Plan détaillé de l'ordonnance du CE du 26 août 2016 relative à l'affaire du "burkini"
Dissertation : Plan détaillé de l'ordonnance du CE du 26 août 2016 relative à l'affaire du "burkini". Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mateo Electorat • 15 Octobre 2016 • Dissertation • 1 892 Mots (8 Pages) • 9 174 Vues
Electorat Mateo
Commentaire de l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat du 26 août 2016
Les arrêtés pris par divers maires de communes françaises, et notamment par l’édile de Villeneuve-Loubet, interdisant l’accès aux plages et à la baignade aux personnes qui ne revêtiraient pas une tenue « correcte », aussi bien respectueuse des « bonnes mœurs » que du principe de laïcité, auront fait couler d’encre. Par son ordonnance du 26 août 2016, le Conseil est venu mettre fin à la polémique, en infirmant la position prise par les juges des référés du Tribunal Administratif de Nice, lesquels avaient validés lesdits arrêtés par une ordonnance du 22 août 2016.
En l’espèce, le maire de la commune susmentionnée a, le 5 août 2016 pris un arrêté lequel, en son article 4.3, interdisait le port de tenues pouvant manifester de manière ostensible une appartenance religieuse sur les plages de la commune. Cet interdiction était assortie d’une limitation à la fois spatiale et temporelle puisqu’elle ne valait que pour les plages de la commune, et courait du 15 juin au 15 septembre de la même année.
Deux référés-libertés ont dès lors été formés par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et par l’Association de défense des droits de l’Homme-Collectif contre l’islamophobie en France par lesquels ils demandaient au juge des référés du TA de Nice de suspendre l’article concerné. La procédure de référé-liberté permet d’annuler un acte administratif portant une atteinte à la fois grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. A ces deux exigences s’y ajoute une troisième ; il faut que l’urgence justifie une intervention rapide du juge pour mettre fin à cette situation.
Par son ordonnance du 22 août 2016 ledit juge rejetait les requêtes conjointement. Il écarte conjointement les arguments soutenus par les requérants. Le juge estime que la mesure de police prise par le maire constitue une restriction légitime à la liberté d’exprimer ses convictions religieuses, et s’appuie notamment sur la jurisprudence de la CEDH (Refah Partisi c/ Turquie, 13 février 2003) qui valide la limitation de la liberté de manifestation religieuse si celle-ci porte atteinte à la protection des droits et libertés d’autrui. En effet, soulignant le caractère indéniablement religieux du « burkini », analysant le port de ce-dernier comme une possible provocation ou encore comme une possible « expression d’une revendication identitaire », notamment au regard des circonstances locales particulières dans lesquelles la vague d’attentats récents ont plongé le pays, énonçant enfin que les plages n’ont pas vocation « à être érigées en lieux de culte », le juge considère qu’un tel vêtement ne saurait constituer une expression appropriée des convictions religieuses. Enfin, il justifie cette décision par le fait que le port du burkini sur des plages enregistrant une forte affluence représente effectivement un risque de troubles à l’ordre public au regard des usagers des plages de toutes origines et croyances et de l’incapacité du maire à mobiliser les forces de police nécessaire à la prévention desdits troubles. L’interdiction contestée serait ainsi nécessaire, adaptée et proportionnée au but poursuivi.
A la suite de cette ordonnance, les requérants forme un nouveau référé-liberté, celui-ci devant le juge des référés du Conseil d’Etat. Ce dernier vient infirmer la décision du juge des référés du TA de Nice. Saisi, à l’instar du juge précédent, sur le fondement de l’article 521-2 du Code de Justice Administrative (CJA) qui précise les conditions de saisines du juge des référés, le Conseil rend ici une ordonnance au visa de la Constitution, de la Convention européenne des droits de l’Homme, de la loi du 9 décembre 1905, du CGCT et du CJA. Cela étant, c’est autour des articles L. 2212-2 et L.2213-23 que s’articule le raisonnement qui l’a conduit à faire droit aux demandes des requérants. Enonçant qu’aucun risque de troubles à l’ordre public n’avait en l’espèce été caractérisé par le port de la tenue litigieuse, il conclut à ce que le maire a excédé, par l’arrêté contesté, ses pouvoirs de police et que l’urgence est en l’espèce caractérisée.
Dès lors le Conseil d’Etat était appelé à se prononcer sur la question de savoir si la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté de se vêtir, corollaire de la liberté personnelle, peut être constitutif de troubles à l’ordre public, justifiant alors des restrictions à cette dernière. Ainsi, un maire est-il fondé à user de ses pouvoirs de police afin de restreindre l’exercice d’une liberté fondamentale dans l’espace public en prévention d’un potentiel trouble à l’ordre public ?
Par l’ordonnance du 26 août 2016, le Conseil ne remet pas en cause la possibilité d’user du pouvoir de police administrative en prévention de troubles à l’ordre public, déjà admise par sa propre jurisprudence, mais vient la confronter aux circonstances locales particulières, critère qui a de longue date permis des limitations aux libertés publiques (I). Par ailleurs, cette ordonnance, qui ne saurait du reste avoir une portée aussi large que celle d’un arrêt à proprement parler, vient préciser le pouvoir de police des maires en le conditionnant au respect des libertés garanties par les lois (II).
I. Une ordonnance rendue dans un contexte particulier, conforme à la jurisprudence du Conseil afférente aux restrictions des libertés fondamentales.
Si par plusieurs ordonnances, le Conseil d’Etat a admis la possibilité de restreindre des libertés fondamentales afin de prévenir à la survenance de troubles à l’ordre public, un tel risque n’était en l’espèce pas avéré (A) et les circonstances locales particulières, critère dont a usé la jurisprudence pour valider des atteintes exceptionnelles aux libertés, ne justifiaient pas non plus la validation de l’arrêté contesté (B).
A – Une menace de troubles à l’ordre public matériellement trop faible pour justifier une restriction aux libertés d’aller et venir, de conscience et à la liberté personnelle.
→ Le juge précise le cadre juridique des pouvoirs du maire, chargé de la police municipale.
→ Ce dernier doit concilier le respect des libertés garanties par la loi avec l’accomplissement de sa mission.
→ Les pouvoirs de police du maire doivent donc être adaptés, nécessaires et proportionnés au but poursuivi.
→ En l’espèce pas de trouble à l’ordre public caractérisé, mais la jurisprudence a admis la possible restriction des libertés fondamentales avant même la survenance d’un trouble à l’ordre public, lorsque le respect de la dignité de la personne humaine entre en compte.
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