Secret et démocratie sont-ils compatibles ?

En 1863, Abraham Lincoln désignait la démocratie comme « le gouvernement du peuple par le peuple. » Mais elle est loin d’être si simple. Du grec ancien « demos » qui signifie peuple, population d'un pays et « kratos » qui veut dire pouvoir ou autorité, la démocratie est un régime politique sous lequel le pouvoir se veut détenu par le peuple mais elle est en fait souvent « représentative » : le pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés. Un des fondement de celle-ci est la protection des libertés individuelles et collectives. Cela implique une certaine transparence, c’est-à-dire une marginalisation du secret dans l’État, car elle s’oppose à la démocratie telle qu’elle est imaginé et censée être représentée. Ainsi, nous pouvons nous demander si le secret est compatible avec la démocratie :

doit-il être complètement éradiqué dans nos démocraties ? Cependant, une transparence exacerbée ne dévierait-elle pas au totalitarisme ? Et un État sans secrets, peut-il agir dans l’intérêt de la nation ? Peut-être faut-il concilier secret et transparence.

Nous étudierons dans un premier temps pourquoi est-ce que le secret ne peut fonctionner en démocratie, néanmoins, en quoi est-ce qu’il est nécessaire à notre époque et enfin, comment est-ce que celui-ci est primordial face à trop de transparence.

I. Le secret inconciliable avec la démocratie.

  A/ Le principe de publicité, essentiel à la démocratie.

On retient la thèse de Kant selon laquelle en démocratie, le secret n’a aucune place car ce qui la définit avant tout en tant que telle est le « principe de publicité ». Dans son ouvrage Vers une paix perpétuelle (1795), il dénonce les décisions prises secrètement de ceux qui nous gouvernent dont le prétexte est le bien commun.

Exemple : implication du conseil de défense dont les membres sont tenus au secret dans le contexte de crise sanitaire, sous le président Macron.

B/ Le secret accorde un excès de pouvoir aux gouvernants. 

S’il l’on en croit Montesquieu : « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser.» Cependant, cette notion du pouvoir n’a pas sa place dans un système où la volonté est porté par le peuple. De fait, Rousseau, dans l’ouvrage Du contrat social (1762), critique la démocratie représentative et conclut qu’elle conduit inéluctablement à un abus du pouvoir, dans le secret, par les représentants dans leur seul intérêt.  

Exemple : affaire de fraude, Jérôme Cahuzac.

C/ La démocratie, une illusion entretenue.

Rousseau est l’auteur de la citation selon laquelle : « S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. » En effet, il sous-entend qu’un tel système politique est en fait impossible. Cependant, il est rendu possible dans la mesure où le peuple y croit fermement et pour cela, tel que l’a démontré le sociologue Pierre Bourdieu dans l’ouvrage Sur l’État (2012), ceux qui nous gouvernent ce sont chargés de développer « le plus génial stratagème » afin de faire croire que la démocratie existe. Finalement, le secret du pouvoir consiste à maintenir l’ordre.

II. Dans une société qui tend vers une transparence totale, le secret demeure nécessaire.

A/ Le secret n’est plus toléré.

A l’ère de l’Internet, des réseaux sociaux et de l’exposition continuelle de nos vies privées, le secret paraît dérisoire. En effet, « la modernité est l’avènement du bruit » selon le philosophe Yves-Charles Zarka. En fait, notre société exalte la transparence. Une « société du contact » tel que la qualifie Régis Debray. Mais elle a cela de bon, dans un contexte démocratique, qu’elle permet au peuple d’être dorénavant plus impliqué dans la vie politique et amplifie le débat public. Notamment grâce aux réseaux sociaux.

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