La politique, c'est dire ce qu'on va faire, et faire ce qu'on a dit
Dissertation : La politique, c'est dire ce qu'on va faire, et faire ce qu'on a dit. Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar Nono Bouvry • 29 Janvier 2025 • Dissertation • 4 501 Mots (19 Pages) • 15 Vues
Le 29 juin 1988, lors de son discours de politique générale, Michel Rocard, premier ministre du Président de la République François Mitterrand, affirme que “ L'espoir s'inscrit dans la démocratie de tous les jours, s'enracine dans la réconciliation de l'action politique et de la vie quotidienne, dans la réconciliation de l'Etat et de la société civile, il tire sa force de la réconciliation de l'instant et de la durée. “[1]. Ainsi, au regard de cette citation, nous voyons qu’en 1988, déjà, la question de la confiance et de la réconciliation du peuple et des gouvernants était au goût du jour. Aujourd’hui, le peuple perd confiance en la politique, il ne s’intéresse plus en la politique, il n’y croit plus.
Or, une fois ce constat fait, une question se pose. La démocratie représentative, c’est-à-dire « un régime dans lequel le pouvoir est attribué par le peuple à des représentants élus qui l’exercent en son nom » selon Alexandra Goujon dans Les Démocraties[2], repose sur un lien de confiance. Ce régime repose sur le “ consentement du gouverné “ pour reprendre les mots de Madani Cheurfa et Flora Chanvril, dans le Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF sorti en Janvier 2019, « 2009-2019 : la crise de la confiance politique »[3]. Dès lors, si le lien de confiance gouvernant/gouverné est remis en cause, la démocratie représentative se trouve être en péril.
La démocratie, du grec demos, le peuple, et kratos, le pouvoir, est un régime politique dans lequel le peuple détient le pouvoir ; peuple est souverain. Selon Hans Kelsen dans La Démocratie, Sa nature, sa valeur (1928), la démocratie a comme piliers la liberté et l’égalité. Ces deux piliers fondateurs se retrouvent d’ailleurs dans la définition de la démocratie que fait la Cour constitutionnelle fédérale allemande le 23 octobre 1952 : “ [la démocratie signifie le]pouvoir d’un État de droit, fondé sur l’autodétermination du peuple selon la volonté de la majorité, sur la liberté et l’égalité “. Aussi, il convient de préciser la multiplicité du concept démocratique ; démocratie directe, semi-directe, participative, représentative, élective etc. Au sens commun, la démocratie est entendue en tant que démocratie libérale. Nous parlerons ainsi de démocratie comme démocratie libérale, se distinguant par ses deux principes structurels : Le principe démocratique d’abord, où seule une élection libre et transparente fait la légitimité de l’élu, le principe libéral ensuite, avec ses valeurs de liberté, d’égalité et de protection des droits de l’Homme.
Mais alors, en pleine crise démocratique, en plein déclin de la confiance en la politique, que doit-on comprendre par « Renouveau démocratique » ? Au regard de la défiance accordée par les français envers la politique et les gouvernants, le renouveau démocratique peut être entendu comme une demande du peuple pour plus de souveraineté et un changement dans la politique et les procédés démocratiques.
Ainsi, de prime abord, le constat d’une crise démocratique peut nous paraître évident : une perte de confiance en la démocratie (selon le Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF datant de janvier 2019, 89% des interrogés estiment « qu'avoir un système politique démocratique est une bonne façon de gouverner le pays » alors que 63% des interrogés estiment que « la démocratie ne fonctionne pas bien » ), une demande pour davantage de démocratie, pour davantage de pouvoir au peuple. Pourtant, il est clair que le renouveau démocratique souhaité est difficile à mettre en œuvre, malgré des réformes faites en ce sens depuis plusieurs années, notamment le Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique de 2019, ou encore la nomination d’un ministre délégué chargé du Renouveau démocratique. Il s’agira ainsi de se questionner et de comprendre dans quelle mesure la crise démocratique qui touche la France depuis la fin du XXe siècle fait apparaître chez la société civile et les gouvernants la pensée d’un renouvellement de la démocratie ?
La crise de la démocratie exacerbée par la défiance des français envers la politique (I) dessine les contours d’un renouveau démocratique, lequel affirme des idées nouvelles pour retrouver un sentiment d’union au sein d’une démocratie fracturée (II.).
- Un régime démocratique en crise
Il s’agira ici de démontrer l’ampleur de la crise démocratique qui touche la France en se
concentrant d’abord sur la crise de la confiance en politique et la fragilisation du lien entre le gouvernant et le gouverné (A.). Ensuite, il conviendra d’ajouter à cela la compréhension du phénomène de la rupture citoyenne, comprise en tant que montée de l’individualisme et menaçant par extension la démocratie (B).
- La crise de la confiance en la politique
En premier lieu, depuis la fin du XXe siècle, notamment avec les événements de Mai 68 qui ont mis en lumière le rejet des élites politiques et la manière dont le gouvernement, sous la présidence de Charles de Gaulle, gérait les affaires du pays, ou encore la montée du chômage, une crise de la confiance en politique s’affirme.
