Géopolitique et géostratégie
Lettre type : Géopolitique et géostratégie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar hind1818 • 14 Décembre 2013 • Lettre type • 3 507 Mots (15 Pages) • 856 Vues
GÉOPOLITIQUE ET GÉOSTRATÉGIE
Yves LACOSTE
C’est depuis une douzaine d'années que le mot géopolitique qui était
proscrit (sous prétexte d’"hitlérisme") depuis la seconde guerre mondiale,
est petit à petit entré dans le langage des média : d’abord pour rendre
compte d’un événement qui fut alors très surprenant, la première guerre
entre deux États communistes, le Cambodge et le Vietnam ; puis on a parlé
de géopolitique à propos de la guerre Irak-Iran, des embrouillements
libanais etc. A partir de 1989, les références à la géopolitique se sont
multipliées avec l’effondrement des régimes communistes en Europe, la
soudaine ouverture du "mur de Berlin", la réunification de l’Allemagne, les
risques d’éclatement de l’URSS sous l’effet des revendications nationales, la
"guerre du Golfe" et plus récemment encore la dislocation de la
Yougoslavie. Bref, tout cela est l’occasion d’invoquer de plus en plus
souvent la Géopolitique, comme s’il s’agissait d’une science nouvelle, d’une
façon plus efficace de penser un monde qui connaît tant de surprenants
changements, depuis la fin de la "guerre froide".
Certes, il s’agit pour une bonne part (mais pas seulement) de ce que l’on
appelle aujourd’hui (et pour certains, non sans quelques mépris) un
"phénomène médiatique". Le rôle des média est certes considérable et ceci
pour la bonne raison que les changements et les rebondissements dans un
si grand nombre de pays sont tellement rapides et fondamentaux que ce
sont principalement les journalistes qui cherchent à les expliquer, avec les
ressources et les contraintes de leur métier, avant que les différents
"spécialistes" aient eu le temps de réfléchir pour écrire des analyses
approfondies. Il faut évidemment tenir compte de l’effet de mode, mais on
peut aussi constater que le mot géopolitique est dans le très grand nombre
de ses concurrents, le plus souvent utilisé relativement à bon escient et
somme toute de façon plus raisonnable que certains termes, comme
stratégie, qui depuis quelques temps font flores.
C’est dans ce contexte que se développe depuis quelques temps l’usage
d’un terme nouveau, géostratégie, pour désigner des problèmes qui
relèvent manifestement du même champs que la géopolitique. Deux
signifiants pour une même catégorie de signifiés, s’agit-il d’un simple effet
de redondance ? ou pour certains, ne s’agit-il pas de la volonté d’employer
un terme plus savant, plus scientifique, moins controversé historiquement
que géopolitique, qui leur paraît trop "journalistique". Mais aujourd’hui,
l’argument de la soi-disant "essence nazie" de la géopolitique, argument
www.institut-strategie.fr/strat_050_Lacoste.html
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dont on a usé pendant près de quarante ans, n’est plus de mise. De
surcroît, ce sont autant les journalistes que les spécialistes qui emploient
concurremment des deux termes, géopolitique et géostratégie, tout en
rechignant à les différencier comme à les considérer comme synonymes.
Cette discussion est le plus souvent éludée, sous prétexte qu’il s’agit de
"phénomènes médiatiques". Mais ceux-ci, surtout lorsqu’il s’agit de
représentations du monde et des luttes qui s’y déroulent, forment, en
vérité, un domaine moins absurde qu’on semble le penser dans
l’intelligentsia. Il y a sans doute des raisons à l’apparition d’un terme
nouveau, géostratégie, tout comme il y en a eu pour la remise en
circulation du mot géopolitique. Réfléchir à leur possibles différences est
une occasion de clarifier ce qu’il faut entendre par l’un et par l’autre terme.
Quelques universitaires se sont efforcés de poser ces problèmes en termes
qui se veulent savants (et qui ne sont en vérité qu’académiques), en se
référant à de soi-disant principes épistémologiques. Il me paraît assez vain
de partir de l’idée que la géopolitique et la géostratégie seraient à priori des
disciplines scientifiques, subdivisions d’une même science, la géographie
dont les fondements historiques détermineraient la spécificité de ses divers
sous-ensembles théoriques. Certes, qu’il s’agisse de géopolitique, de
géostratégie, ou des rubriques plus traditionnelles de la géographie
universitaire que sont la géographie politique ou la géographie économique,
il est question de territoires, mais ces démarches et ces discours ont des
statuts scientifiques
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