Vers Une Nouvelle république
Commentaires Composés : Vers Une Nouvelle république. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 13 Mars 2012 • 2 602 Mots (11 Pages) • 1 539 Vues
Introduction de l’ouvrage "La Constitution de la 6e République. Réconcilier les Français avec la démocratie", qui propose un projet de Constitution pour la 6e République et dont les différents articles sont commentés (éditions Odile Jacob, septembre 2005)
Nous sommes comme ces millions de Français, ces millions de citoyens qui n’arrivent plus à regarder la France avec le sourire aux lèvres. Nous sommes comme tous ceux qui n’arrivent plus à trouver la paix avec eux-mêmes quand ils voient que notre pays n’est plus en mesure d’affronter les problèmes qui sont les siens. Ce syndrome dépressif touche toutes les classes sociales. Les plus démunis ravalent de moins en moins leur colère. Les plus aisés s’exilent. Ceux qui réussissent encore à convertir leur désespoir en énergie s’accrochent tant bien que mal pour construire, là où ils se trouvent, les projets d’un avenir auquel ils aspirent mais dont ils perçoivent difficilement l’horizon. La société de défiance généralisée dans laquelle nous nous installons nous paralyse tous. Nous ne sommes plus capables de traiter les problèmes que la Nation doit surmonter, d’affronter les périls économiques et sociaux, de faire vivre toujours en les rehaussant les valeurs qui sont les nôtres. Nous assistons ici et maintenant à une sourde et lente décomposition du système politique.
Pourquoi ? Parce que tout ce que la politique proclame, affirme, déclare, est en contradiction permanente et flagrante avec ses propres actes. La politique est menacée par le poison du discrédit.
La démocratie perdue
Les Français n’osent pas encore l’admettre pleinement, tant le constat est inquiétant : notre pays n’est plus tout à fait une démocratie. Les yeux se dessillent progressivement, les esprits s’inquiètent devant cette découverte qui n’est qu’une évidence inavouable. Pourtant, la Ve République prétendait restaurer le lien démocratique confisqué par le désastreux régime des partis qui avait rendu impuissante la IVe République, incapable de trancher les problèmes surgis des tumultes de la décolonisation. Dans son article 2, la Constitution du 4 octobre 1958 proclamait « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Elle instaurait un lien direct entre le chef et son peuple, entre le président de la République et les électeurs par-dessus tous les autres pouvoirs. Elle voulait s’appuyer sur la vertu légendaire de son fondateur, le général de Gaulle, dont les qualités offraient quelques garanties à l’accomplissement de ce projet. Aujourd’hui, la Ve République est devenue le gouvernement d’un seul, sans le peuple et contre le peuple.
La dissolution de l’Assemblée nationale, en 1997, fut le premier symptôme grave de cette longue agonie démocratique. Après avoir demandé aux Français de lui accorder « une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l’action », le président de la République désavoué par les électeurs qu’il avait convoqués ne démissionna pas. Existe-t-il, de par le monde, une autre démocratie où le chef réel de l’exécutif, battu lors d’un scrutin national qu’il a sollicité, non seulement ne quitte pas le pouvoir mais reste avec la complicité de tous ? Puis vint le 21 avril 2002 : 14 millions d’abstentionnistes, 6 millions d’électeurs jetés dans les bras de l’extrême droite, moins de la moitié des électeurs inscrits soutenant les candidats des partis de gouvernement, l’actuel président de la République choisi au premier tour par seulement un Français sur dix en âge de voter ; la France transformée en République bananière au second tour de la présidentielle. Le 29 mai 2005 fut une plus lourde rechute encore : même défaite visant des partis de gouvernement et perte de confiance généralisée dans la classe dirigeante incapable d’entendre la population, s’ingéniant à stigmatiser son vote et dévalorisant avec une violence sans précédent le choix que 15 millions d’électeurs avaient fait en dirigeant leurs suffrages contre l’avis de la totalité des partis de gouvernement. Il n’y a plus désormais en France de lien clair entre l’expression du suffrage et l’exercice du pouvoir.
Faut-il examiner d’un peu plus près la disparition lente mais de plus en plus saisissante de la démocratie dans notre pays ?
Le plus frappant est l’impunité politique dont jouit la totalité des décisions prises par le président de la République en notre nom.
Voilà un dirigeant politique qui prend des décisions mais qui n’en répond jamais. Il n’en répond pas devant le Parlement qui ne peut le questionner ; il n’en répond pas devant les citoyens qui n’accèdent pas à lui et ne peuvent le contrôler ; il n’en répond pas davantage devant la justice à qui il refuse même son simple témoignage. Il n’en répond que devant sa conscience, le cercle étroit de ses courtisans ou de sa famille, quelques journalistes choisis pour leur esprit de révérence. Le cœur du réacteur politique de notre pays n’est plus sous contrôle. Dès lors que la captation présidentielle de tous les pouvoirs n’est plus couverte par la question de confiance plébiscitaire - le référendum gaullien -, dès lors que le pouvoir suprême s’exerce sans risques et sans contrepoids, l’irresponsabilité politique est érigée en principe. Pis, partant du président de la République, l’irresponsabilité se diffuse du haut vers le bas de l’appareil d’État.
Ce système produit l’enfermement et l’isolement des dirigeants politiques. Telle est la maladie chronique qu’observe et condamne chacun de nos concitoyens et dont est frappé le système politique français tout entier. D’autant qu’à l’impunité s’ajoute la disparition de toute délibération politique sur les grands choix nationaux. Il n’y a plus aujourd’hui en France de lieux où l’on puisse construire sereinement des compromis politiques, échanger des concessions, travailler à l’intérêt général, surmonter des désaccords et construire l’avenir de notre pays. Le Parlement n’est plus qu’un assemblage de marionnettes disciplinées qui ont bien appris leur rôle de godillots. Le débat politique n’existe plus dans notre pays. Il n’y a plus que les victoires des uns sur les autres par la force, précisément parce que le Parlement enchaîné n’est plus que la chambre d’enregistrement des volontés d’un pouvoir exécutif surpuissant et, en fait sinon en droit, irresponsable.
Lorsque la population ne se sent plus représentée ou se trouve dans l’incapacité de se faire entendre, parce qu’elle sait intuitivement ou concrètement que l’organisation politique de son pays ne lui
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