelle et du progrès sur l’Homme et la destinée de celui-ci.

        Dans un troisième temps, l’idée d’une corrélation linéaire entre l’évolution de la temporalité et celle de la condition humaine vient souligner l’idée d’un déterminisme humain allant jusqu’à une finalité de la condition humaine. On retrouve donc bien l’idée que l’homme est déterminé et ne peut changer de forme. Nous faisons ici appel à la notion de progrès du latin progressus signifiant avancer vers le mieux, vers un monde meilleur. Celui-ci apparaît alors comme le fil directeur de l’histoire humaine avec pour reprendre la formule d’Aristote : « La Nature (qui) ne fait rien en vain ». Celle-ci sait donc parfaitement ce qu’elle veut et vise cette fin sans jamais la perdre de vue. L’Homme n’apparaît donc alors que comme le fruit de cette évolution lié à cette idée de progrès voué à un déterminisme et à une finalité voulus par la Nature. On retrouve des arguments similaires dans Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique de Kant où celui-ci met en valeur une conception téléologique de l’histoire, où celle-ci a un but avec une progression certaine confirmant l’idée de progrès lié au temps. Ainsi, l’Homme s’améliore bien de manière linéaire avec l’évolution de la temporalité mettant en lumière alors que celui-ci est déjà déterminé comme il est et ne peux changer de forme.

Cependant, Kant souligne également dans cette ouvrage que la nature n’a rien fait de superflu pour l’homme. Celui-ci possède déjà la raison et la liberté du vouloir, il peut donc tout accomplir lui même. Il ne doit donc pas rester guidé par son instinct mais peut être un acteur majeur de la progression dans l’histoire mais également de sa propre vie. Tout ce qui est moyen de subsistance, de défense, de divertissement, peut être le fait de l’homme. Cela nous pousse alors à nous interroger sur les moyens utilisés par l’Homme pour s’affranchir de la servitude de sa condition humaine propre à son épanouissement personnel.

        Dans une deuxième partie, nous verrons que la conscience humaine saurait permettre toutefois à l’Homme de se libérer de son déterminisme humain ce qui lui permettrait alors de s’épanouir et de s’accomplir à travers son devenir.

        Dans un premier temps, c’est de la conscience de l’Homme que viendra la libération de la celui-ci lui permettant alors de s’échapper de son déterminisme humain. C’est en effet la conscience dont dispose l’Homme qui lui permettra de dépasser sa condition et de trouver la liberté pour s’affirmer et s’épanouir en tant qu’être humain.

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