D’abord, depuis cette période, les citoyens français accordent moins de crédit à leurs représentants et ce phénomène influe sur une baisse de la participation électorale. Cette crise de la confiance menace et fragilise le système démocratique actuel. Effectivement, le régime démocratique représentatif se base sur le consentement des représentés, ceux-ci ayant élu leur représentant. Ainsi, bien que ce régime exclut de fait tout mandat impératif (possible révocation de l’élu à tout moment) comme le rappelle l’Article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul »[4] puisqu’il fait appel à la notion de représentation et non pas à celle de représentativité, si ce consentement et cette confiance sont fragilisés, c’est tout le régime démocratique qui est fragilisé. En d’autres termes, même si la représentation n’oblige pas le représentant à respecter les idées de ses électeurs, le non-respect de celles-ci provoque une défiance et une fragilisation du lien démocratique. Ainsi, on passe d’un lien de confiance un lien de défiance parce que les gouvernants déçoivent et que les instruments démocratiques directs sont peu utilisés. En conséquence, la participation électorale se trouve être en baisse depuis plusieurs années ; c’est la « crise de la participation ». Pour qualifier la décennie 2009-2019, le CEVIPOF parle de « décennie noire pour la confiance politique en France ». Pour illustrer ces propos, selon l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques,[5] seul un tiers des électeurs ont voté à chaque tour des élections présidentielle et législative de 2022. 16% des inscrits n’ont voté à aucun des scrutins ; ce sont les « abstentionnistes systématiques ». Il s’agit de comprendre l’ampleur du phénomène abstentionniste, traduisant une défiance et un désintérêt croissant pour la politique puisque le taux d’ « abstentionnistes systématiques » mentionné précédemment était de 12% en 2002 et 9% en 2007, soit sept points de pourcentage de moins qu’en 2022.[6] Il est donc permis avec ces chiffres de constater la méfiance de la société civile envers la politique, et la montée de l’abstention qu’elle entraîne. Aussi, il est clair que cette défiance fragilise le système démocratique en tant qu’elle déstabilise le système électoral entier. En effet, comment la société peut-elle légitimer son représentant si, à l’avenir, de moins en moins d’individus votent ? A fortiori, dans quelle mesure le peuple exerce-t-il son pouvoir souverain lorsqu’il ne vote pas pour élire son représentant ?
Deuxièmement, cette défiance de la société civile engendrée par l’utilisation trop rare d’outils constitutionnels de démocratie directe, notamment le référendum[7], est exacerbé par un mouvement de délégitimation des institutions politiques. En effet, à la critique de manque de démocratie directe s’ajoute une critique plus profonde des institutions. Aujourd’hui, le système démocratique français est fragilisé par un actionnariat extérieur, mettant en avant les grandes entreprises ou les lobbies, c’est-à dire des groupes d’intérêt influençant le pouvoir en place. De même, il est commun pour les candidats de financer leur campagne par les dons privés, moins contraignants en termes de redevance et d’accessibilité. en moyenne, seuls 0,79% des Français donnent chaque année à un parti politique. Mais ce chiffre est de l’ordre de 10% chez les 0,01% des Français qui ont les revenus les plus élevés. La valeur moyenne du don passe de 120 euros pour l’ensemble des Français à presque 5500 euros pour les plus riches.[8] Dès lors, tous ces implications économiques posent question sur la légitimité des représentants. Il semble effectivement que le « capital économique »[9] pour reprendre les mots du sociologue Pierre Bourdieu, soit au cœur du pouvoir politique. Il convient ainsi de parler de système « ploutocratique » du grec ploutos, l’argent et kratos, le pouvoir. Ernest Renan définit ainsi la ploutocratie comme « un état de société où la richesse est le nerf principal des choses, où l'on ne peut rien faire sans être riche, où l'objet principal de l'ambition est de devenir riche, où la capacité et la moralité s'évaluent généralement (et avec plus ou moins de justesse) par la fortune, de telle sorte, par exemple, que le meilleur critérium pour prendre l'élite de la nation soit le cens. »[10] Alors, la définition que fait Ernest Renan de la ploutocratie invite à réfléchir sur l’accessibilité du pouvoir politique mais surtout sur les modalités de l’exercice du pouvoir. Effectivement, il apparaît clairement ici que le pouvoir politique semble imbriqué avec le pouvoir économique. C’est dans ce cadre que la défiance de la société envers la politique s’installe, car elle ne voit que les plus riches y accéder et en bénéficier. C’est ce qu’explique Christophe Bouillaud lorsqu’il dit : « le sentiment prévaut déjà chez les citoyens des vieilles démocraties que la voix du peuple ne compte plus beaucoup. Les lobbies économiques et les multinationales achètent dans le dos des électeurs la décision politique à des élus corruptibles, contrôlent les grands médias de masse et renforcent ainsi leur poids économique et politique grâce à des réglementations qui les favorisent »[11]. Seuls les plus riches financent la vie politique Principale conséquence de ce régime ploutocratique : un besoin de séduire les électeurs les plus fortunés et donc la formation d’un électorat à deux échelles. Le financement a ainsi directement un impact sur le conception des programmes politiques : le donateur s’attend à être remboursé, ayant financé l’élection du candidat. Alors, pour illustrer le poids du lien entre les pouvoir économique et politique, il est possible d’étudier l’Affaire McKinsey. Cette affaire est un scandale politico-financier ouvert depuis 2017 et concernant des soupçons de fraude fiscale et de favoritisme envers le cabinet de conseil américain McKinsey, qui aurait échappé à l'impôt français malgré des contrats lucratifs passés avec l'État.
Ainsi, il est clair la démocratie se trouve fragilisée par une baisse de la confiance en la politique
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