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La Question De Droit Administratif Et De Droit Privé

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Par   •  17 Mai 2014  •  4 879 Mots (20 Pages)  •  3 385 Vues

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La question de l’application du droit privé par le juge administratif n’est pas nouvelle. En 1974, Jean Rivero souligne que : « Si, dans le système juridique français, l’administration agit normalement sous l’empire du droit qui lui est propre, son action peut cependant la mettre en contact avec les règles du droit privé »[1].

Jean Rivero rappelle ici un principe : la caractéristique du régime administratif est la soumission de l’action administrative à un droit fait pour elle, distinct du droit applicable aux particuliers. Le juge administratif va alors contrôler la validité des actes administratifs à partir d’un bloc de légalité comprenant un ensemble de règles spécifiques, applicables à l’administration. C’est, au moins en partie, la finalité respective de chacun de ces deux droits qui explique leur application différenciée. Le droit privé est conçu pour régir les rapports entre des personnes privées dont les intérêts sont différents, parfois antagonistes alors que la finalité de l’action administrative régie par le droit administratif est la satisfaction de l’intérêt général.

Toutefois, le recours par le juge administratif au droit privé n’est pas exclu. Autrement dit, si le droit administratif et le droit privé ont chacun leur « sphère d’intervention », ce principe connaît des exceptions et la séparation ne saurait être trop rigoureuse. Jean Rivero souligne ainsi qu’il y a une « inextricable imbrication, dans la vie juridique contemporaine du droit public et du droit privé ». Le Président Odent indique, pour sa part, que : « toute juridiction administrative est compétente pour interpréter tout texte législatif invoqué devant elle ou qui lui paraît applicable » que ce soit « des lois à caractère principalement pénal,… civil,… commercial,… ou social »[2]. En creux, ces auteurs rappellent ici que finalement la légalité est indivisible. Néanmoins, cela ne suffit pas à mettre en échec le principe. Aussi, l’approche du juge est-elle pragmatique.

Parler de privatisation de la légalité administrative renvoie également à une réalité plus spécifique : elle signifie que le juge ne fait plus simplement une interprétation du droit privé pour l’appliquer au cas qui lui est soumis. Autrement dit, avec la privatisation, nous ne sommes pas dans le cas où le juge est le « gardien administratif la légalité »[3] selon la formule de Jean Rivero. La privatisation s’inscrit dans un cadre plus précis : elle implique que, désormais, les règles de droit privé intègrent le bloc de légalité administrative et font partie des normes de référence auquel le juge va avoir recours pour réaliser son contrôle en tant que « gardien de la légalité administrative » et qui seront invocables devant lui.

Est-ce à dire pour autant que le bloc de légalité, en tant qu’ensemble de normes de référence spécifique auquel se réfère le juge administratif pour exercer son contrôle, est dénaturé ? Si c’était le cas, cela poserait une question de légitimité du juge administratif voire de pertinence du dualisme juridictionnel.

Si le juge administratif se réfère à des règles de droit privé dans l’exercice de son contrôle, l’hétérogénéité des cas dans lesquels il y recourt répond d’avantage à une logique de pragmatisme qu’à un mouvement de fond de privatisation de la légalité administrative (I). En outre, le juge administratif n’applique que certaines règles du droit privé et développe une interprétation propre et originale afin de répondre à la finalité de l’action administrative : l’intérêt général (II).

I. La variété des cas de recours aux règles du droit privé : une approche pragmatique du juge administratif

Les cas dans lesquels le juge a recours à certaines règles du droit privé sont assez divers (A). Si le juge administratif continue à appliquer normalement le droit public, il est parfois conduit à chercher dans le droit privé des règles plus adaptées pour exercer son contrôle par souci de pragmatisme. Cette tendance est particulièrement visible en droit de la consommation et de la concurrence (B).

A. La diversité des cas d’application du droit privé par le juge administratif

L’étude de la jurisprudence permet d’identifier plusieurs cas dans lesquels le juge administratif se réfère à la règle de droit privé soit en dégageant des principes généraux du droit s’en inspirant soit en l’intégrant directement dans son bloc de légalité (1). Il y a, toutefois, en droit du service public, des solutions plus remarquables qui ont donné lieu à une jurisprudence assez riche. La personne publique va parfois être assimilée à une personne privée et plus précisément à un opérateur économique que le juge va soumettre au droit du marché (2).

1. Les modalités de recours au droit privé

Le juge administratif recourt au droit privé de diverses façons. Parfois, il s’inspire des règles du droit privé pour dégager ses propres principes[4]. A cet égard, le droit de la fonction publique offre plusieurs exemples. Le juge s’inspire des règles du code du travail. Par ce biais, il a dégagé le principe de l’interdiction de licencier un agent public en raison de sa grossesse comme dans l’arrêt d’assemblée rendu le 18 juin 1973, Dame Peynet ou encore celui de l’applicabilité du SMIC aux agents publics (CE 23 avril 1982, Ville de Toulouse).

Dans d’autres arrêts, en revanche, il intègre directement la règle issue du droit privé dans le bloc de légalité. Elle est alors transposée et appliquée au cas d’espèce. Sans remettre en cause l’arrêt Blanco qui fonde l’autonomie du droit administratif, le Conseil d’Etat peut ainsi être amené appliquer le code civil dans plusieurs cas qu’identifie Benoît Plessix [5]. Il y a tout d’abord l’hypothèse où le code civil lui-même prévoit son applicabilité comme c’est le cas avec l’article 2 060 qui interdit le recours à l’arbitrage par les personnes publiques. C’est encore le cas lorsque le juge doit apprécier la légalité d’un acte réglementaire faisant application d’une disposition du code civil. C’est ce qu’avait montré Jean Rivero dans l’article précité. Dans cette hypothèse, le juge est le gardien administratif de toute la légalité. Ainsi, par exemple, la juridiction administrative est compétente pour apprécier la légalité des décrets autorisant les changements ou les francisations de nom, et qu’à ce titre elle assure le respect des dispositions des articles 61 et s. du code civil. Enfin, il y a le cas où certaines « situations se rencontrant dans la vie administrative viennent de la vie civile et

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