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Fiche de lecture - Dominique Méda - La mystique de la croissance (2013)

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Par   •  8 Avril 2020  •  Fiche de lecture  •  1 925 Mots (8 Pages)  •  508 Vues

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Dominique Méda – La mystique de la croissance (2013)

Philosophe et sociologue française, Dominique Méda a écrit de nombreux ouvrages portant sur le travail, la croissance, l’écologie et les politiques sociales. Dans ce livre, elle explique comment la comptabilité traditionnelle masque les effets négatifs de la croissance sur la cohésion sociale et le patrimoine naturel. L’obsession de la croissance et de la consommation illimitées représente à ses yeux la plus grande menace du capitalisme contemporain pour l’avenir de notre planète. La reconversion écologique n’est alors plus un futur envisageable parmi d’autres, mais une nécessité politique.

Contexte du livre et présentation générale

En 2008, alors que débute une prise de conscience dans nos sociétés occidentales et que les problématiques environnementales commencent à être prises plus au sérieux, éclate la crise économique et financière. A cette époque, les gouvernements semblent envisager de résoudre les deux crises conjointement (esprit "Grenelle", lancement de plans de relance "verts", etc.). Mais cela ne dure pas, car avec l’enlisement de la crise, la question sociale revêt une telle importance que les enjeux environnementaux sont relégués au second rang de l’agenda politique et de la couverture médiatique.

Dans son ouvrage qui s’articule autour d’un triptyque : Comprendre - Changer - Mettre en œuvre, l’auteure propose à nos "sociétés fondées sur la croissance" de repenser en profondeur leur modèle de développement et de revoir leur rapport biaisé au progrès pour pouvoir tendre vers un monde plus durable. Elle met en lumière la grande contradiction de nos sociétés qui, empêtrées dans une crise économique et sociale, cherchent à tout prix la croissance alors que nous savons qu’elle provoque des conséquences désastreuses sur notre environnement.

Synthèse critique

Cette croissance, selon l’auteur, "ne reviendra peut-être jamais". Sur ce point, son analyse se rapproche de celle de l’économiste Thomas Piketty qui affirme qu’"il est illusoire de rêver d’un retour à des taux de croissance de 3%"1. Mais cela n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour D. Méda qui voit dans la reconversion écologique la seule alternative envisageable pour maintenir sur Terre des conditions de vie humaines et environnementales décentes.

L’auteure remet en cause des fondements de nos sociétés et notamment le postulat moderne selon lequel le progrès et la richesse sont uniquement assimilés à la croissance de la production. Les économistes et sociologues sont d’emblée montrés du doigt car la plupart d’entre eux s’efforceraient de systématiquement minimiser, voire occulter, les effets dramatiques de la croissance sur la nature et sur les hommes. Elle dénonce leur confiance aveugle et sans bornes en la capacité du progrès technique à remplacer tout ce qu’il détruit, la nature n’étant considérée qu’à travers le prisme de son utilité – ou de son "inutilité" – économique.

D. Méda critique avec virulence l’hégémonie de la science économique, la grande majorité des économistes actuels, libéraux, ayant une vision utilitariste de la nature. Elle regrette leur refus de s’ouvrir vers l’interdisciplinarité alors qu’il serait essentiel de travailler en lien avec les autres sciences humaines pour éviter de s’enfermer dans une approche uniquement monétaire qui ne prend pas en compte certaines réalités concrètes, physiques ou climatiques par exemple.

La sociologue conteste l'hypothèse selon laquelle le capital (ou patrimoine) humain ou l’innovation technique pourraient toujours se substituer au capital naturel, qui n’aurait pas besoin d’être protégé en soi. Elle critique notamment des travaux de Robert Solow sur le sujet. Ce prix Nobel d’économie considère dans ses travaux2, 3 qu’il suffit que la consommation par personne soit constante dans le temps pour assurer une équité intergénérationnelle dans l’allocation des ressources naturelles.

Selon l’auteure, cette vision purement utilitariste est notamment liée à la sémantique utilisée. C’est pourquoi, à la notion de "capital", elle préfère celle de "patrimoine" (naturel, social, culturel ou humain). La première renvoie en effet à une conception principalement instrumentale alors que la seconde a un caractère plus large et souligne la nécessité de porter attention à "l’intégrité des éléments à transmettre", incluant donc l’idée de préservation. Si la préservation de l’environnement constitue la majeure partie du propos, les impacts de la marchandisation sur les humains, et notamment les travailleurs, ne sont pas pour autant négligés.

Pour D. Méda, "la logique économique est foncièrement incapable de penser ses propres limites" et on ne peut donc pas continuer à écrire le futur uniquement avec "un langage économique qui a montré ses failles". Elle critique l’obsolescence de nos indicateurs de richesse et tout particulièrement du PIB, qui "peut être le même avec 500 000 ou 5 millions de chômeurs". Pour elle, il est désuet car il ne prend pas en compte les atteintes portées à l’environnement (émissions de GES par exemple) et à notre système social (creusement des inégalités, santé des travailleurs, etc.). Il ne s’agit pas de le supprimer mais plutôt de développer en parallèle un ou plusieurs indicateurs complémentaires qui soient capables de mesurer un progrès véritable et pas seulement économique. Mais cela ne sera pas suffisant et il faut avant tout retrouver un mode de raisonnement affranchi de l’obsession des nombres et se débarrasser de la croyance qu’ils sont forcément synonymes d’objectivité.

Des propositions d’indicateurs alternatifs ont bien été envisagées mais l’auteure pointe leur incapacité à sortir de la mystique croissance car ils consistent à donner une valeur monétaire à des éléments non marchands et à considérer les capitaux humain, naturel et technique comme substituables. Selon cette perspective, "il y aura toujours assez de capital humain et de capital technique (…) pour fabriquer l’équivalent du capital naturel". C’est le cas notamment de l’"épargne nette ajoutée", un indicateur de soutenabilité mis au point par la Banque mondiale4 et envisagé comme alternative au PIB par la Commission Stiglitz. Cette dernière, créée à l’initiative de Nicolas Sarkozy en 2008 et officiellement intitulée "Commission sur la mesure des performances économiques et du

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