Géopolitique de l'Ukraine
Commentaire d'oeuvre : Géopolitique de l'Ukraine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar miminab • 20 Mars 2014 • Commentaire d'oeuvre • 1 638 Mots (7 Pages) • 600 Vues
Le 21 février 2014, le président ukrainien Ianoukovitch quittait le pouvoir, après l’échec de la répression brutale de manifestations populaires elles-mêmes de plus en plus violentes, concentrées pour l’essentiel sur la place Maïdan, à Kiev. Ce qui devait être une solution à une crise politique aiguë s’avère déchaîner un nouveau flot d’événements, donnant aux plus âgés d’entre nous l’impression de revivre les grandes heures de « l’automne des peuples » de 1989. C’est dire à quel point on pourrait être tentés d’interpréter ce qui se passe en Ukraine comme un épisode d’une nouvelle guerre froide, entre le camp de la démocratie et celui des régimes autoritaires.
Est-ce si simple ?
Comme souvent, la prolifération informationnelle et communicationnelle invite à prendre de la hauteur et à tenter de mieux comprendre ce qui, dans l’identité profonde du territoire ukrainien, peut expliquer les actions des différents acteurs de cette « révolution », dont les effets et conséquences sont loin d’être aujourd’hui maîtrisés.
Pour comprendre la situation de l’Ukraine, il faut sans doute revenir au sens des mots. « Okraïna » a pour origine le terme slave « kraj », qui signifie « marche ». Apparaît le premier paradoxe : c’est en effet sur le territoire actuel de l’Ukraine qu’est née la Russie. À la fin du IXe siècle, des Vikings – les Varègues – s’assurent depuis Nov- gorod le contrôle des routes commerciales constituées du bassin du Dniepr (vers Constantinople) puis et dans une moindre mesure de la Volga (vers la Caspienne). Cette aristocratie scandinave, minoritaire au sein des peuples slaves autochtones, choisit une solution qui n’est pas sans rappeler celle adoptée par Clovis, en France : garantir une autorité politique par une unité religieuse. En 988, Vladimir Ier, prince de Kiev, est baptisé et adopte la religion orthodoxe. Selon la célèbre formule d’Hélène Carrère d’Encausse, « la Sainte Russie est née à Kiev ». Le nouvel État prend en effet le nom de Rouss.
Un centre devenu périphérie
Dans sa Géopolitique de la Russie, Pascal Marchand montre comment, au cours du XIIIe siècle, le centre politique et culturel de la Russie se déplace à Moscou, alors que le vieux Rouss de Kiev se décompose politiquement sous les coups de boutoir puis l’occupation des envahisseurs tatars. Ensuite, ce sont les Polonais qui, du XIVe au XVIIe siècle, prennent le contrôle de l’Ukraine – ou du moins de sa partie occidentale. Ils y favorisent un mouvement uniate, les fidèles orthodoxes ukrainiens rejoignant l’Église catholique en conservant leurs rites. Mais ils se confrontent bientôt aux nouvelles ambitions russes: à la fin du XVIIe siècle, les tsars se lancent à la conquête de l’Ukraine pour atteindre la mer Noire, voire – selon le rêve de Catherine II – libérer Constantinople. En 1795, le partage de la Pologne permet à la Russie de (re)prendre le contrôle de l’ensemble de l’Ukraine. Tandis qu’au milieu de ces luttes entre puissances étatiques, au XIXe siècle, émerge un mouvement national ukrainien, puisant comme partout ailleurs en Europe ses sources dans la redécouverte d’un « Être propre », attesté par une langue et des coutumes partagées.
L’idée d’une indépendance ukrainienne pose depuis son origine des questions de fond : son identité tient-elle plutôt de l’attachement à l’Europe centrale (Pologne) ou au monde russe ? Le problème se pose avec d’autant plus d’acuité au XXe siècle lorsque, par trois fois, l’Ukraine accède à l’indépendance dans un contexte de décomposition de l’État russe.
Une première fois en 1917, quand les Allemands, qui occupent l’Ukraine, favorisent la création d’un État indépendant (Verkhovna Rada). Une indépendance qui va se révéler chaotique, tout particulièrement au moment de la Révolution russe et de la double guerre civile (russe et ukrainienne) qui se conclut par la victoire de l’Armée rouge en 1920 et le rattachement de la partie ex-russe de l’Ukraine à l’URSS en 1922, tandis que la partie ex-autrichienne, avec Lviv pour ville principale, est intégrée à la Pologne en 1921.
Et que les populations de la petite Ukraine transcarpatique et de la Bucovine sont respectivement rattachées à la Tchécoslovaquie et à la Roumanie…
La deuxième tentative d’indépendance a lieu en 1941, là encore à l’occasion de l’invasion allemande. Mais Hitler renonce finalement à tout projet d’autonomie slave, et l’expérience se conclut encore plus mal que la précédente, tout particulièrement pour les partisans de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN). La troisième fois, en 1991, sera la bonne, à l’occasion de l’effondrement de l’URSS et de l’avènement de la CEI . Cependant, Moscou réussit à conserver l’essentiel de ses intérêts locaux, avec le statut de la Crimée et le contrôle de la flotte de la mer Noire. Rappelons enfin que, par deux fois, l’Ukraine paie très cher ses velléités d’indépendance. Staline provoque sciemment une famine qui, en 1932-1933, provoque la mort de près de 4 millions de personnes (c’est, pour les Ukrainiens, l’holodomor ou « mort par la faim », un traumatisme collectif toujours présent). Et, en 1945, après avoir déporté ou liquidé la plupart des habitants d’origine germanique et tous les Ukrainiens suspects de sympathies nationalistes, le même Staline y implante près
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